La Mauritanie, un État-cobaye ? Par Ely Ould Sneiba
La Mauritanie, un État-cobaye ? Par Ely Ould Sneiba
Avant de déclarer la Mauritanie comme un pays indépendant, le colonisateur français avait demandé à ses habitants arabes et négro-africains de s’unir pour former le futur État décolonisé. Cela a été réalisé, mais depuis, leur unité est toujours mise à l’épreuve et ils lui cherchent une raison valable.
L’islam sur lequel les mouvements politiques, négro-africains et islamistes veulent fonder l’unité nationale n’est pas une religion exclusivement mauritanienne. Ses vertus unificatrices s’étendent bien au-delà de nos frontières pour rassembler Indonésiens, Pakistanais, Sénégalais, Iraniens, Arabes, etc.
Même la formule ‘République Islamique’ n’était qu’une réponse provisoire pour satisfaire les partis politiques négro-africains qui ne voulaient pas s’intégrer dans un futur État arabe.
D’un autre côté, on peut déjà percevoir des signes annonciateurs de fragilité dans notre société entièrement musulmane, comme l’existence encore timide de l’athéisme et la présence de cellules chrétiennes à Kaédi et à Seilibaby.
De plus, la majorité des Négro-Mauritaniens ne parviennent toujours pas à comprendre ce qui se dit dans les mosquées, car les sermons sont prononcés en arabe, une langue qu’ils rejettent pour des raisons ethnicistes.
Plutôt que d’utiliser la langue arabe, les nationalistes pulaars cherchent à imposer le français ou, à défaut, le multilinguisme à tous les niveaux, ce qui alimente la division.
Le slogan ‘On ne nous imposera jamais la langue arabe’ est révélateur du projet ethnocentrique de ces fossoyeurs de l’unité nationale.
Pourtant, les Français qu’ils prennent pour leur modèle avaient réglé cette question depuis l’ordonnance Villers-Cotterêts de 1539 qui a instauré l’uniformisation linguistique en faveur de la langue française exclusivement.
Les Peuls et les Toucouleurs sénégalais, qui sont leur prolongement humain et idéologique, reconnaissent le wolof comme la langue de l’unité de la Nation sénégalaise. Et ils vont bientôt l’admettre en tant que langue officielle, à leur grand désarroi.
On ne le dira jamais assez : ceux qui cherchent à rassembler de manière authentique les citoyens d’un même pays, qui est forcément pluriethnique, se démarquent radicalement de ceux qui se laissent aveugler par leur ethnocentrisme, source intarissable de complexes, de tensions, de haine et de folie meurtrière à la rwandaise.
En dépit des jugements à l’emporte-pièces, la langue que certains nationalistes étroits, partisans du communautarisme ethnico-racial, tentent de réduire à un simple moyen de communication, est bien plus que cela.
Elle est la particularité distinctive la plus puissante qui renforce l’unité de divers peuples. Autrement, la Francophonie n’aurait pas existé. Et nous sommes tous d’accord sur l’ingéniosité visionnaire de la classe politique française.
En conséquence, si l’État mauritanien vise à renforcer la cohésion de sa population en utilisant la langue arabe, il est inadmissible de lui opposer l’existence d’autres langues nationales.
Existe-t-il un pays sans diversité ethnique et raciale sur terre ?
Aucun.
Comment cela est-il géré ?
Il existe le modèle français, qui est républicain et qui prône l’intégration. Et il y a l’approche des nationalistes pulaars mauritaniens qui est communautariste, ethnocentrée et divisionniste.
En réalité, le particularisme pulaar constitue un obstacle majeur à l’unité nationale. La Mauritanie a été créée sans tenir compte de son projet ethnique mauritanien et sous-régional.
Les événements malheureux de 1966, 1986, 1987 et 1989 sont la preuve de sa quête identitaire inassouvie.
Actuellement, ils espèrent que le prochain dialogue les aidera à obtenir gain de cause, c’est-à-dire à mettre un terme à ce qu’ils qualifient d’arabisation forcée, et pousser les autres à déclarer la Mauritanie comme un État multinational.
Si nous devions établir un État multinational, pourquoi le faire avec des Négro-Africains alors que nos frères arabes souhaitaient que nous le fassions avec les Marocains, malgré le veto français et Sénégalais ?
Continuer à dire : « Nous sommes condamnés à vivre ensemble » ne doit pas être le moyen de faire de la Mauritanie un État-cobaye : explorer des exemples de particularisme linguistique et institutionnel où chaque ethnie adopte et officialise sa langue, et où l’État est divisé entre les races et les ethnies. Il s’agit d’un raisonnement politique erroné, car les exemples de déchirures interethniques ne manquent pas et des États avaient disparu en Afrique et ailleurs.
Ely Ould Sneiba
Le 12 mai 2025