L’émergence et l’évolution du Mouvement islamique en Mauritanie
L’émergence et l’évolution du Mouvement islamique en Mauritanie
Un récent épisode de l’émission « Mawazine », diffusé le 26 février 2025, a exploré la naissance du Mouvement islamique en Mauritanie et son évolution politique. L’émission, animée par Mohamed Jamil Ould Mansour, ancien président du Rassemblement national pour la réforme et le développement (Tawassoul), a réuni des experts tels que le Dr Didi Ould Salek, directeur du Centre Maghrébin d’études stratégiques, et l’écrivain et analyste politique El Wely Ould Sidi Heiba.
L’émission a mis en lumière le contexte historique de la Mauritanie, un pays longtemps reconnu pour ses centres d’enseignement religieux, qui ont contribué à la formation de la conscience islamique. Cependant, avant l’indépendance, aucune organisation islamique structurée n’était présente. L’émergence de courants gauchistes et nationalistes dans les années 1970 a poussé un groupe de jeunes à fonder « Ansar Allah Moujahideen », marquant ainsi le début du Mouvement islamique en Mauritanie.
Selon Mohamed Jamil Ould Mansour, ce mouvement est né de la convergence entre la culture islamique traditionnelle transmise par les Mahadras et les idées des mouvements islamiques contemporains, importées par des étudiants revenus d’Égypte, du Golfe et d’Europe. Cette fusion a conféré au courant islamique mauritanien une singularité par rapport à ses homologues régionaux.
Contrairement à d’autres mouvements islamistes, celui de Mauritanie n’est pas né d’une opposition à la culture locale mais plutôt d’une volonté de renouveler l’héritage islamique dans un contexte contemporain. Ould Mansour a souligné que l’absence de pluralisme religieux n’a pas constitué un frein à son développement.
El Wely Ould Sidi Heiba a expliqué que l’influence des courants de gauche a joué un rôle déterminant dans l’affirmation du Mouvement islamique. En effet, après l’indépendance, certaines figures socialistes ont introduit des idées perçues comme en contradiction avec les valeurs religieuses du pays, incitant ainsi les islamistes à organiser une réponse structurée.
Quant à la relation du Mouvement islamique avec le pouvoir, Ould Mansour a rappelé que les islamistes se sont initialement alignés sur le régime militaire de Mohamed Khouna Ould Haidala dans les années 1980, profitant de son engagement en faveur de l’application de la loi islamique. Cependant, après la chute de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, le mouvement a amorcé une transition vers une participation politique officielle, marquée par la création du parti Tawassoul.
Le Dr Didi Ould Salek a indiqué que cette transformation reflétait une acceptation progressive du cadre démocratique par le Mouvement islamique, qui s’est redéfini comme un courant politique national. Cette évolution a abouti à l’obtention d’une licence officielle pour Tawassoul, qui s’est imposé comme un acteur majeur sur la scène politique mauritanienne.
Toutefois, la participation des islamistes au gouvernement de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah a suscité des controverses, notamment en raison du maintien des relations diplomatiques avec Israël à cette époque. Ould Mansour a justifié cette démarche en expliquant qu’elle visait à faire pression pour mettre fin à cette normalisation, un objectif qui a finalement été atteint.
Concernant la position du Mouvement islamique face au Printemps arabe, Ould Mansour a reconnu que bien que les islamistes mauritaniens aient appelé à des réformes sous le slogan « réformer avant qu’il ne soit trop tard », les conditions internes du pays ne permettaient pas une mobilisation similaire à celle observée en Tunisie ou en Égypte. L’absence d’un soutien social massif a conduit les islamistes à revenir à des formes plus traditionnelles d’opposition.
Enfin, le débat a abordé la question du renouvellement de la direction de Tawassoul. Si certains changements ont été perçus comme une ouverture, d’autres ont provoqué des tensions internes, menant à la démission de plusieurs figures, dont Ould Mansour. Ce dernier a précisé que son départ était motivé par des divergences stratégiques sur l’inclusivité du parti.
Le Dr Ould Salek a conclu en analysant la baisse de la représentation électorale de Tawassoul, qu’il attribue à plusieurs facteurs, notamment les départs de certains leaders, un manque de coordination avec l’opposition et une stratégie efficace du pouvoir visant à pacifier le climat politique. Toutefois, il a souligné que Tawassoul conserve une base électorale solide, ce qui en fait toujours un acteur influent en Mauritanie.
Source: (Al Jazeera)