Gouverner ne s’improvise pas : pourquoi chaque ministre devrait avoir une checklist de 30 jours
La Mauritanie gagnerait à professionnaliser la fonction ministérielle. Une checklist de 30 jours pourrait permettre au Président et au Premier ministre de suivre l’efficacité de chaque ministre dès sa nomination.
Dans nos républiques modernes, être nommé ministre demeure l’un des plus grands honneurs que puisse accorder la Nation. Mais c’est aussi, souvent, l’un des postes les plus redoutables. Entre l’exigence politique, la pression de l’opinion et la lourdeur de l’appareil administratif, beaucoup de ministres découvrent, parfois trop tard, qu’ils sont davantage des figures politiques que de véritables gestionnaires.
En Mauritanie comme ailleurs, la nomination d’un ministre ne garantit ni l’efficacité administrative, ni la compétence managériale. Le prestige du poste masque souvent la complexité de la fonction. Or, dans un gouvernement moderne, il ne suffit plus d’incarner une ligne politique : il faut diriger, organiser, planifier, communiquer et évaluer. C’est là que tout se joue – et trop souvent, c’est là que tout se perd.
L’écart entre la politique et la gestion
Le drame silencieux de nombre de gouvernements africains, c’est que très peu de ministres sont formés à la gestion publique. Ils excellent dans le discours, mais peinent à transformer une vision en plan d’action, une directive en résultat. Le manque d’outils de pilotage, de rigueur méthodologique et de culture du résultat conduit, au fil du temps, à une administration flottante, où les projets stagnent et les réformes s’essoufflent.
C’est pourquoi il devient urgent de professionnaliser la fonction ministérielle.
Un ministre n’est pas seulement un représentant politique ; il est aussi le chef d’une institution, le premier manager de son secteur, et le gardien de l’efficacité gouvernementale.
Et comme tout gestionnaire moderne, il doit pouvoir s’appuyer sur une checklist claire et pragmatique, définissant les étapes essentielles de sa prise de fonction.
La nécessité d’une checklist ministérielle
Imaginez qu’à chaque nomination, le Président de la République ou le Premier ministre puisse remettre à chaque nouveau membre du gouvernement une feuille de route standardisée de 30 jours : une sorte de guide de démarrage pour tout ministre. Ce document ne serait pas un carcan, mais un outil de structuration et de transparence, garantissant que chaque département entame son mandat sur des bases solides.
Une telle checklist ministérielle serait, en réalité, un acte de bonne gouvernance.
Elle rappellerait que diriger un ministère, c’est avant tout comprendre, planifier et exécuter.
Les 30 premiers jours qui fixent le cap
Les premiers 30 jours d’un ministre devraient être considérés comme un moment d’orientation stratégique.
Durant ce laps de temps, il doit :
- Écouter et comprendre : rencontrer les cadres, lire les rapports, visiter les services, identifier les urgences.
- Structurer et planifier : établir une feuille de route à 100 jours, définir 3 à 5 priorités claires, mettre en place un dispositif de suivi-évaluation.
- Communiquer et incarner : expliquer sa vision, rassurer les agents, dialoguer avec les citoyens et les partenaires.
- Coordonner et agir : harmoniser les actions avec les autres ministères, lancer un projet pilote, et établir un bilan précoce.
Une telle discipline donne au ministre les réflexes du leadership moderne : anticipation, clarté, méthode et responsabilité.
Un outil pour le Président et le Premier ministre
Cette checklist ne serait pas qu’un outil d’aide à la prise de fonction.
Elle offrirait aussi au Président de la République et au Premier ministre un instrument de suivi et d’évaluation continue de l’action gouvernementale.
À travers elle, le Chef de l’État pourrait mesurer, dès les premières semaines, la capacité d’un ministre à comprendre, agir et mobiliser.
Ce suivi méthodique transformerait la logique du gouvernement :
de la simple nomination symbolique à une gestion par la performance.
Ainsi, chaque ministre deviendrait un pilote responsable, et non plus un simple rouage administratif.
Une exigence de l’époque
Dans un monde où la gouvernance se mesure en résultats concrets et en redevabilité publique, les États qui progressent sont ceux qui ont compris que le leadership ne se décrète pas — il se structure.
Les nations émergentes ne manquent pas d’hommes et de femmes compétents, mais elles manquent souvent d’outils et de méthodes.
La Mauritanie, engagée dans un vaste chantier de modernisation de son administration, gagnerait à faire de cette logique de checklist un rituel républicain :
Chaque nouveau ministre devrait, avant toute chose, savoir où il met les pieds, avec qui, pourquoi, et comment.
Gouverner avec méthode, servir avec clarté
Mettre en place une checklist ministérielle n’est pas une contrainte bureaucratique, mais un acte d’intelligence collective.
C’est reconnaître que gouverner exige de la méthode, de la rigueur et du sens.
C’est aussi un moyen de renforcer la cohésion gouvernementale et de garantir la continuité de l’État au-delà des changements politiques.
Dans une époque où la population attend des résultats tangibles, où chaque jour compte, et où chaque erreur coûte, un ministre bien préparé dès le premier mois est un atout pour le pays tout entier.
En somme, ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas seulement des ministres loyaux, ou des ministres choisis pour telle tribu, telle ethnie, tel parti ou telle région, mais des ministres gestionnaires — capables de transformer les orientations présidentielles en actions concrètes, mesurables et durables.
C’est à cette condition que la Mauritanie pourra construire une gouvernance véritablement moderne, performante et équitable.
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