Le Maroc met en garde Madrid contre un « pourrissement » de la crise avec l’Espagne

Le chef de la diplomatie marocaine appelle le pays à juger le chef du Front Polisario, soigné en Espagne depuis avril après avoir contracté le Covid.

 La diplomatie va-t-elle reprendre le dessus dans la crise qui oppose Rabat et Madrid ? Dimanche 23 mai, le ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita a engagé l’Espagne à ne pas aggraver les tensions déclenchées par l’hospitalisation de Brahim Ghali, chef du Front Polisario.

Permettre à ce dernier « de rentrer chez lui, contourner la justice espagnole et ignorer les victimes serait un appel au pourrissement », a souligné le diplomate dans un entretien avec l’AFP.

Rabat affirme que le leader du mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par Alger a voyagé de façon « frauduleuse » en Espagne, « avec un passeport falsifié ». Soigné depuis avril à Logroño (nord) après avoir contracté le Covid-19, le responsable âgé de 75 ans est désormais « en convalescence » et « loin de tout danger », selon un haut responsable sahraoui.

Ulcérées par cette hospitalisation, les autorités marocaines réclament une enquête « transparente » et « la prise en compte des plaintes déposées contre lui » pour « tortures », « violations de droits humains » ou « disparition forcée ». « C’est un test pour le partenariat stratégique » liant les deux pays notamment en termes de lutte contre la migration clandestine, a mis en garde Nasser Bourita.

« Le bon voisinage n’est pas à sens unique »

L’affaire a viré à la crise ouverte lundi 17 mai quand les forces marocaines ont relâché leur contrôle aux frontières en début de semaine, laissant 10 000 Marocains rêvant d’émigrer en Europe passer dans l’enclave espagnole de Ceuta. Un geste perçu par Madrid comme une « agression » et un « chantage » de la part de Rabat.

« Le bon voisinage n’est pas à sens unique », a rétorqué dimanche le chef de la diplomatie marocaine, estimant que son pays « n’a pas l’obligation de protéger les frontières ». Depuis 2017, le royaume chérifien « a démantelé plus de 4 000 réseaux et bloqué 14 000 tentatives irrégulières » alors que la contrepartie financière de l’Europe, « d’une moyenne de 300 millions d’euros par an » ne représente « pas 20 % » de ce qu’il engage, selon Nasser Bourita.

La justice espagnole a rouvert cette semaine un dossier contre Brahim Ghali pour « crimes contre l’humanité » après une plainte ancienne déposée par une association l’accusant de « violations des droits humains » sur des dissidents des camps de Tindouf (ouest de l’Algérie). Elu en 2016 à la tête de la République arabe sahraouie démocratique (RASD, autoproclamée), le dirigeant avait déjà été cité à comparaître le 1er juin pour une plainte pour « tortures » déposée par un dissident du Polisario naturalisé espagnol.

Le Polisario milite pour l’indépendance du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole contrôlée dans sa majeure partie par le Maroc, qui propose une autonomie sous sa souveraineté. Après presque 30 ans de cessez-le-feu, les hostilités ont repris mi-novembre après le déploiement de troupes marocaines dans une zone tampon de l’extrême sud du territoire, pour déloger des indépendantistes qui bloquaient la seule route vers l’Afrique de l’Ouest. Le Sahara occidental est considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence de règlement définitif de la question de son statut.

Le Monde avec AFP

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