Gouvernance en trompe-l’œil : quand le gouvernement maquille la réalité des projets de développement
Gouvernance en trompe-l’œil
Nouakchott, 16 juillet 2025 — Lors du traditionnel point de presse hebdomadaire sur les résultats du Conseil des ministres, le ministre chargé du Secrétariat général du Gouvernement, M. Al Housseinou Lam, s’est livré à un exercice de communication qui, s’il vise à rassurer l’opinion, soulève surtout de lourdes interrogations sur la sincérité du pouvoir exécutif et l’efficacité de l’action publique.
Devant la presse nationale, le ministre a annoncé une prétendue amélioration du rythme d’exécution des grands projets entre le 1er mai et le 30 juin 2025. Un gain d’efficacité mesuré à l’aide de chiffres pour le moins énigmatiques : 3,23 % pour mai, 3,33 % pour juin. Ces statistiques, livrées sans détails ni ventilation sectorielle, semblent davantage relever de l’effet d’annonce que d’un véritable bilan technique. Plus de deux mois de mise en œuvre pour moins de 7 % d’exécution cumulée : faut-il vraiment s’en féliciter ?
Une autosatisfaction prématurée face à des urgences criantes
Le ministre a insisté sur le fait que cette « amélioration » est à mettre au crédit des instructions données par le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani depuis 2023 pour accélérer l’exécution des projets. Là encore, le gouvernement semble confondre pilotage stratégique et vœux pieux. Car sur le terrain, l’impact de cette « accélération » reste imperceptible pour les citoyens confrontés quotidiennement aux défaillances de services essentiels, à la précarité croissante et à l’absence d’investissements visibles dans les infrastructures de base.
M. Lam a énuméré un portefeuille de 110 projets en cours d’exécution, d’une valeur de 51 milliards MRU, répartis sur 14 secteurs. Des chiffres impressionnants, certes, mais dont la portée réelle reste largement discutable. Quel est le taux de consommation budgétaire réelle ? Quid des retards accumulés ? Quels mécanismes d’évaluation indépendants sont en place ? À ces questions cruciales, aucune réponse concrète n’a été donnée.
Nouakchott : un « grand projet » déjà miné par le retard
S’agissant du très médiatisé projet de développement urbain de Nouakchott, lancé avec tambours et trompettes par le chef de l’État, le ministre a avancé un taux d’exécution de 37 %. Là encore, cette donnée brute ne renseigne ni sur la qualité des travaux ni sur leur pertinence face aux besoins de la capitale, gangrenée par le chômage, l’insalubrité, le déficit en logements sociaux et les inégalités criantes entre quartiers. Pire encore, deux sous-projets seraient déjà en difficulté, l’étude préalable ayant pris un retard non précisé.
Un gouvernement à bout de souffle ?
Derrière cette communication bien huilée se cache une réalité nettement plus sombre. La Mauritanie fait face à une série de défis multidimensionnels : crise de la sécurité alimentaire, hausse incontrôlée des prix, migrations internes et transsahariennes mal gérées, stagnation économique dans plusieurs régions, crise du logement, accès inégal aux soins et à l’éducation, aux fonctions de responsabilité, au recyclage des gabégistes et caciques des pouvoirs d’exception succéssifs… Autant de fronts sur lesquels le gouvernement actuel semble impuissant, voire indifférent.
Dans un contexte marqué par des tensions sociales latentes, des scandales de gestion à répétition et un sentiment d’abandon croissant parmi les populations rurales et périphériques, la posture autosatisfaite du gouvernement frise l’indécence. L’absence de réformes structurelles tangibles et la reproduction d’un mode de gouvernance bureaucratique déconnecté de la base nourrissent un profond désaveu populaire.
Ghazouani face à l’épreuve du réel
Le président de la République, malgré une volonté affichée de « rupture », semble s’enliser dans une gestion hésitante, minée par des choix ministériels peu inspirés. Il devient urgent qu’il prenne la mesure de la défiance montante et s’attaque de front aux dysfonctionnements internes de son équipe. Le statu quo n’est plus tenable.
Ce gouvernement, qualifié dans certains cercles comme le plus médiocre de l’histoire politique récente du pays, incarne aujourd’hui l’échec d’une gouvernance incapable de traduire les milliards engagés en progrès tangibles pour les Mauritaniens. Il appartient au président Ghazouani de « mettre le pied dans la fourmilière » — à défaut, c’est tout le système institutionnel qui pourrait vaciller, sous le poids de ses propres illusions.
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