La dégressivité des allocations chômage suspendue

En raison de la crise sanitaire, le gouvernement a annoncé la suspension de l’une des mesures les plus décriées de sa réforme de l’assurance-chômage.

Par Bertrand Bissuel Publié hier à 13h28, mis à jour à 10h04

La réforme de l’assurance-chômage subit de gros retards à l’allumage, à cause du Covid-19. Le 15 avril, le ministère du travail a annoncé la suspension d’une des mesures les plus décriées du dispositif : la dégressivité des allocations.

Ce mécanisme fait partie de la première vague de nouvelles règles, entrées en vigueur le 1er novembre 2019. Il prévoit une baisse de la prestation à partir du septième mois d’indemnisation, pour les demandeurs d’emploi percevant les plus hauts salaires lorsqu’ils étaient en activité (au moins 4 500 euros brut par mois). Les chômeurs de 57 ans et plus ne sont pas concernés par cette décote.

La disposition, qui touche en particulier les cadres, avait été vertement critiquée par les syndicats, notamment la CFE-CGC, très attachée à la défense des intérêts des personnels de l’encadrement. Elle risquait, aux yeux des organisations de salariés, de pénaliser des personnes qui peinent à retrouver un poste correspondant à leurs compétences. L’exécutif a finalement choisi de la mettre entre parenthèses, « pendant la durée de la crise sanitaire ».Article réservé à nos abonnés 

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La décision relative à la dégressivité s’ajoute à celle qui avait été prise le 16 mars. Ce jour-là, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, avait annoncé le report au 1er septembre d’une deuxième série de règles devant entrer en vigueur à partir du 1er avril. Celles-ci modifient les modalités de calcul de l’allocation : le but est de juguler l’inflation des contrats courts, avec un nouveau système où l’indemnisation mensuelle sera plus faible pour les personnes alternant des petits boulots et des périodes d’inactivité. Un tel mécanisme est présenté comme un aiguillon, qui doit inciter les demandeurs d’emploi à signer des contrats plus longs. Il pourrait se traduire par une baisse de la prestation de 22 % en moyenne pour environ 850 000 individus. Mme Pénicaud a donc, là aussi, préféré décaler ce changement, susceptible de mettre en difficulté des chômeurs dont le nombre est appelé à s’accroître, avec la récession.

« Garantie d’un niveau de vie décent »

« Il était assez logique de suspendre une réforme dont l’un des principaux objectifs était de réaliser des économies situées entre 3 milliards et 3,9 milliards d’euros sur trois ans, commente Gilbert Cette, professeur associé à l’université d’Aix-Marseille. Une telle démarche passe au second plan et paraît même un peu dérisoire, compte tenu du contexte dans lequel nous nous trouvons, avec près d’un salarié sur deux en chômage partiel, dont la rémunération est assurée par la collectivité, moyennant un effort budgétaire colossal. »

Aujourd’hui, les syndicats estiment que le pouvoir en place doit aller plus loin et abandonner une réforme qui durcit les conditions imposées aux chômeurs pour pouvoir être indemnisés. « A ce stade, nous avons du mal à convaincre nos interlocuteurs gouvernementaux de la différer sine die », relate Michel Beaugas (FO).

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Professeur à l’Ecole d’économie de Paris, François Fontaine considère que « la mise en œuvre des nouvelles règles de calcul doit être repoussée jusqu’au moment où le chômage aura commencé à refluer très nettement et donc sans doute bien au-delà du 1er septembre »« Pour l’instant, plaide-t-il, la question de la garantie d’un niveau de vie décent au chômage l’emporte sur les problèmes incitatifs. »

Dans la position du gouvernement, deux éléments sont susceptibles de peser, d’après Gilbert Cette. « L’un tient à l’état de notre économie et du marché du travail, explique-t-il. Tant que les difficultés perdureront, on voit mal comment les mesures en question pourraient entrer en vigueur. » L’autre paramètre est de « nature politique » : le gouvernement sera d’autant moins enclin à rétablir les dispositions contestées, à moins de deux ans de la présidentielle, « s’il ressort affaibli de cette crise ».

Bertrand Bissuel


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