Éphémérides : 10 juillet 1978 – Renversement du président de la Mauritanie, Moktar Ould Daddah

Éphémérides : 10 juillet 1978 – Renversement du président de la Mauritanie, Moktar Ould Daddah

Texte rédigé par l’équipe de Perspective monde

Moktar Ould Daddah, président de la République islamique de Mauritanie

Un groupe de militaires, dirigé par le lieutenant-colonel Mustapha Ould Salek, renverse le président mauritanien Moktar Ould Daddah et porte au pouvoir un Comité de redressement national. Cette intervention met fin au règne d’Ould Daddah, le seul chef d’État que la Mauritanie a connu depuis son accession à l’indépendance.

Après avoir dirigé le conseil depuis 1957, Moktar Ould Daddah devient président de la République islamique de Mauritanie lorsqu’elle obtient son indépendance de la France, le 28 novembre 1960. Les pouvoirs sont concentrés entre ses mains et celles du Parti du peuple mauritanien, seule formation reconnue par la Constitution de 1964. Gouvernant de façon autoritaire, Ould Daddah est réélu sans opposition en 1966, 1971 et 1976. Sous son règne, l’économie du pays progresse peu. Des sécheresses, particulièrement entre 1971 et 1974, ainsi que des baisses du prix international du fer accentuent les difficultés qui atteignent un nouveau sommet à partir de 1975. Après le retrait de l’Espagne du Sahara occidental en 1975, la Mauritanie obtient un tiers de ce territoire qui la borde au nord-ouest, le long de l’océan Atlantique. Elle se retrouve toutefois en conflit avec le Front Polisario qui lutte pour l’autonomie du Sahara occidental. Malgré de l’aide extérieure, notamment du Maroc et de la France, la Mauritanie est la cible d’attaques, la capitale Nouakchott subissant même des bombardements. De plus, l’augmentation des dépenses militaires plombe l’économie, ce qui accentue le mécontentement. Le 10 juillet 1978, une junte militaire, que dirige le nouveau chef d’état-major Mustapha Ould Salek, renverse le président pour, selon ses dires, « sauver le pays et la nation de la ruine et du démembrement ». On reproche à Ould Daddah sa gestion de la situation, mais aussi la corruption de son régime. Le Parlement est dissous, la Constitution suspendue et l’ex-président emprisonné, avant d’être autorisé à s’exiler en France en août 1979. Peu après ce coup sans effusion de sang, le Comité de redressement national, qui est au pouvoir, confirme sa volonté de mettre fin à l’engagement mauritanien au Sahara occidental. Pour sa part, Moktar Ould Daddah ne reviendra au pays qu’en juillet 2001, soit bien après l’adoption du multipartisme, en 1992. Il y décédera le 14 octobre 2003.

Dans les médias…

Pierre-Marie Doutrelant, « Sahara : des militaires en quête de paix »

«…Imaginez un pays parmi les plus pauvres en hommes et en ressources – et qui, depuis deux ans, s’enlise dans une interminable guérilla du désert. Un pays contraint de décupler brutalement son armée. Un pays dirigé par un autocrate vieillissant, qui était bien le seul avec sa cour de ministres à vouloir rattacher à la Mauritanie le Rio de Oro ex-espagnol. Un pays accablé par deux années successives de sécheresse. Un pays où le peuple crève de faim tandis que son président lui ordonne de se battre pour conquérir une nouvelle portion de désert. Ce pays-là était voué au coup d’État. Rien ne pouvait plus sauver la Mauritanie que le renversement d’Ould Daddah, répète Ould Salek comme une excuse, ajoutant que l’ancien président, en s’obstinant chaque jour davantage à vouloir régler par les armes le conflit du Sahara, avait fini par mettre son pays à genoux. »

Le Nouvel Observateur (France), 17 juillet 1978, p. 33.

Hassen Zenati, « Le noeud de l’affaire »

«…Dans un pays où ce qu’on appelle la « classe politique » est numériquement réduite, beaucoup de personnalités connues et influentes ont été soit écartées, soit exclues au profit d’inconditonnels d’Ould Daddah. Mais, chaque fois aussi, ce dernier perdait de sa crédibilité d’arbitre, de symbole de la nation et de l’État. Les mythes dont il a su s’entourer depuis 1960 s’effondraient l’un derrière l’autre. […] La situation économique participait de la crise générale d’un État en décomposition. Le fait évident de ces dernières années étaient la corruption du pouvoir et de l’administration à tous les échelons. Ce n’est pas fortuitement que les militaires invoquent comme première raison à leur action « la corruption antinationale et antipopulaire ». Devenu, lui-même, vassal, Ould Daddah avait décidé à son tour de vassaliser les personnalités qui gravitaient autour du palais présidentiel, en fermant les yeux sur leurs tractations à la fois douteuses et juteuses. À défaut du soutien populaire qu’il n’avait plus, il s’employait à se créer une clientèle personnelle au détriment du Trésor public, au moment ou celui-ci souffrait de graves pénuries. De nombreuses affaires scabreuses ont ainsi été étouffées. »

Afrique-Asie (France), 24 juillet 1978, p. 14-15.

Amin Maalouf, « Les vertus de l’intransigeance »

«…le seul fait qu’une nouvelle équipe soit au pouvoir à Nouakchott modifie profondément les données de la situation au Maghreb. Entre Ould Daddah et ses anciens amis algériens, tout compromis était en effet exclu. Son départ devrait permettre de rétablir le contact entre Alger et le Polisario d’une part, Nouakchott et Paris d’autre part, et faciliter la recherche d’un terrain d’entente. Le changement de personnes permet, en lui-même, une redistribution des cartes. Dans un conflit où, depuis plusieurs mois, tout le monde piétine péniblement, le changement de régime en Mauritanie peut offrir à tous l’occasion de réviser leurs positions respectives sans perdre la face. On ne peut exclure des contatcs rapides et au plus haut niveau entre les protaginistes. Et s’il existe réellement une volonté de sortir du bourbier, c’est l’occasion ou jamais de l’exprimer dans les faits. L’élément nouveau introduit par le départ de « l’empêcheur de tourner en rond » qu’était Ould Daddah – pour tout le monde, ou presque – peut aussi bien déboucher sur une intensification et une extension du conflit. »

Jeune Afrique (France), 19 juillet 1978, p. 23.

S.A., « Exit Daddah »

«…The coup – which leaves 22 of Africa’s countries controlled by the military – was a bloodless one. […] The officers accused Daddah of corruption, but a more likely reason for the coup was Mauritania’s woeful record in the drawn-out guerrilla war it is fighting, alongside Morocco, in the former Spanish Sahara. The two countries moved into the phosphate-rich colony in 1975, when Spain agreed to withdraw its troops. Despite military helf from Morocco and France, Mauritania has been battered by the 5,000 members of the Marxist-oriented, Algerian-backed, Polisario guerrilla movement, which demands independence for the region. The change of regime, however, does not necessarily mean that Mauritania will abandon its costly prize. »

Time (États-Unis), 24 juillet 1978, p. 31.

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