La polémique enfle entre Paris et Ankara après la dissolution en France des Loups gris
Ankara dénonce la dissolution du réseau ultranationaliste implanté en France.
Par Jean-François Chapelle Publié hier à 10h24- Le Monde Politique
L’apaisement aura été de courte durée. Le ping-pong des accusations délétères entre Paris et Ankara avait cédé la place au deuil et aux messages de solidarité après l’assassinat, le 29 octobre dans une église niçoise, de trois personnes par un terroriste tunisien, puis la mort d’au moins 114 personnes dans un séisme survenu le 30 dans l’ouest de la Turquie.
L’adoption, mercredi 4 novembre, par le gouvernement français, d’un décret prononçant la dissolution du « groupement de fait » que constituent en France les « Loups gris », organisation de jeunesse du parti turc d’extrême droite de l’Action nationaliste (MHP), a cependant réveillé les tensions entre les deux pays.
Selon ce texte, les « Loups gris » constituent un « mouvement paramilitaire et ultranationaliste » dont les membres « participent à des camps d’entraînement » sur le sol français, font la promotion d’« une idéologie tendant à discriminer, voire à provoquer à la violence contre les personnes d’origine kurde et arménienne » et ont été impliqués « dans plusieurs actions violentes ayant le caractère de manifestations armées dans la rue ».
« Décision provocatrice »
Son adoption intervient après deux incidents violents survenus fin octobre sur l’autoroute A7, à hauteur de Vienne (Isère), puis à Dijon (Côte-d’Or), au cours desquels des dizaines de personnes affichant leur appartenance aux « Loups gris » ont pris à partie des membres de la communauté arménienne qui manifestaient contre l’offensive lancée par l’Azerbaïdjan, avec le soutien de la Turquie, pour conquérir l’enclave arménienne du Haut-Karabakh.
Ces agressions, qui ont fait plusieurs blessés, ont été suivies de la profanation du Centre national de la mémoire arménienne et du Mémorial du génocide arménien de 1915, dans la région lyonnaise, tagués avec les inscriptions « Nique Arménie », « Loup Gris » et « RTE » – les initiales du président turc, Recep Tayyip Erdogan.
Le ministère turc des affaires étrangères a dénoncé mercredi une « décision provocatrice ». Accusant le gouvernement français d’« ignorer les incitations, menaces et attaques croissantes de la diaspora arménienne fanatique de son pays », il a jugé « nécessaire de protéger la liberté d’expression et de réunion des Turcs de France » et promis dans un communiqué que « la réponse la plus ferme sera donnée à cette décision ».Article réservé à nos abonnés
Partenaire indispensable
Le MHP est devenu au cours des dernières années un partenaire indispensable du parti islamo-conservateur de M. Erdogan, en perte de vitesse et auquel il a imposé ses vues – interventionnisme à outrance et recours à la force militaire – sur de nombreux dossiers de politique étrangère, comme la Libye, le Haut-Karabakh ou la Méditerranée orientale…
Sur tous ces sujets, la Turquie s’oppose à la France. Les tensions ont culminé au cours de la dernière semaine d’octobre, quand M. Erdogan a conseillé au président français, Emmanuel Macron, « des examens de santé mentale », puis appelé à un boycottage des produits français.
Jeudi, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a qualifié d’« inacceptables » les « déclarations de violence, voire de haine, qui sont régulièrement affichées par le président Erdogan ». « Nous voulons très fermement que la Turquie renonce à cette logique-là, a-t-il affirmé sur Europe 1, avant de prévenir : Et si d’aventure ce n’était pas le cas, le Conseil européen (…) a décidé qu’il prendrait les mesures nécessaires à l’encontre des autorités turques. (…) Il y a des moyens de pression, il y a un agenda de sanctions possibles. »