Financement libyen: les nostalgiques de Kadhafi veulent voir Sarkozy puni par la justice
Financement libyen: les nostalgiques de Kadhafi veulent voir Sarkozy puni par la justice
La population libyenne affiche un certain dédain à propos du procès de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, qui s’ouvre ce lundi 6 janvier à Paris, dans l’affaire du financement libyen de sa campagne électorale de 2007. Mais les conséquences de l’intervention militaire française en 2011 crispent toujours.
Publié le : 06/01/2025 – 07:23 Modifié le : 06/01/2025 – 11:55 dans RFI
Pour les Libyens, la question de la corruption ne se pose pas. Coutumiers des habitudes du régime de Mouammar Kadhafi, qui fournissait des capitaux à des chefs d’État étrangers, les Libyens sont convaincus que leur pays a bel et bien financé la campagne électorale présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Le procès de l’ancien président français qui s’ouvre ce lundi 6 janvier à Paris, et où vont également comparaître trois anciens ministres, ne suscite donc chez eux qu’un intérêt limité.
« Pour les Libyens, c’est comme si ça faisait partie d’une ère révolue, décrypte le chercheur Jalal Harchaoui, spécialiste de la Libye au Royal United Services Institute, au micro de Florence Morice, du service Afrique de RFI. Ils savent bien que Nicolas Sarkozy a joué un rôle important dans le destin de la Libye en 2011. Mais les gens ne sont pas la veine suspendue par ce dossier en particulier. Ils ont tendance à considérer qu’il n’y a pas vraiment de suspense par rapport à l’issue finale. Ils sont plutôt désabusés par cette histoire. »
Chaos
Beaucoup s’étonnent en revanche que Nicolas Sarkozy ne soit jugé que pour une affaire de corruption, alors qu’en Libye, il est surtout vu comme celui qui a détruit l’État et l’a précipité dans la désolation depuis l’intervention militaire de la France en 2011. Car depuis, leurs conditions de vie n’ont cessé de se dégrader. Ils doivent survivre à la corruption, à l’instabilité et aux ravages causés par les milices et les interventions étrangères incessantes. Certaines voix se sont élevées, réclamant de présenter l’ex-locataire de l’Élysée devant la Cour pénale internationale pour de présumés crimes commis contre le peuple libyen.
« Nous, les Libyens, pensons que les raisons de notre division, nos guerres et nos autres difficultés sont dues à Nicolas Sarkozy », indique ainsi Oussama Lachhab, président de la Coordination des actions nationales, un mouvement politique qui s’active à la recherche d’une solution politique en Libye. « Au début, beaucoup de Libyens étaient favorables à l’intervention française, car ils avaient confiance en Paris pour mettre le pays sur les rails de la démocratie et de la liberté. En tant que Libyen, je pense que c’est Nicolas Sarkozy qui a causé l’arrivée du terrorisme dans mon pays, et ensuite au Mali, ou Niger et dans tout le Sahel, pour fragiliser ces pays », poursuit-il auprès de Houda Ibrahim, du service Afrique de RFI.
« Une trahison, un coup de poignard »
En Libye, une seule frange de la population s’intéresse au procès qui s’ouvre ce lundi, rapporte notre correspondante régionale Maryline Dumas : les nostalgiques de l’ancien régime, qui rêvent de voir Nicolas Sarkozy puni. Pour eux, l’ancien président français est un traître qui aurait profité des largesses de Mouammar Kadhafi avant de se retourner contre lui. « Pour nous, c’est une trahison, un coup de poignard dans le dos. Il a été à la tête d’une république qui avait de bonnes relations au Moyen-Orient et en Afrique, mais il a affaibli la position de la France, reléguée aujourd’hui au second rang pour la prise des décisions internationales », considère pour sa part Oussama Lachhab. Depuis la fin de la révolution, les kadhafistes promettent de se venger, en publiant des preuves concrètes. Mais jusqu’ici, rien n’a filtré.
Recherchés, emprisonnés, menacés, les partisans de Mouammar Kadhafi se sont longtemps faits discrets. Mais leur popularité a grandi à mesure que le pays sombrait dans le chaos. Aujourd’hui, ils rêvent de reprendre le pouvoir. Plus question de s’en prendre à la France, qui reste un partenaire privilégié de la Libye ; c’est Nicolas Sarkozy qui concentre leur haine, à commencer par celle de Saïf al-Islam Kadhafi.
Le second fils du dictateur fut le premier à évoquer l’affaire du financement libyen, en mars 2011. Des accusations réitérées dans une lettre adressée aux juges, en 2018. Saïf al-Islam Kadhafi a fait part de ses intentions de se présenter à la prochaine élection présidentielle libyenne, tout comme l’ex-bras droit de son père, Bachir Saleh. Sous mandat d’arrêt international, ce dernier fait également partie des prévenus dans l’affaire du financement libyen.