Six ans de pouvoir de Ghazouani : la Mauritanie dans le sablier des réformes
Entre mirages gaziers, justice sélective et tentes sociales dressées à demi, Ghazouani trace sa voie dans le désert incertain du pouvoir.
Six ans de pouvoir de Ghazouani
Par Ahmed Bettar – Rapide Info, août 2025
Dans le grand théâtre du désert, un homme en chèche blanc s’avance. Il ne promet ni la lune ni la pluie, mais parle doucement aux vents, aux bilans et aux bulletins. Depuis six ans, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani préside, tel un horloger taciturne, aux engrenages rouillés d’une république qui cherche encore sa clef d’horloge.
Le 1er août 2019, il endossait le manteau présidentiel – taillé dans les restes d’une étoffe autoritaire, rapiécée à la hâte. Depuis, il marche en équilibre sur un fil tendu entre stabilité et stagnation, réformes et rumeurs, silence et symboles.
L’économie nomade entre mirage gazier et oasis budgétaire
Le gaz offshore, long serpent endormi sous les flots atlantiques, est devenu la berge de salut d’un pouvoir qui scrute l’horizon comme un marabout lit les lignes de sable. On dit qu’il suffirait d’un forage bien récité pour faire jaillir la manne, comme jadis on creusait un puits au hasard d’un rêve.
Le projet GTA, sanctifié par BP et Kosmos, ressemble à une mosquée submergée, dont les minarets de corail attendent que la marée redescende pour faire l’appel à la richesse. Fin 2024, promet-on, les premières prières budgétaires remonteront à la surface.
Sur la terre ferme, la relance minière suit les traces de caravanes anciennes. Un fonds souverain, encore roulé dans ses langes, attend d’être élevé comme un fils prodige du désert. Dans les oasis agricoles, les autorités plantent des projets comme on plante des tentes contre le vent.
Statistiques et illusions : quand les chiffres dansent dans la poussière
Le PIB aurait grossi, la pauvreté reculé. Mais les chiffres sont des dattes distribuées pendant un mariage : on en prend une poignée, sans savoir si elles sont fraîches. L’électricité éclaire plus de foyers, l’eau atteint davantage de villages — mais le cœur du pays attend encore qu’on lui tende une vraie corde.
La solidarité selon Taazour : quand l’État plante des tentes dans les esprits
Taazour a distribué des aides comme un chamelier partage son pain au bivouac. Logements, transferts monétaires, dispensaires itinérants : une bienveillance programmée, parfois lointaine, souvent brouillée. L’école se renforce, la santé avance comme un chameau fatigué. La couverture sanitaire universelle reste un mouton promis pour l’Aïd.
Gouvernance : entre tentes dressées et palabres contenues
Ghazouani ne gouverne pas avec des sabres mais avec des silences. Il fait dresser des tentes de dialogue où chaque camp s’assoit sans trop parler fort. Le champ politique s’est élargi, mais la liberté d’expression marche encore pieds nus.
Aziz : le roi déchu dans l’arène du jugement
Le procès de l’ancien président fut une grande halka judiciaire. Les accusations pesaient des tonnes de sable. Pour certains, un signal fort ; pour d’autres, une vendetta de palais. Le dossier du passé noir (1989-1991), lui, reste enterré dans un puits sans margelle.
Décentralisation : les régions comme tentes sans piquets
On parle de régions autonomes, mais on leur donne des rênes sans chevaux. Des femmes ont été élues, des budgets annoncés, mais la réalité locale ressemble à un thé sans sucre : tiède et fade.
L’environnement : la dune avance, l’État recule
Le désert gagne, le climat perd. Les discours sont verts, mais les arbres meurent. Les sécheresses frappent, les politiques fuient. Le solaire se couvre de poussière, l’agriculture plie sous le vent.
Conclusion : Le président, le vent et le sablier
Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, après six ans de gouvernance, a laissé une empreinte faite d’intentions, de discrétion et de calme. Mais les attentes demeurent. La tente nationale est dressée, mais certains de ses piquets tiennent encore avec des ficelles usées.
La présidentielle de 2029 arrive comme une tempête attendue. D’ici là, il faudra choisir : rebâtir, écouter, réparer… ou continuer à marcher dans le désert en suivant les mirages.