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Faute de gestion en Mauritanie : analyse critique du rapport 2022-2023 de la Cour des comptes et feuille de route pour une gouvernance exemplaire

Analyse critique du rapport 2022-2023 de la Cour des comptes : fautes de gestion, sanctions, réformes et recommandations chiffrées pour une gouvernance transparente.

Faute de gestion en Mauritanie
La Cour des comptes mauritanienne a levé le voile sur d’importantes irrégularités dans la gestion des finances publiques pour la période 2022-2023. Dépenses hors objectifs, failles de contrôle interne et suivi insuffisant des sanctions : le rapport dessine les contours d’une gouvernance budgétaire fragile. Rapide Info propose ici une analyse critique approfondie, enrichie de recommandations opérationnelles chiffrées et de modèles concrets de contrôle interne, pour refonder la confiance entre l’État, les citoyens et les partenaires au développement.


I. Une notion clé : la faute de gestion

La faute de gestion désigne toute action ou omission d’un gestionnaire public causant un préjudice financier à l’État ou violant les principes de régularité et d’économie de la dépense publique.
Elle se distingue de la faute pénale (détournement ou corruption) mais peut en être le prélude lorsqu’une irrégularité grave est constatée. En Mauritanie, la Cour des comptes est l’organe juridictionnel chargé d’en établir les faits, de prononcer les sanctions et d’émettre des recommandations.


II. Un diagnostic sévère du rapport 2022-2023

Les constats de la Cour illustrent la fragilité du contrôle budgétaire national. Parmi les principales failles :

  • Dépenses hors objectif : dans le compte de soutien aux hydrocarbures, près de 85 % des dépenses (soit 113,7 milliards MRU) ont été utilisées à des fins non conformes.
  • Absence de traçabilité : environ 5,8 milliards MRU de recettes de bailleurs non comptabilisées dans le CGAF.
  • Performance dégradée des entreprises publiques : la SOMELEC n’a recouvré que 53 % de ses créances en 2023.
  • Contrôle interne faible : rotation excessive des auditeurs, archivage incomplet, lenteur dans l’application des sanctions.

Ces irrégularités, notées dans les secteurs de l’énergie, des mines, de l’éducation et des infrastructures, reflètent un système de gestion budgétaire encore trop vulnérable.


III. Pourquoi ces failles persistent-elles ?

  • Un cadre légal inachevé : la loi organique de 2018 reste peu appliquée.
  • Manque de coordination institutionnelle : peu d’interopérabilité entre ministères, Trésor et Cour des comptes.
  • Faible culture de la responsabilité : les sanctions restent rares et les poursuites souvent tardives.
  • Digitalisation partielle : les outils de suivi et d’audit demeurent fragmentés.

IV. Recommandations opérationnelles chiffrées

Axe Mesure clé Cible Horizon
Digitalisation Mettre en place un ERP public reliant tous les ministères 100 % d’ici 2027 Budget : 500 M MRU
Contrôle interne Créer des unités d’audit dans chaque ministère 100 % d’ici 2026 Effectif : 10 auditeurs/unité
Formation Former ordonnateurs et comptables 80 % d’ici 2025 50 M MRU/an
Sanctions Publier la liste annuelle des mises en débet Taux de recouvrement 90 % D’ici 2028
Audit externe Augmenter de 50 % le budget de la CdC +30 auditeurs D’ici 2026

Ces mesures, réalistes et mesurables, visent à transformer la gestion publique en un système intégré, transparent et responsable.


V. Trois modèles de contrôle interne pour agir vite

  1. Suivi des marchés publics :
    Portail en ligne unique, validation électronique des contrats, indicateurs de performance sur le respect des délais et pénalités automatiques.
    Objectif : 90 % des marchés conformes d’ici 2026.
  2. Gestion des avances et fonds spéciaux :
    Compte unique du Trésor, justification sous 90 jours, tableau de bord mensuel.
    Objectif : < 10 % d’avances non justifiées en 2026.
  3. Performance des entreprises publiques (ex : SOMELEC) :
    Contrats de performance annuels avec indicateurs (recouvrement, ratio dépenses/facturation).
    Objectif : recouvrement ≥ 80 % d’ici 2026.

VI. Les leviers du succès

  • Volonté politique affirmée et application réelle des sanctions.
  • Autonomie et renforcement de la Cour des comptes.
  • Plan national de formation et d’audit interne.
  • Transparence citoyenne : publication publique des audits et suivi en ligne.

VII. Conclusion

Le rapport 2022-2023 de la Cour des comptes n’est pas seulement une liste d’anomalies : c’est un miroir tendu à l’État mauritanien.
La « faute de gestion » révèle un besoin urgent de réforme structurelle.
Mettre en œuvre les recommandations chiffrées et les modèles de contrôle proposés permettrait à la Mauritanie d’entrer dans une nouvelle ère de gouvernance exemplaire, où la transparence ne serait plus une contrainte, mais un levier de développement.

Ahmed Ould Bettar, gestionnaire & journaliste économiste, membre du Réseau des journalistes économistes maghrébins- assisté en partie par l’IA

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