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Langues nationales « introduites » dans le système éducatif :

un leurre ou un cadeau empoisonné

Langues nationales « introduites » dans le système éducatif : un leurre ou un cadeau empoisonné
Il est d’abord primordial de signaler toute l’ambiguïté voulue autour de cette formulation. Pourquoi ne pas simplement appeler un chat un chat ?
Pour cette année, même si l’on peut parler d’introduction qui n’en est pas une, il faudra y adjoindre si on est de bonne foi, elle est à titre expérimental, au lieu de chanter sur tous les toits que « l’enseignement des langues nationales démarrera (ou a démarré) cette année 2024 -2025 ».
Voici comment on a parlé de l’enseignement des langues nationales dans la loi d’orientation ((Loi n°2022-023, chap2 : les langues, Section1 : De l’enseignement des langues nationales, Article 65, p19) : « : Pour offrir l’accès le plus facile, le plus efficace et le plus équitable au savoir, chaque enfant mauritanien sera enseigné dans sa langue maternelle, tout en tenant compte du contexte local et des impératifs de préservation de la cohésion sociale… »
Même si on est resté évasif dans cette première phrase, on pourrait se dire que c’est du bien, seulement, le même article est truffé de contradictions et de confusions, d’où une volonté manifeste de manipuler l’opinion.
C’est juste à la phrase qui suit que l’on remarquera cela : « L’enseignement est dispensé en langue arabe à tous les niveaux d’éducation et de formation, aussi bien dons les établissements publics que dans les établissements privés ». Qui ne dira pas que ce n’est pas du tout clair, alors que là juste en haut on a déjà dit que « … chaque enfant mauritanien sera enseigné dans sa langue maternelle… ».
Oui ce serait très beau pour être vrai, connaissant le mode de fonctionnement de nos chères institutions. Mais la confirmation de l’objectif est très bien illustrée encore un peu plus loin : « L’arabe est enseignée à tous les enfants dont elle n’est pas la langue maternelle comme langue de communication et comme langue d’enseignement. » Où est donc la place des langues nationales dont on chante « l’introduction » ? Cette réforme du SEN s’appelle l’arabisation du système éducatif, wo towff. On aura encore plus de clarté quand on finira par conclure dans son annexe de notre fameuse loi : « La généralisation de l’enseignement des langues nationales interviendrait à la suite d’une expérimentation conduite par la structure chargée de la promotion des langues nationales et sur la base d’une évaluation scientifique probante conduite par une expertise qualifiée … ».
Juste après, toujours dans l’annexe : « En attendant la généralisation de l’enseignement des langues nationales, l’enseignement des disciplines scientifiques sera dispensé en arabe ».
Voilà enfin, tout ce que l’on s’attend de la loi d’orientation, remplacer le français totalement par l’arabe, en mettant devant comme appât empoisonné, un soit disant enseignement des langues nationales. Ne verra pas cela que celui qui n’a pas envie de voir ; mais c’est clair et très net : Il ne restait que ces trois (3) disciplines dites scientifiques (math, physique et Science naturelle) encore enseignées en français, et ce, depuis la dernière réforme de 1999. Evidemment, nous militons pour les langues nationales, pour leur enseignement, pour leur officialisation, mais pas contre l’arabe ni contre, non plus, le français, ou contre toute autre langue d’ailleurs.
En revenant à l’expérimentation de l’enseignement, nous avons d’abord le devoir de dire clairement aux mauritaniens qu’il s’agit d’une expérimentation. Et ensuite, voici la répartition : 25 classes en tout, soit :
– 18 classes pour les locuteurs, soit 6 classes par langue (Pulaar, Soninké et Wolof)
– 7 classes pour les non-locuteurs.
Si cela était sincère, comme c’est introduit dans l’article 65, que je me permets de reprendre ici: « Pour offrir l’accès le plus facile, le plus efficace et le plus équitable au savoir, Chaque enfant mauritanien sera enseigné dons sa langue maternelle… », bone mbaɗataa !
Maintenant faisons la superposition et tirons la conclusion nous-mêmes. Que peut-on tirer de cette expérimentation, tout en sachant les miettes distribuées aux trois langues et que pendant ce temps l’arabe aura fini aisément sa phase de généralisation (cf : « en attendant la généralisation … ». Et c’est vraiment cela l’objectif et rien d’autre. Donc c’est une duperie pure et dure à travers laquelle, cette réforme est en train de sceller en une seule fois le sort des langues, y compris le français.
Pourtant, on l’avait déjà dit, cette expérimentation ne devrait pas avoir lieu, car toutes nos langues nationales ont déjà été expérimentées avec des résultats très concluants. Que cherche-t-on donc à travers cette expérimentation, si ce n’est leurrer les mauritaniens et du coup accomplir le plan macabre de l’arabisation à outrance de notre système éducatif ?
Or, pour ceux qui ne le savent pas (je le répète encore) ce sont seulement les trois disciplines scientifiques qui restaient enseignées en français depuis la réforme de 1999, qui avait emporté en même temps toutes les matières littéraires désormais dispensées en arabe. Donc, ne sera berné que celui qui ne l’a pas compris, ou qui veut l’être, mais la trajectoire est on ne peut plus clair.
D’ailleurs, si l’introduction des langues nationales (qui n’en est pas une) est sincère et honnête, pourquoi une réforme dans une réforme ? Une petite reforme faite à l’intérieur au profit de l’arabisation totale sans attendre la fin de l’expérimentation (qui ne devrait pas avoir lieu, encore une fois) ? Et pourquoi cette « expérimentation » n’est pas limitée dans le temps ?
On connaît malheureusement les réponses, illustrées par le même document : « … maîtriser la langue arabe, langue nationale et officielle, en tant que langue d’enseignement à tous les niveaux du système éducatif national, moyen de production culturelle et de communication… »
Évidemment, nous ne rejetons pas l’arabe, qui d’ailleurs est une langue nationale, ce qui est acceptable et accepté, en sachant pour certains, l’arabe c’est le Hasaniya (nous ne jugeons pas). Mais, s’il vous plaît, nous avons d’autres langues : le poular, le soninké et le wolof sont aussi reconnues comme nationales. Pourquoi donc l’arabe seule doit-elle être la langue d’enseignement ? Hum, parce qu’elle est officielle ? Qu’est-ce qui empêche les autres de l’être ? Au nom de quoi ? Parce que la loi de mon pays ne l’a pas voulu ainsi ? Parce que les locuteurs de ces langues ne sont pas des citoyens à part entière, mais de seconde zone ?
Voilà, de multiples questions pour lesquelles seules les bonnes réponses nous amèneront à cette cohésion sociale tant chantée. Aidez-nous. Aidons-nous à remettre notre pays sur la bonne voie. Aidons-nous pour le rétablissement de la justice, pour l’officialisation de toutes nos langues nationales.
Nous souhaitons l’enseignement dans et par nos langues nationales, toutes nos langues nationales, mais nous ne voulons pas disparaître à petit feu. Cette réforme est un cadeau empoisonné à laquelle, même les concepteurs ne croient pas.
La preuve en est que tous leurs enfants sont ailleurs, dans d’autres systèmes, d’autres contrées, là où l’autre est respecté dans sa langue, sa culture, et en tant que citoyen à part entière. Là où, le programme scolaire est dument réfléchi, là où il n’y a pas de politique politicienne dans l’éducation.
Dooro Gey Njooro (Boobo Loonde)

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