EYWA : De la diabolisation des FLAM un outil politique pour justifier les discriminations et maintenir un ordre inégalitaire en Mauritanie
EYWA : De la diabolisation des FLAM un outil politique pour justifier les discriminations et maintenir un ordre inégalitaire en Mauritanie
En Mauritanie, le discours officiel a systématiquement construit un narratif de peur autour des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), un mouvement politique qui, pourtant, n’a jamais mené d’actions violentes. Ce procédé de diabolisation s’est transformé en un véritable outil de propagande utilisé pour justifier les discriminations systémiques, l’exclusion des communautés noires et réprimer toute opposition politique. Cette stratégie repose sur un mécanisme bien connu : celui de l’ennemi intérieur, un concept souvent exploité par les régimes autoritaires pour détourner l’attention de leurs propres échecs.
Les FLAM, un bouc émissaire commode pour justifier l’injustice
Depuis leur création en 1983, les FLAM ont principalement axé leur combat sur la dénonciation du racisme d’État et des inégalités structurelles en Mauritanie. Leur manifeste “Le manifeste du Négro-Mauritanien opprimé” dénonçait notamment l’accaparement du pouvoir par une élite arabo-berbère et l’exclusion des populations noires de la gestion de l’État et des ressources. Pourtant, au lieu d’un débat démocratique sur ces questions fondamentales, le pouvoir a choisi de criminaliser leurs revendications, les présentant comme une menace pour l’unité nationale.
Le paradoxe est frappant : les FLAM n’ont jamais tiré une seule balle, jamais commis d’actes terroristes, et n’ont jamais prôné la violence. Pourtant, en Mauritanie, être simplement accusé de sympathie avec les FLAM peut mener à la prison, à l’exil, voire à la mort. Pourquoi un tel acharnement contre un mouvement pacifique ?
La réponse est simple : en créant une menace imaginaire, le pouvoir peut légitimer les répressions politiques, les arrestations arbitraires et le maintien d’un système profondément inégalitaire. En d’autres termes, les FLAM servent d’alibi pour justifier un régime qui refuse toute avancée vers l’égalité et la justice.
La manipulation de la peur pour rallier la communauté maure
L’une des stratégies les plus efficaces du pouvoir a été de manipuler l’opinion publique maure en lui faisant croire que les FLAM représentent une menace existentielle. Ce stratagème est similaire à d’autres stratégies politiques utilisées dans le monde :
• En Afrique du Sud sous l’Apartheid, le régime blanc présentait l’ANC de Nelson Mandela comme une organisation terroriste afin de justifier la ségrégation raciale et les violences d’État.
• Aux États-Unis durant la guerre froide, toute personne critiquant le système pouvait être accusée d’être un “communiste”, ce qui justifiait des persécutions (maccarthysme).
• En Algérie dans les années 1990, le pouvoir militaire a utilisé la peur du terrorisme islamiste pour se maintenir au pouvoir et réprimer les opposants démocratiques.
En Mauritanie, cette tactique se traduit par une assimilation systématique des FLAM à un danger anti-mauritanien, créant un sentiment de peur dans la communauté maure. Le but est double :
⁃ Distraire la population des véritables problèmes du pays : au lieu de se questionner sur la pauvreté, l’injustice sociale, la corruption ou l’accaparement des richesses par une élite, une partie de la population est conditionnée à voir les Noirs et les FLAM comme le problème.
⁃ Éviter toute contestation interne : tout Maures qui sympathise avec la cause noire est immédiatement accusé de trahison, ce qui empêche toute solidarité interethnique et renforce la division.
Ce procédé est redoutablement efficace : même des personnalités publiques, intellectuels ou hommes politiques préfèrent le silence plutôt que d’être accusés de proximité avec les FLAM, sous peine de perdre leur statut social, leur travail ou même leur liberté.
L’accusation d’être lié aux FLAM : une arme de répression politique
Dans le contexte mauritanien, être associé aux FLAM est devenu une accusation redoutable, utilisée pour éliminer toute personne gênante pour le pouvoir.
⁃ Un militant des droits humains ? Un traître pro-FLAM.
⁃ Un journaliste dénonçant les injustices ? Un agent de la division, manipulé par les FLAM.
⁃ Un cadre noir demandant l’égalité des chances ? Un infiltré dangereux.
Cette diabolisation atteint son paroxysme lorsque des citoyens mauritaniens sont exilés, emprisonnés ou condamnés à mort simplement parce qu’ils sont accusés de liens avec les FLAM, même sans preuve concrète. Cela montre bien que les FLAM ne sont pas le vrai problème, mais seulement un prétexte utilisé par l’État pour maintenir un statu quo injuste.
Comparaison avec d’autres contextes :
⁃ En Érythrée, tout opposant politique est accusé d’être un agent des puissances étrangères, ce qui permet de justifier des arrestations massives.
⁃ En Turquie, être simplement accusé d’avoir un lien avec le mouvement de Fethullah Gülen peut mener à la prison à vie.
• En Chine, les Ouïghours sont accusés d’être des terroristes simplement pour leur culture et leur religion.
La Mauritanie suit cette même logique : toute personne critiquant le système peut être assimilée aux FLAM et persécutée, indépendamment de la réalité de ses engagements politiques.
Une stratégie pour cacher les vrais problèmes du pays
En diabolisant les FLAM et en entretenant la peur, le régime mauritanien évite d’affronter les véritables défis du pays :
⁃ Les discriminations systémiques : exclusion des Noirs des postes de pouvoir, inégalités dans l’accès à l’éducation et à l’emploi.
⁃ Le racisme structurel : marginalisation des langues nationales, refus de reconnaître la diversité culturelle.
⁃ L’impunité des crimes passés : le génocide des années 1989-1991 n’a jamais été reconnu ni réparé.
⁃ La confiscation des richesses nationales par une élite qui profite de l’État au détriment du peuple.
En instaurant un climat de peur, en divisant les communautés et en criminalisant les revendications légitimes, le pouvoir mauritanien maintient une situation d’injustice tout en prétendant défendre l’unité nationale.
Un mensonge d’État qui doit être déconstruit
Les FLAM sont utilisés comme un épouvantail politique pour justifier l’injustice, le racisme et la répression en Mauritanie. Ce stratagème, qui repose sur la manipulation et la peur, empêche toute évolution vers une véritable démocratie et un État inclusif.
Il est essentiel de briser ce tabou et de reconnaître que revendiquer l’égalité et la justice n’est pas un crime, mais un droit fondamental. La véritable menace pour la Mauritanie n’est pas un mouvement pacifique comme les FLAM, mais le maintien d’un système fondé sur l’injustice et l’exclusion.
Tant que ce mensonge d’État ne sera pas déconstruit, la Mauritanie continuera d’être un pays où la peur est utilisée comme une arme politique pour museler ceux qui osent réclamer une nation plus juste et plus équitable. Watan
Sy Mamadou