IA, censure et résistance : les journalistes mauritaniens face au défi numérique
IA, censure et résistance : les journalistes mauritaniens face au défi numérique
Par (Ahmed Ould Bettar)
Depuis que l’intelligence artificielle a quitté les laboratoires feutrés pour s’inviter dans nos rédactions – entre deux réunions d’urgence et trois machines à café – une question brûle les lèvres : qui contrôle vraiment l’information aujourd’hui ? L’Homme ou la machine ?
À l’échelle mondiale, le débat est ouvert. ChatGPT, Bard, Gemini, et consorts rédigent désormais à la chaîne des articles plus fluides qu’une chronique dominicale d’un éditorialiste fatigué. Pendant ce temps, les journalistes humains, ces dinosaures de l’information vérifiée, courent après une audience qui swipe plus vite qu’elle ne lit. Résultat : des contenus standardisés, des analyses prémâchées, et une presse parfois menacée de devenir un simple écho des algorithmes de référencement.
La liberté de la presse, elle, étouffe dans cette cacophonie numérique. L’IA peut certes aider à débusquer les fake news, mais elle est aussi capable de produire à l’infini de fausses informations, d’amplifier les discours officiels et de censurer des voix dissidentes… le tout sans jamais demander d’augmentation salariale.
Et la Mauritanie dans tout ça, me direz-vous ?
Ici, c’est l’orchestre des paradoxes.
D’un côté, l’IA est vue comme une opportunité : produire vite, corriger sans relire, analyser sans réfléchir (ce qui, avouons-le, est parfois une habitude nationale). De l’autre, c’est un formidable outil pour renforcer les clivages existants. Car quand l’IA filtre, elle filtre selon les données qu’on lui donne. Et quand ces données sont déjà biaisées par une liberté de presse sous surveillance, l’avenir n’est pas vraiment au grand soir de l’information libre et plurielle.
Prenez Rapide Info Mauritanie, par exemple.
Infatigable à dénoncer, courageux à publier, ce média, bien connu pour sa ténacité (et son absence remarquée à chaque cérémonie du « dialogue national »), reste persona non grata aux tables rondes où l’on refait le monde… entre gens bien élevés et surtout bien d’accord. Pendant que d’autres médias sur-médiatisent des dialogues de salon, Rapide Info continue, à l’écart, de gratter là où ça gratte vraiment.
Depuis sa création en août 2013 à Nouakchott, Rapide Info Mauritanie s’est imposé comme un acteur clé du paysage médiatique national. Alliant professionnalisme, indépendance éditoriale et rigueur journalistique, la plateforme s’est engagée à fournir une information fiable et équilibrée, couvrant aussi bien la politique que l’économie, la culture, la santé, l’éducation et le sport.
Contribuant activement à la réforme du secteur médiatique mauritanien, Rapide Info a su valoriser des pratiques éthiques, renforcer la transparence, et s’affirmer comme une voix critique essentielle dans l’écosystème numérique. Présent sur les réseaux sociaux pour toucher une audience jeune et engagée, le média envisage désormais d’élargir son influence par des partenariats régionaux, notamment en Algérie ou au Sénégal. Plus qu’un simple site d’actualités, Rapide Info est aujourd’hui un véritable pilier de la défense de la liberté de la presse en Mauritanie.
« À l’ère des algorithmes-rois, il faut plus que jamais des journalistes insoumis pour écrire ce que les machines n’oseront jamais penser. »
L’IA va-t-elle arranger leur sort ?
Pas si sûr. Car même bardé de GPT, de Midjourney et de correcteurs automatiques, un média qui dérange reste… un média qui dérange. L’algorithme, lui, se contente d’amplifier ce que les puissants veulent qu’on entende. Il y a peu de risque que l’IA invente soudain une option « justice pour les bannis du dialogue national ».
L’urgence d’une synergie : IA, SEO et humanité
Face à cette machine qui broie parfois la nuance, une riposte est possible : conjuguer analyse SEO et intelligence artificielle sans sacrifier l’âme du journalisme.
Car si l’IA est capable d’optimiser les titres pour plaire à Google et de calibrer les textes pour maximiser les clics, c’est à l’humain d’insuffler l’essence, celle qui fait vibrer, douter, réfléchir.
Une information sans émotion ni conscience n’est qu’un contenu vide, un bruit de plus dans un monde saturé.
Il ne s’agit plus seulement de rédiger pour plaire aux moteurs de recherche ou de produire pour répondre aux algorithmes ; il faut penser pour informer, écrire pour élever et publier pour émanciper.
L’intelligence artificielle et le SEO doivent devenir des outils au service de la pensée critique, et non des fossoyeurs de l’engagement humain.
Appel à la mobilisation : le sursaut nécessaire
Il est temps que les journalistes indépendants mauritaniens — ceux qui n’attendent ni subvention bienveillante, ni invitation diplomatique — se mobilisent.
Face à une IA standardisante, face à un pouvoir qui trie ses interlocuteurs comme on trie ses invités au Hlel, face à l’indifférence parfois complice, la résistance passe par la plume libre.
Elle passe par la création de réseaux solidaires, de plateformes alternatives, par l’investissement dans une presse numérique éthique, agile, humaine, consciente de ses responsabilités.
Le combat pour la liberté d’informer ne se gagnera ni par l’illusion technologique, ni par la compromission éditoriale. Il se gagnera par l’audace, la ténacité, et la solidarité.
À l’approche du samedi 3 mai 2025, date célébrant la Journée mondiale de la liberté de la presse, adressons nos meilleurs vœux de courage, d’inspiration et de ténacité à tous les journalistes mauritaniens et du monde entier particulièrement ceux Palestiniens.
Que cette journée soit une source de renouveau et de fierté pour celles et ceux qui, parfois dans l’ombre et souvent au péril de leur vie, défendent le droit fondamental à une information libre, indépendante et plurielle.
Une pensée sincère et émue pour tous les journalistes tombés alors qu’ils couvraient des conflits ou des guerres : leur plume s’est tue, mais leur combat pour la vérité continue d’éclairer notre chemin.
Ils ne sont pas oubliés.
Quant à Rapide Info Mauritanie ?
Qu’ils restent indésirables aux dialogues truqués : c’est la preuve éclatante qu’ils dérangent, donc qu’ils existent. Et tant qu’ils existent, l’espoir d’une presse libre reste vivant.