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Élection de Sidi Ould Tah est soit une preuve d’amnésie ou de tolérance des noirs africains

Élection de Sidi Ould Tah

Eywa : Ironie du siècle : voilà qu’un pays qui a méthodiquement déserté la majorité des institutions africaines — de la CEDEAO à l’UEMOA, en passant par toute tentative sérieuse d’intégration régionale — se découvre soudain une vocation panafricaine… et prétend aujourd’hui diriger la Banque Africaine de Développement (BAD).

Mais pourquoi pas ? Nous ne sommes plus à une contradiction près.

La Mauritanie, ce pays où l’on s’acharne à gommer l’africanité, à la dissoudre dans une arabité de façade, construite à coups de décrets, de slogans creux et de manuels scolaires réécrits, se présente comme candidate pour incarner les espoirs d’un continent… qu’elle s’est toujours appliquée à fuir.

Un pays où l’on a exclu, marginalisé, réprimé et rendu invisibles ses propres citoyens noirs, ose aujourd’hui se présenter comme le porte-voix du développement de l’Afrique noire. Une Afrique dont elle ne veut l’identité que lorsqu’il s’agit d’obtenir un poste de prestige pour l’un des siens — bien entendu, un Beïdane. L’égalité ne fait pas partie du CV, mais la représentation, si.

Comment un État qui n’a jamais reconnu les déportations, les purges ethniques ni les crimes racistes de son passé récent, qui impose une culture, une langue et une mémoire uniques au détriment de la pluralité nationale, peut-il prétendre incarner une institution censée porter la voix de tout un continent blessé, digne et résistant ?

C’est un peu comme si l’apartheid prétendait présider une fondation pour les droits civiques.

Mais allons plus loin, dans cette comédie du réel. Le candidat mauritanien, SIDI, a été plébiscité par les pays d’Afrique subsaharienne. Oui, oui, vous avez bien lu : ce sont ceux qu’on méprise ici, ceux qu’on caricature, ceux qu’on exclut de l’histoire officielle, qui ont voté massivement pour un candidat mauritanien. Un Africain, donc. Du moins, c’est ce qu’eux ont compris.

Pendant ce temps, nos soi-disant “frères du Maghreb”, eux, ont voté… ailleurs. Sans rancune, bien sûr ! Quelle magnifique leçon de fraternité arabo-africaine. On en pleurerait presque. À ce niveau d’hypocrisie régionale, il faudrait presque créer un prix.

Alors, dans un rare élan de cohérence, j’invite la Mauritanie à faire un vrai geste politique : qu’elle réintègre toutes les organisations africaines qu’elle a boudées sous prétexte d’identité flottante. Car manifestement, nos véritables alliés sont au sud, et non au nord ou à l’est. Il est temps de redescendre de cette carte imaginaire où l’on flotte, entre deux mondes, sans appartenir à aucun.

La BAD n’est pas un simple poste à glaner, ce n’est pas un accessoire de prestige. C’est une institution qui exige une vision, une éthique, une solidarité, un ancrage africain assumé — tout ce que la Mauritanie officielle refuse depuis des décennies.

Mais voilà, dans notre système, la cohérence est un détail, et l’opportunisme, une vertu d’État. On fuit les règles de la CEDEAO mais on quémande les votes de ses membres. On invisibilise les Noirs mauritaniens mais on se veut leur ambassadeur international. On nie la diversité interne mais on parade dans les forums panafricains, boubou bien repassé, drapeau bien tenu, et discours écrit ailleurs.

Mais la mémoire des peuples ne s’efface pas à coups de tapis rouges, et les humiliés de l’intérieur ne reconnaîtront jamais comme leur représentant celui qui a cautionné leur effacement.

Alors oui, candidater à la BAD ? Pourquoi pas. Tant qu’à faire, autant proposer la présidence d’une commission vérité et réconciliation aux architectes du silence et du mensonge.

Le ridicule, en Mauritanie, a depuis longtemps cessé de tuer.

Wetov.

Sy Mamadou

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