Moctar Ould Diay : « Ouvrir le dialogue à tous, y compris la presse »
Entretien exclusif avec le Premier ministre mauritanien Moctar Ould Diay : gouvernance, transparence, presse libre et réformes socio-économiques.
ENTRETIEN EXCLUSIF
Moctar Ould Diay : « Il est temps d’élargir le dialogue à tous les acteurs, y compris la presse indépendante »
Pour la première fois depuis sa nomination, le Premier ministre accepte de répondre aux questions d’un média indépendant. Dans un climat socio-économique tendu, Moctar Ould Diay revient sur les défis de la rentrée politique, les critiques sur la gouvernance, et sa vision du rôle de la presse. Une interview sans langue de bois, réalisée par Ahmed Ould Bettar, directeur de Rapide Info.
Propos recueillis à la Primature, le 27 août 2025
Rapide Info (RI) : Monsieur le Premier ministre, vous avez toujours évité la presse indépendante. Pourquoi avoir accepté cet entretien aujourd’hui ?
Moctar Ould Diay (MOD) : Merci de me recevoir. La rentrée politique impose une nouvelle posture. Elle doit être marquée par une ouverture renforcée, un dialogue élargi. Éviter certains médias n’a jamais été une politique, mais plutôt un choix circonstanciel. Aujourd’hui, je considère que notre devoir est d’entendre toutes les voix, y compris celles qui nous bousculent.
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« Gouverner, c’est construire dans la durée »
RI : Cette rentrée intervient alors que les prix grimpent, les jeunes peinent à trouver du travail, et que plusieurs régions expriment des frustrations. Quelles réponses concrètes proposez-vous ?
MOD : D’abord, nous reconnaissons les difficultés. Les facteurs externes, notamment les tensions géopolitiques, ont un impact sur notre économie. Mais cela ne nous exonère pas d’agir. Nous avons lancé des mesures de soutien au pouvoir d’achat, renforcé les subventions sur des produits de première nécessité, et lancé un programme de formation pour les jeunes. 25 000 opportunités de formation seront offertes d’ici fin 2026, dans des secteurs porteurs.
RI : Pourtant, une partie de la population a l’impression que beaucoup d’annonces ne se concrétisent pas sur le terrain…
MOD : Ce scepticisme est légitime. Trop souvent dans le passé, les promesses sont restées des slogans. Mais je suis convaincu que nos réformes structurelles produiront des résultats. Nous allons publier dès le mois prochain un tableau de bord gouvernemental avec des indicateurs clairs et vérifiables. Il faut juger un gouvernement sur ses résultats, pas sur ses discours.
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Transparence, clientélisme et pouvoir local
RI : Certains dénoncent une gestion opaque et une résurgence du clientélisme, notamment dans les nominations et l’attribution des marchés publics.
MOD : Je n’ai jamais prétendu que tout était parfait. Mais nous avons engagé des réformes dans la commande publique et instauré une plateforme de transparence budgétaire. Le clientélisme est un poison : il affaiblit l’État et tue la confiance. Je le combats, même si cela déplaît à certains réseaux.
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Une presse libre, mais encadrée
RI : La récente loi sur la presse a provoqué un tollé chez de nombreux journalistes. Vous êtes accusé de vouloir museler les voix critiques. Votre réaction ?
MOD: Je suis favorable à une presse libre, mais je refuse une presse anarchique. Cette loi n’est pas une arme contre les journalistes, mais un outil de structuration du secteur. Oui, il y a des articles à revoir. Je suis prêt à convoquer une table ronde avec les représentants des médias pour réévaluer certains points. Je crois au débat, pas à l’imposition unilatérale.
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« Je ne crains pas la critique, je la respecte »
RI : C’est votre première interview avec un média indépendant. Pourquoi maintenant, après tant de silence ?
MOD (sourit) : Je ne suis pas un homme de monologues. Mais je suis aussi attaché à un débat sérieux. Il faut qu’il y ait de la critique, bien sûr, mais aussi de la rigueur. Vous posez des questions franches, je réponds de façon directe. C’est ainsi que la démocratie avance.
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Un mot de conclusion ?
MOD : La Mauritanie n’est pas figée. Elle bouge, souvent dans la douleur, parfois dans le silence. Ce gouvernement est imparfait, mais engagé. À vous, les journalistes, d’être des sentinelles, pas des juges. À nous, responsables politiques, d’être à la hauteur. Je crois à ce contrat moral.
Ahmed Ould Bettar – Rapide Info
Entretien exclusif publié le 28 août 2025
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