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L’ineptie de l’argument de l’autochtonie.

Retour sur la réponse historique d’Ahmed Baba Miské à un article afro-centriste de Jean Pierre Ndiaye, un débat des années 1980 toujours brûlant pour la Mauritanie.

Thème : autochtonie, identité
La rediffusion récente de la réponse d’Ahmed Baba Miské à l’article controversé de Jean Pierre Ndiaye, publié dans les années quatre-vingt, a ravivé un débat ancien mais toujours sensible sur l’identité, l’autochtonie et la cohésion nationale en Mauritanie. Cette confrontation intellectuelle met en lumière les racines profondes des tensions identitaires, l’ingérence persistante de certains cercles politiques et intellectuels sénégalais, ainsi que les limites d’un discours ethniciste transposé aux réalités historiques complexes du peuplement et de la construction des États modernes.
La réponse de notre regretté Ahmed Baba Miské à l’article partisan et afro-centriste de Jean Pierre Ndiaye sous le titre provocateur de : ‘’Le refus cardinal d’un chef d’État membre de l’O.U.A. de prendre en considération l’identité autochtone de son pays est troublant’’ a connu une propagation fulgurante au cours des derniers jours.
L’intérêt vif de nos compatriotes pour cette confrontation datant des années quatre-vingt met en évidence l’importance de ce sujet toujours actuel.
Le texte du journaliste sénégalais confirme également que les défis de cohésion nationale auxquels la Mauritanie est confrontée sont dus en grande partie à l’ingérence excessive de la classe politique et intellectuelle sénégalaise dans cette question, comme si notre pays avait été sous la tutelle politique des Sénégalais, ou comme s’ils étaient ses maîtres à penser.
Si Pierre Ndiaye s’est engagé dans ce débat, c’était, à ses yeux, par devoir de solidarité raciale, afin de venir en aide à ses frères noirs, qui avaient été dépouillés de leurs droits historiques sur les terres de leurs ancêtres. Mais s’il avait simplement compris l’absurdité de l’argument de l’autochtonie concernant les dynamiques de peuplement de la planète, il aurait évité de s’immiscer dans cette querelle byzantine peu glorieuse.
Pour être honnête, est-ce pertinent de dire que l’ethnie lébou vivait à Dakar avant les Peuls et les Wolofs, ou que les Amérindiens ont été les premiers habitants de l’Amérique, et alors ?
Est-ce que cela veut dire que tous les peuples doivent retourner d’où ils venaient au fil des siècles, voire des millénaires ?
Non loin du Sénégal, en Guinée, les ethnicistes malinkés ne font-ils pas usage du même argument d’autochtonie pour justifier leur hostilité envers les Peuls ?
Et au-delà de l’Afrique, l’ancien président de l’Iran, Rafsandjani, n’avait-il pas déjà interloqué François Fillon, l’ancien premier ministre français, lors d’une entrevue en tête-à-tête, lorsque ce dernier voulait justifier l’occupation de la Palestine par Israël en prétendant que les Juifs y vivaient à l’époque préhistorique, ce que l’Iranien a contesté en affirmant que les Perses étaient également présents en Inde il y a cinq mille ans, sans pouvoir revendiquer ce pays aujourd’hui.
À la décharge de Pierre Ndiaye, son pays a toujours fait du combat des Négro-Mauritaniens son affaire propre. Le Walfougui, c’est lui. L’état de guerre en 1989, c’est encore lui. La tentative de coup d’État manquée de 1987 avait été orchestrée par les FLAM, et les principaux fondateurs de ce mouvement anti-arabe étaient des Mauritaniens d’origine sénégalaise.
Dakar est également le point d’ancrage des FLAM et de leur allié IRA. Quant à ses relais nationalistes pulaars mauritaniens, ils n’ont jamais baissé les bras de 1960 à nos jours. Ils croient fermement que le fameux traité d’union est une reconnaissance implicite du caractère binational de l’État mauritanien.
Même si le président Mokhtar avait toujours affirmé que la population de son pays incluait des Arabes et des Négro-Africains, il n’avait jamais songé à mettre en place la parité raciale au sein de l’État ou à inclure dans la Constitution un système de gouvernement binational.
Actuellement, cette revendication de partage de l’État à parts égales entre les races est encore plus hors de portée qu’auparavant, car de nouvelles générations, qui ne sont pas des anciens élèves de l’Ecole normale William-Ponty de Sébikotane, dirigent l’État et restent fermement attachés à l’unité nationale.

Ely Ould Sneiba
Le 19 décembre 2025

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