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Le soninké, un atout majeur pour notre rayonnement culturel et notre ouverture au reste du monde…

La Journée internationale du soninké, proclamée par l’UNESCO, consacre une langue millénaire, vecteur d’identité, de culture et de cohésion régionale.

Journée internationale du soninké
Le 25 septembre a été proclamé par l’UNESCO, journée internationale de la langue soninké, depuis octobre 2023.
Loin d’être un simple acte protocolaire ou, à l’échelle mondiale, un geste purement exotique et folklorique, il s’est agi en réalité, de la reconnaissance profonde par le reste du monde, du rôle historique, culturel et social que joue depuis des centaines d’années, cette langue transfrontalière majeure d’Afrique de l’Ouest. Ainsi devient elle, la deuxième langue africaine, après le swahili, à obtenir une telle consécration. Pas moins.
Pour celui qui s’intéresse tant soit peu, à l’histoire de notre continent, et spécialement de notre sous-région soudano-sahélienne, un tel témoignage ne peut surprendre. Ce n’est pas en soi une langue qui est mise à l’honneur mais ses locuteurs dont la fascinante histoire déborde largement les frontières de notre espace régional. Ce que l’UNESCO invite à reconnaître et à célébrer dans le monde entier, c’est en effet, un héritage historique : celui qui nous relie en ligne directe, à travers cette langue, à l’un des empires les plus puissants de son époque : l’Empire du Ghana (Wagadu).
Le Soninké, en effet, c’est d’abord et avant tout, la langue des fondateurs, populations et des dirigeants du mythique Empire du Ghana (Wagadu), dont la puissance aurifére fut fabuleuse (l’or de l’empire du Mali symbolisé par les richesses inouies de Kankan Moussa au 13 eme siécle n’était sans doute rien par rapport à celles du Ghana , son devancier de la dynastie de ces fous de Cissé !). Commémorer cette langue, c’est donc, pour les pays sur lesquels cette civilisation immense s’est bâtie, reconnaître une mémoire collective très ancienne, millénaire qui a façonné le commerce transsaharien, la culture et les structures politiques de la région. Aujourd’hui encore, toutes les communautés de notre pays et de notre sous-région sont redevables à cette langue, pour avoir été le relais, l’intermédiaire entre leurs cultures respectives largement nourries de la sève de la culture racine, la culture- mère qu’est pour nous tous, la culture soninké et la formidable langue qui en est le support oral, verbal.
Le Soninké est parlé par des millions de personnes à travers la Mauritanie, le Mali, le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau. Il s’agit là d’un puissant facteur de compréhension, une aide précieuse de cohésion régionale qui permet de transcender les frontières politiques dans le contexte de nos souverainetés respectives modernes. Sans oublier, les fortes communautés diasporiques soninké à travers le monde (Europe, États-Unis et, de plus en plus Asie) qui tendent à faire de cette langue, une langue internationale, nécessitant une documentation et une promotion à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui, le soninké est une langue puissante mais minoritaire dans les pays où elle est pratiquée, et comme de nombreuses langues minoritaires ou transfrontalières, elle est sous la pression des langues officielles (comme le français et l’arabe) et de la mondialisation. Les gouvernements des Etats concernés ont pour mission d’aider avec force et conviction, à la protéger et à la promouvoir, en harmonie avec les langues dominantes suivant le principe constitutionnel et conventionnel de la diversité linguistique. Dans ce contexte, on ne peut que se féliciter des efforts entrepris dans la sous-région pour assurer l’intégration des langues jusqu’ici non reconnues officielles comme le soninké dans les sphères éducatives et numériques pour assurer leur usage courant et leur transmission aux nouvelles générations. En Mauritanie, la décision de faire des 2 autres langues nationales poular et olof, à côté du soninké, non seulement des langues de communication mais aussi des langues d’enseignement dans la nouvelle réforme du système éducatif est un pas important dans ce sens, à un pas de leur officialisation dont le principe est d’ores et déjà acquis par consensus et acté par le Président de la République, à travers le Pacte républicain signé avec certains partis politiques du pouvoir et de l’opposition depuis 2023.
La Journée internationale rappelle que la communauté soninké est essentielle à la mosaïque sociale et culturelle mauritanienne, ce que traduit, la participation active du Ministère de la Culture dont l’actuel titulaire est un des meilleurs défenseurs de la diversité culturelle du pays. En définitive, la commémoration de l’UNESCO de la langue soninké devrait nous aider à renforcer l’identité nationale plurielle de la Mauritanie et à nous rappeler que nos langues nationales sont un formidable outil d’influence sous régionale et de soft power positif à l’égard de nos voisins dans lesquelles la communauté soninké est centrale au plan historique, économique et social.
Cette donnée renforce considérablement les perspectives de développement de notre coopération avec le Mali, le Sénégal, lac Gambie et la Guinée-Bissau, dans lesquels le Soninké jouit déjà d’un statut de langue nationale. Notre pays peut jouer un rôle de premier plan pour la mise sur pied d’académies des langues négro-africaines spécialement le soninké dont le siège pourraient se situer légitimement et naturellement en Mauritanie, avec l’appui précisément de l’UNESCO. Cela aide également, considérablement au rayonnement de la langue arabe en très forte demande dans la région, notre pays jouant alors un rôle pionnier en matière d’harmonie linguistique…
Cette Coopération régionale et internationale de caractère scientifique aiderait nos pays à travailler de concert par exemple pour renforcer l’harmonisation de la graphie et la standardisation de la langue. Cela ne pourrait qu’encourager des projets culturels transfrontaliers conjoints dont certains sont d’ailleurs en cours (festivals, recherche historique, archives orales), autour notamment de la régénérescence et de la promotion du patrimoine commun du Wagadu.
Comme on le voit, la Journée du 25 septembre n’est pas seulement une journée festive. C’est un engagement planétaire à faire de cette monumentale langue Soninké une langue vivante, enseignée et numérisée, qui continue d’éclairer notre histoire commune et la culture de notre merveilleuse région en quête de renaissance et de gloire dans un monde de chaos.
Gourmo Abdoul Lô 27 septembre 2025

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