Ghazouani au Hodh Chargui : réforme, unité et développement
Lors de sa tournée au Hodh Chargui, Ghazouani lance un programme massif, renforce l’unité nationale et réaffirme sa lutte contre la corruption et le tribalisme.
Ghazouani au Hodh Chargui
La visite de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au Hodh Chargui s’est transformée en un acte politique fort : un programme de développement de 40 milliards d’anciennes ouguiyas, une présence accrue de terrain, et des messages fermes contre la corruption, le tribalisme et pour une école républicaine unificatrice. Une tournée qui pourrait marquer un tournant pour la région… si les promesses se concrétisent.
Du 6 au 14 novembre 2025, la visite du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au Hodh Chargui a dépassé le cadre protocolaire pour devenir un moment politique structurant. Derrière les cérémonies officielles, le chef de l’État a déroulé une vision : transformer une région longtemps perçue comme périphérique en pôle stratégique de développement, tout en rappelant les fondements d’une République moderne — lutte contre la corruption, dépassement des clivages tribaux et consolidation d’une école républicaine.
Un programme de développement massif et structuré
Au cœur de cette tournée, le président a annoncé un programme d’urgence d’une ampleur inédite : une enveloppe de 40 milliards d’anciennes ouguiyas, étalée sur 30 mois, destinée à renforcer les infrastructures vitales de la wilaya.
L’éducation arrive en tête : 1 156 salles de classe seront construites ou réhabilitées, accompagnées de centres de formation et de dispositifs d’appui à la scolarisation. Le secteur sanitaire suivra avec 6 centres de santé, 43 postes de soins, la refonte de plusieurs structures existantes et l’acquisition d’équipements modernes, dont des ambulances.
L’accès à l’eau et à l’électricité constitue un autre pilier : 133 puits artésiens, réservoirs, réseaux hydrauliques et électrification de 48 villages figurent parmi les priorités. Enfin, des travaux routiers, des pistes rurales et des ouvrages hydrauliques — dont des barrages et “murs sableux” — permettront de désenclaver durablement des zones isolées.
S’y ajoute un important volet social et économique : 2 186 jeunes bénéficieront de formations ou subventions, et 300 micro-entreprises seront appuyées pour dynamiser l’économie locale.
Une tournée ancrée dans le terrain
Contrairement aux visites souvent centralisées, celle-ci s’est caractérisée par une forte présence de terrain. Le président a traversé plusieurs moughataas — Néma, Woulata, Anbekt-Lahwach, Bassiknou, Amarg, Tindjé, Jékéni — pour rencontrer élus locaux, notables, femmes, jeunes et représentants de la société civile.
À Néma, un meeting massif a donné le ton. Ghazouani y a salué l’accueil des populations avant d’affirmer son ambition de faire de la wilaya « un pôle de développement prospère ». Il a insisté sur l’importance d’« écouter les citoyens pour mieux orienter les programmes » et souligné que la réussite dépend d’une responsabilité collective, impliquant administrations, élus et populations.
Un discours politique : République, éthique et cohésion comme ligne directrice
La corruption : “un combat sans merci”
Profitant de cette tournée, le président a rappelé l’un de ses engagements centraux : la lutte déterminée contre la corruption et la mauvaise gestion.
Il a souligné que le développement annoncé n’a de sens que si les ressources sont gérées avec rigueur, transparence et efficacité.
Il a réaffirmé sa volonté d’un État exemplaire, appuyé par le renforcement des organes de contrôle, le rôle accru de l’Inspection générale d’État et la mobilisation de l’Autorité de lutte contre la corruption. Cette exigence éthique, selon lui, n’est pas abstraite : elle conditionne la confiance des citoyens, particulièrement dans les régions encore marquées par les inégalités d’accès aux services publics.
Tribalisme : une ligne rouge infranchissable
À Nbeikit-Lahwach, Ghazouani a prononcé l’un de ses discours les plus fermes contre les replis identitaires, dénonçant explicitement les discours « tribaux, communautaires ou raciaux ».
Il a averti : « Il n’est plus acceptable que des fonctionnaires participent à des cadres qui encouragent la tribu. Cela va à l’encontre de l’État. »
Ce message vise à protéger l’unité nationale et à rappeler que les investissements publics ne doivent jamais être capturés par des réseaux d’influence. En plaçant le citoyen — pas le clan — au centre de l’action publique, il tente d’ancrer durablement la transition vers une gouvernance républicaine moderne.
L’école républicaine : le socle de l’égalité
Le président a aussi mis l’accent sur une dimension structurante : la refondation de l’école républicaine.
Il a rappelé les progrès obtenus ces dernières années : taux de scolarisation primaire porté à 81 %, taux de rétention de 83 %, doublement des capacités dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle.
Mais au-delà des chiffres, Ghazouani défend une vision : l’école comme lieu d’unité, de mixité sociale, d’apprentissage commun — un espace où les enfants apprennent à être citoyens avant d’être membres d’une tribu.
La construction massive de classes dans le Hodh Chargui s’inscrit précisément dans cette logique : corriger les inégalités territoriales pour offrir à chaque enfant, quelle que soit son origine, les mêmes chances.
Des retombées attendues, mais un pari sur le long terme
En termes économiques et sociaux, les effets potentiels sont considérables. L’amélioration de l’accès à l’eau, de la mobilité, de la santé et de l’éducation pourrait favoriser la production locale, renforcer la résilience pastorale et créer un environnement propice à l’investissement.
Les mesures en faveur de la jeunesse — formations, financements, entrepreneuriat — pourraient transformer une génération souvent contrainte au départ ou au chômage en moteur du développement local.
Mais tout dépendra de l’exécution : suivi budgétaire, transparence, implication des communes, maintenance des ouvrages et contrôle citoyen seront déterminants.
Une symbolique forte pour une région longtemps en marge
Le Hodh Chargui souffre depuis des décennies d’un sentiment d’isolement. En s’y rendant personnellement, en y annonçant un plan massif et en y tenant des discours de rupture avec la corruption et les clivages tribaux, Ghazouani envoie un message clair :
la République ne laisse pas ses marges à l’abandon.
Cette visite consolide son positionnement : un chef d’État qui veut gouverner au plus près, réformer en profondeur et replacer la cohésion nationale au cœur du projet mauritanien.
Conclusion
La tournée de Ghazouani dans le Hodh Chargui marque un moment clé du quinquennat : un mélange d’annonces ambitieuses, de proximité réelle et de messages politiques structurants. La lutte contre la corruption, la dénonciation du tribalisme et la promotion de l’école républicaine donnent à ce déplacement une dimension qui dépasse le simple acte administratif.
Si les projets annoncés se réalisent avec rigueur et transparence, la région pourrait devenir un laboratoire de développement équilibré et inclusif. Mais le défi reste immense : transformer l’élan politique en résultats tangibles et durables.
Un pari risqué, mais potentiellement fondateur pour la Mauritanie de demain.
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