Mauritanie

Le silence complice et la responsabilité collective

Le silence complice et la responsabilité collective

Eywa : Il faut avoir le courage de poser les mots justes : des crimes ont été commis en Mauritanie contre des citoyens noirs, en particulier dans les années 80 et 90. Ces exactions – exécutions extrajudiciaires, déportations, humiliations, spoliations – n’ont pas été le fait d’une force étrangère, mais bien d’hommes issus d’un appareil d’État contrôlé alors, et encore aujourd’hui, en grande majorité par une élite maure.

Et pourtant, malgré l’évidence historique, très peu de voix dans la communauté maure se sont levées pour dénoncer ces crimes. Pas de déclarations collectives, pas de mea culpa, pas de soutien actif aux victimes, pas de participation réelle à l’exigence de vérité et de justice. Ce silence, qu’il soit dû à la peur, à l’indifférence ou à la solidarité ethnique mal placée, devient un silence complice.

Certes, tous les maures n’ont pas commis ces crimes. Mais là n’est pas la question. Le vrai problème, c’est que ceux qui n’étaient pas concernés ne se sont pas désolidarisés de ceux qui les ont commis. Ils n’ont pas pris leurs distances avec l’injustice. Ils n’ont pas porté la parole de vérité aux côtés des opprimés. Et ce silence, cette neutralité face à l’inacceptable, les rend moralement redevables. Car dans un pays fracturé par l’injustice, le silence des uns renforce l’impunité des autres.

Il est temps de dire les choses sans détour : tant que cette partie de la communauté maure ne reconnaîtra pas la gravité des crimes passés et ne prendra pas position pour la justice et la vérité, elle portera, qu’elle le veuille ou non, le poids du soupçon collectif. Le pardon ne peut être exigé sans justice. La réconciliation ne peut naître sans vérité. Et l’unité nationale n’a de sens que si elle repose sur la mémoire partagée et la reconnaissance des torts.

La responsabilité première revient, bien entendu, à ceux qui ont exécuté ces actes et à ceux qui les ont commandités. Mais en les couvrant, en se taisant, en refusant de réclamer l’abrogation de la loi d’amnistie, ceux qui se disent “non concernés” contribuent à prolonger l’injustice. Ils enferment notre pays dans un cycle d’impunité dont personne ne sortira grandi.

La vraie paix, la vraie fraternité, commenceront le jour où des voix courageuses, du côté maure, réclameront la justice non pas par solidarité ethnique, mais par devoir de vérité. Ce jour-là, la Mauritanie avancera vraiment……Wetov

Sy Mamadou

Articles similaires