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Editorial : un Dialogue Politique sous haute tension

Editorial : un Dialogue Politique sous haute tension

Dans un contexte politique où les tensions s’apparentent aux grondements d’un volcan menaçant d’entrer en éruption, le président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a reçu ce jeudi le député et ancien candidat à l’élection présidentielle, Biram Dah Abeid. Cette entrevue, bien plus qu’un simple échange protocolaire, s’inscrit dans la dynamique des préparatifs du dialogue politique initié par le pouvoir, une tentative de contenir les secousses d’un paysage politique en perpétuelle effervescence.

Il s’agit de la première rencontre officielle entre les deux hommes depuis l’onde de choc provoquée par les dernières élections législatives, où s’étaient cristallisées les dissensions. Une confrontation qui, à l’instar d’une coulée de lave menaçant d’engloutir tout sur son passage, avait creusé un fossé entre le pouvoir et l’opposition radicale. Aujourd’hui, à la faveur d’un dialogue voulu inclusif, le chef de l’État semble vouloir organiser un dispositif de refroidissement, tel un ingénieur tentant d’endiguer une catastrophe imminente en détournant le flux du magma vers des voies maîtrisables.

Avant son départ pour l’étranger, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani avait déjà initié une série de consultations avec plusieurs figures de la scène politique. Parmi elles, Hamady Ould Sid’ Mokhtar, chef de l’opposition officielle, ainsi que les dirigeants des formations représentées au sein de l’Institution de l’Opposition Démocratique. Ces rencontres successives, à l’image de vigies postées autour d’un cratère pour en observer l’activité, témoignent de la prudence avec laquelle le pouvoir aborde cette phase de concertation, soucieux de prévenir toute déflagration sociale et institutionnelle.

Dans la même dynamique, le président a élargi le cercle des discussions aux chefs de partis de la majorité, ainsi qu’aux figures incontournables de l’opposition historique, à savoir Messaoud Ould Boulkheir (APP), Ahmed Ould Daddah (RFD) et Mohamed Ould Maouloud (UFP). Chacune de ces rencontres constitue un acte symbolique fort, un geste de déminage face aux poches de tension qui persistent et qui, si elles ne sont pas neutralisées à temps, pourraient se transformer en foyers d’instabilité.

Le gouvernement, dans une déclaration récente, a réaffirmé son engagement à organiser un dialogue « inclusif, sans exclusion ni sujet tabou », une promesse qui, pour être crédible, devra se traduire en actes concrets. L’opposition, méfiante, ne se contente pas de promesses verbales. Elle réclame non seulement une participation active à toutes les étapes du processus, mais exige aussi, en préambule, la libération des détenus d’opinion et l’octroi des agréments aux partis respectant les conditions légales. Autrement dit, elle exige des garanties tangibles, comme on construirait des digues solides avant l’arrivée d’un flux pyroclastique.

Ainsi, cette phase de dialogue s’apparente à une mission de secours en zone sous Haute Tension. À l’instar d’une population vivant à l’ombre d’un volcan capricieux, la classe politique mauritanienne oscille entre espoir et scepticisme, guettant les signes avant-coureurs d’une véritable volonté d’apaisement ou, au contraire, d’un nouveau réveil des tensions. L’histoire dira si cette tentative de pacification parviendra à stabiliser le terrain, ou si, malgré les efforts, la lave couvera toujours sous la cendre, prête à resurgir à la moindre étincelle.

Ahmed OULD BETTAR

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