LARMOIEMENTS D’UNE PLUME : L’émigration et le maure de la 1ére génération.
LARMOIEMENTS D’UNE PLUME : L’émigration et le maure de la 1ére génération.
D’aussi loin qu’on s’en souvienne, le maure qu’il soit « Arbi », guerrier, « Zaoui » homme de savoir, ou « Iyal » vassal chez l’un ou l’autre, est d’abord, et par excellence un nomade en perpétuelle pérégrinations. Son principal souci dans la vie d’ici-bas, est de faire tenir le coup à son cheptel, jusqu’à la prochaine saison de pluie, en se deplaçant d’un lieu de pâturage, vers un autre. C’est aussi un habile commerçant, passionné de cette profession, qui lui coule dans les veines comme un second sang. L’émigration pour lui, n’est donc pas une inconnue, et il en a toujours fait usage, quelques fois par vocation, mais le plus souvent, il n’était que l’objet sur lequel elle s’exerçait avec la complicité des pressantes contraintes de la vie. Dans les deux cas, il n’irait jamais au-delà des pays limitrophes, où, pour tirer ses moyens d’existence il exerçait l’une ou l’autre de ces occupations. Il lui arrivait exceptionnellement de pousser parfois plus avant, C’est vrai, mais seulement quand il s’agissait pour lui de mettre, en bon musulman, le cap sur la Mecque, avec pour objectif de remplir son devoir de pèlerinage, qu’il effectuait généralement à pied, où à dos d’âne pour les plus nantis. Ce qui, à ce rythme là, lui prenait des années, et des années, pour rallier de nouveau son point de départ, si jamais l’envie lui en venait d’y retourner. Il se déplaçait à longueur de temps par petit groupe, le plus, souvent du même âge, (Asr), et plus souvent encore, natifs du même campement. Il convient quand même de mentionner, avant d’aller plus loin, que partout où il passait, le premier maure était aux yeux des autres, non seulement une référence incontournable, un exégète du texte sacré, de la Sunna et des sciences afférentes, mais aussi un exemple parlant d’honnêteté, de rectitude et, d’abstinence, jamais démenties. Malgré, qu’il n’était pas rare que ceux qui l’abordaient pour la première fois, le prenaient pour quantité négligeable, à cause de cette manière peu avantageuse, qu’il a de s’offrir au regard de son vis-à-vis, où, en plus d’une hygiène corporelle amplement négligée, sa tenue est toujours debraillée, et fréquemment exempte de pantalon. Ce qui dans le temps faisait marrer les jeunes filles de notre voisin de la rive Sud du fleuve. On rapportait que ces demoiselles, conditionnées par leur entourage à se comporter dans leur milieu, comme des bêtes de somme soumises, se consolaient de cette injustice en se montrant insolentes et sans vergogne avec l’étranger. L’un de leurs rares défouloir consistait à ne jamais manquer l’occasion de tourner en dérision le boutiquier maure, devant l’ėchoppe duquel elles s’attroupaient. Et là, elles restaient à l’affût, attendant qu’un coup de vent, ou tout autre coup de hasard, soulevait son boubou, mettant à son insu son anatomie à découvert. Aussitôt elles partaient d’un rire hystérique, en se tenant les côtes, pour ne pas tomber à la renverse de jubilation. Leur bouche qui s’ouvrait et se refermait, comme si elle manquait d’air, semblait inapte à émettre le moindre son, parvenait après maintes tentatives infructueuses à articuler, entre deux hoquets, « Narbi soloul thaya ». Le maure ne porte pas de pantalon. Et elles repartaient de plus belle, caquetant comme une basse-cour. Lui, comme à l’ordinaire, imperturbable à leurs railleries, poli et calme, laissait patiemment retomber la poussière, sans cesser de vaquer
en toute quiétude à ses occupations, en psalmodiant à mi-voix ses Sourates.
Grâce à son sens inné à gérer toutes sortes de relations humaines, et à venir au secours de ceux qui en faisaient la demande, et même de ceux qui n’en faisaient pas, cette impression de « quantité négligeable » qu’il offrait à première vue, ne tardait pas à laisser place à une aura qui influençait et fascinait durablement tous ceux qui l’approchaient. De sorte que dans le « Djolf », Ksar, où il s’établissait on s’en remettait entièrement à lui, pour tout ce qui concerne les détails de la vie courante. Il en devenait l’imam de la mosquée, le maître coranique, le juge dont les sentences sont sans appel, le notaire qui authentifie les contrats de mariage, les actes de donation, d’achat et de vente. Bref, il a cette diposition de se dévouer pour les autrres, sans rien attendre en retour. Le revers de cette belle médaille, est qu’il pourrait devenir un redoutable adversaire qui a plus d’une corde à son arc, et sait s’en servir dès qu’il n’est plus en sécurité. Ce n’est pas le genre d’individus auquel on force la main, pas plus qu’il n’est le genre qui se laisse ravir ce qu’il ne veut pas céder, de bon gré. En outre, il n’est jamais rassuré à l’endroit de sa félicité dans l’au-delà, et cette inquiétude obsessionnelle le poussait inexorablement à se priver de tout, et à ne jouir de rien, de peur d’alourdir la liste, déjà exhaustive des comptes à rendre, à la justice divine. Malgré cette anxiété excessive il fut un grand ambassadeur, qui a laissé des souvenirs inoxydables qui dénotent d’un solide promoteur de la langue et, de la culture arabe.
A suivre. L’èmigration et le maure de la deuxième gènèration.
Deddah_Abd-Daim