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Intervention du Premier Ministre : vers une Réingénierie Administrative et un État Stratège

Découvrez l'analyse de Mohamed Ould Echriv Echriv de l'intervention de M. El Mokhtar Ould Djiay, Premier ministre, qui souligne l'importance du contrôle et de l'évaluation dans la gouvernance publique, tout en appelant à une réingénierie administrative.

Dans un intervention récente, le Premier ministre mauritanien M. El Mokhtar Ould Djiay met en lumière une volonté politique forte de contrôle et de suivi des performances. Cete déclaration  révèle des dynamiques essentielles pour la gouvernance publique et le pilotage des politiques de développement en Mauritanie.

La déclaration du Premier ministre mauritanien M. El Mokhtar Ould Djiay, s’inscrit dans une rhétorique stratégique d’alignement entre volonté politique, discipline administrative et impératif de résultat. Ce discours officiel, révèle en réalité plusieurs strates de lecture essentielles pour les spécialistes de la gouvernance publique, du pilotage des politiques de développement et de la gestion des performances de l’État.
Lorsque le Premier ministre « met l’accent sur le contrôle et le suivi », il ne s’agit pas uniquement d’une volonté managériale. Ce choix lexical manifeste une volonté de recentralisation des leviers d’exécution autour du pôle gouvernemental. En invoquant les « mécanismes de contrôle » et les « normes et spécifications techniques », le discours renvoie à une verticalisation du processus de décision, où la traçabilité et la conformité deviennent les attributs majeurs de la légitimité de l’action publique.
Dans la tradition institutionnelle mauritanienne — historiquement marquée par une dualité entre impulsion présidentielle et inertie bureaucratique —, cet appel à la rigueur technique peut être interprété comme une tentative de rééquilibrage en faveur d’un exécutif responsabilisé, soucieux de rendre compte.
On souligne un taux d’exécution « observé en mai » de 3,34 %, comparé à 2,70 % en avril. Bien qu’en apparence modeste, cette variation est présentée comme un « motif de satisfaction », non pour ses valeurs absolues, mais parce qu’elle incarne un changement de trajectoire. Ce type d’affichage chiffré, typique des logiques de pilotage par les résultats, a pour fonction de créer une dynamique narrative autour de l’amélioration continue — au-delà des seuils eux-mêmes.
De même, la mention de l’« évaluation à 8,82 % » dans le cadre du programme d’urgence indique un processus de quantification qui cherche à objectiver l’action publique, à la fois pour légitimer l’effort institutionnel et pour démontrer l’activation des dispositifs de redevabilité. On est ici dans une économie politique du chiffre, où la mesure devient le langage de l’engagement.
La référence explicite au Président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, n’est pas fortuite. Elle ancre l’action du Premier ministre dans le sillage d’une volonté supérieure, tout en créant un effet de légitimation descendante. L’administration devient alors le bras technique d’une vision politique, et le contrôle des projets n’est plus seulement un impératif administratif mais un acte de fidélité programmatique.
Cela rappelle le modèle de gouvernance dit de « technopolitique », dans lequel la performance de l’appareil d’État est au service d’un narratif présidentiel : celui d’un État stratège, qui se donne les moyens d’agir dans un environnement de plus en plus contraint.
L’appel à « éliminer les obstacles susceptibles de causer des retards » traduit, en langage technico-administratif, une volonté d’adaptabilité opérationnelle. Derrière cette formule se cache la reconnaissance implicite des goulots d’étranglement structurels : lenteurs procédurales, défaillances des prestataires, faibles capacités locales, ou encore défauts de coordination interinstitutionnelle.
En ordonnant la préparation d’un « mécanisme similaire » pour les projets d’urgence d’accès aux services de base, le Premier ministre engage l’appareil d’État vers une logique d’ingénierie institutionnelle adaptative, c’est-à-dire capable de répliquer ce qui fonctionne, dans une logique d’itération. Il s’agit donc moins d’innover que d’industrialiser les bonnes pratiques.
Ce discours est à lire comme un acte de recentrage stratégique. Derrière une rhétorique de suivi des projets se dessine un projet de réingénierie administrative qui cherche à combiner rigueur procédurale, accélération de l’action publique, et sécurisation politique du mandat présidentiel. Il s’adresse, en filigrane, à trois publics distincts : les hauts fonctionnaires qu’il discipline, les bailleurs de fonds qu’il rassure, et les élites nationales qu’il invite à lire dans cette technicité le sceau d’un pouvoir qui entend désormais gouverner par la preuve.
Une gouvernance de l’efficience, donc — mais sous haute surveillance.

Mohamed Ould Echriv Echriv

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