Actualités Politiques en Mauritanie | Rapide InfoAccueil |

Mauritanie : Pouvoir faible et réflexe de la coercition

Notice de synthèse, Nouakchott, le 17 août 2025 - Pouvoir faible et réflexe de la coercition

Mauritanie : Pouvoir faible et réflexe de la coercition
Notice de synthèse, Nouakchott, le 17 août 2025
L’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (Ira) confirme et réprouve la répression brutale dont ont été victimes ses adhérents, sympathisants et les citoyens venus soutenir de très nombreux détenus d’opinion, lanceurs d’alerte et défenseurs de droits de la personne, lors du rassemblement organisé, le 14 août 2025 devant le ministère de la Justice.
48 heures avant, l’Ira, Ong reconnue, informa, les autorités, de son intention de conduire la protestation pacifique de solidarité avec des concitoyens, cible désignée d’un pouvoir de militaires, camouflé en habits civil, dont les dérives liberticides ne sacrifient même plus aux faux semblants d’une démocratie de façade. Rappelons que le mandat controversé du Chef de l’Etat a été inauguré, durant la nuit du 1er au 2 juillet 2024, par l’assassinat, à Kaédi (Sud), de 7 jeunes manifestants, après leur arrestation. Aucune autopsie ou enquête n’a suivi la tuerie.
Encore et malgré l’enseignement tragique, le premier cercle des dirigeants s’obstine à museler la moindre expression de mécontentement sur la place publique. Dès qu’une association de citoyens se prépare à protester, la contrainte brute lui est opposée, à titre de dissuasion. En l’occurrence, les images et les témoignages s’avèrent d’une accablante indiscrétion. Conformément à ses usages impunis, la réaction de la police prouve l’habitude de la disproportion, d’où le bilan de dizaines blessés, à la fin des vigoureuses charges des unités anti-émeutes.
Mohamed Lemine Hassane, membre du Comité des Droits de l’Homme d’Ira et Bouyaye Mohamed Najem en ont subi toute la rigueur.
Parmi la multitude de militants dorénavant enfermés en raison de leurs idées, l’Ira a pu identifier:
1. Ablaye Ba, responsable du comité de l’émigration d’Ira, lanceur d’alerte. Il lui est fait grief de documenter le calvaire de migrants, sauvagement agressés puis reclus dans des lieux non-conventionnels. Ablaye Ba croupit en cellule, depuis le 26 avril 2025. Il purge une année de rétention carcérale.
2. Seydne Ali Mohamed Khouna, ancien ministre, proche de l’ex-Président Mohamed Ould Abdel Aziz, est souvent interpellé, y compris, pour la dernière fois, le 12 août. Il sera écroué, le lendemain, à la prison de Riyad. Il lui est reproché de vouloir créer une entité politique d’opposition, dénommée Parti du Pacte Démocratique.
3. Ali Bekar, activiste de l’écologie maritime, avait révélé de graves malversations et des fraudes dans la gestion du domaine halieutique, non sans insister sur les incidences économiques et médicales des usines de farine de poisson, à Nouadhibou, principal port de pêches. Il a été mis aux arrêts le 22 juillet 2025.
4. Mohamed Samba Meyssara, responsable de la commission de recensement de l’Ira, enlevé le mercredi 13 août 2025, au lendemain d’une publication Facebook.
5. Mohamed Daoud Boushab, militant de l’Ira, isolé de l’extérieur, depuis 31 juillet 2025, à la suite d’un message Facebook.
6. Ahmed Khouna Chamekh, seule femme du groupe, membre du bureau de la section Ira de Toujounine, en détention préventive, dès le 4 août courant. Le système de coercition lui impute le refus de céder à une tentative d’expropriation illicite de ses biens.
7. Ahmed Samba Abdallahi Samba, leader d’un parti en gestation, incarcéré à cause de ses critiques récurrentes à l’endroit du président de la République et du gouvernement.
Le rapport 2025 du Département d’État américain, qui couvre les incidents de l’année précédente, souligne l’absence de progrès en matière de droits fondamentaux. Ainsi, relevait-il, des manquements notables à la dignité de l’individu et n’hésitait à les décrire selon une précision chirurgicale. Des passages édifiants épinglent la régression:
« Parmi les problèmes importants en matière de droits de l’homme figurent des rapports crédibles faisant état de meurtres arbitraires ou illégaux, d’arrestations et de détentions arbitraires, de graves restrictions à la liberté d’expression et à la liberté des médias, notamment des arrestations injustifiées de journalistes, ainsi qu’une présence significative de l’une des pires formes de travail des enfants …quatre hommes, Mbare Abdoulaye Diop, Harouna Mody Diallo, Abbas Hamady Samba Niang et Amadou Diobel, ont été arrêtés et placés en garde à vue par les gendarmes pour avoir participé à des festivités. Ils sont décédés le 2 juillet (2024) dans les locaux de la gendarmerie de Kaédi….La Constitution et la loi interdisent la propagande raciale ou ethnique, toutefois le gouvernement a parfois invoqué ces dispositions contre des opposants politiques, les accusant de « racisme » ou de « promotion de la désunion nationale » pour avoir dénoncé les mauvais traitements infligés aux populations marginalisées, en particulier à la communauté ethnoculturelle haratine et aux groupes subsahariens….Le 29 février, la police a eu recours à des gaz lacrymogènes et a frappé les manifestants à coups de matraque pour disperser une marche organisée par l’Union nationale des étudiants mauritaniens à Nouakchott. Plusieurs participants ont été blessés et hospitalisés à la suite de ces violences policières. Aucune enquête n’a été ouverte et aucune mesure disciplinaire n’a été prise à l’encontre des policiers impliqués…Lors d’une manifestation le 7 mai, la police a agressé le photographe de l’agence Alakhbar, Mohamed Ould Isselmou, ainsi que le journaliste Salek Zeïd, représentant de Reporters sans frontières, et a confisqué leur matériel. Aucune enquête n’a été ouverte et aucune mesure disciplinaire n’a été prise à l’encontre des policiers impliqués. L’impunité constituait un grave problème au sein des forces de sécurité, en particulier dans la Garde nationale et la Police nationale.
Pourtant, le Département d’État américain, ne liste l’ensemble des violations. La plupart échappent à sa vigilance, savamment dissimulés derrière les murs des commissariats de police et des brigades de gendarmerie.
L’impunité mauritanienne a ceci de prégnant qu’elle peut prospérer, longtemps, à l’ombre touffue du silence, de l’indifférence craintive et du fatalisme mais l’impact des trois s’émousse sur le fil tranchant de la lutte. De surcroît, la récente décision du Conseil constitutionnel reconnaissant l’illégalité de certains articles du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale illustre les limites de la façade démocratique. L’anecdote démontre, à quel niveau de cécité parvient l’actuelle gouvernance de bric et de broc, entre des mains inexpertes. De crispation en improvisation, elle se dirige vers sa propre déconfiture. A l’exception des chiens de garde et des sicaires anachroniques, la population la regarde agoniser, en attendant l’heure du coup de grâce.
Telle se présente, désormais, le revers de la médaille Mauritanie, fameux « petit pays » qui se rêve, ô illusion suicidaire, comme un perpétuel havre de domination, réfractaire à l’universalisme et immunisé de l’usure du temps.

IRA – Mauritanie Mauritanie

Laisser un commentaire

Articles similaires