Échec et malversations dans le projet Aftout Echargui :

Un rapport accablant de Transparence Inclusive

projet Aftout EcharguiÉchec et malversations dans le projet Aftout Echargui : un rapport accablant de Transparence Inclusive
Dans un rapport exhaustif publié récemment, l’ONG Transparence Inclusive a mis en lumière les graves dysfonctionnements et les soupçons de corruption entourant le projet Aftout Echargui, un ambitieux programme d’approvisionnement en eau potable destiné aux communautés rurales des régions les plus défavorisées. Le projet, lancé sous l’égide du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, visait à améliorer l’accès à l’eau potable pour 155 000 personnes dans les zones rurales en construisant un réseau complexe de réservoirs, de conduites et de châteaux d’eau.

Le financement initial conséquent promettait de couvrir trois provinces — Gorgol, Assaba, et Brakna — toutes adjacentes au barrage de Foum Legleita. La mise en œuvre du projet était divisée en deux phases principales, la première étant réalisée par la société Arab Contractors, qui a établi un réservoir sur la colline de Chelkhet Tyab, alimenté par le barrage susmentionné. La seconde phase, confiée à un consortium dirigé par Zine El Abidine, président de l’Union Nationale des Employeurs Mauritanien, comprenait le développement d’une infrastructure de distribution d’eau à travers des centaines de Robinets publics.

Le rapport détaille les manquements en termes de quantité et de qualité des composants clés du projet, notamment les conduites d’eau, les Robinets publics et les d’eau. Il pointe du doigt le non-respect des spécifications contractuelles, des matériaux de qualité inférieure, et une coordination déficiente entre les entités de supervision et l’entreprise en charge de la construction, entraînant une capacité hydrique nettement inférieure aux objectifs. De plus, une augmentation suspecte du budget a été accordée avant même l’achèvement des travaux, justifiée par des arguments fallacieux tels que l’extension des bénéfices à plus de villages, l’augmentation de la hauteur des châteaux d’eau et l’amélioration des capacités de pompage — des affirmations rapidement démenties par les faits.

C’est ainsi que la majorité des installations ne fournissent pas d’eau de manière fiable, avec des coupures totales observées dans 20 % des cas et un approvisionnement intermittent et insuffisant dans 72 % des cas. Seulement 8 % des installations fonctionnaient correctement. Ce constat alarmant suggère non seulement une exécution médiocre du projet mais aussi des pratiques frauduleuses affectant sa qualité et son efficacité.

Transparence Inclusive a également mis en évidence un triangle de collusion impliquant les représentants du ministère, le bureau d’étude chargé de la surveillance, et le consortium de construction, orchestrant une vaste opération de détournement de fonds aux dépens des objectifs du projet. En conclusion, l’ONG appelle à une enquête immédiate pour élucider ces accusations graves et récupérer les fonds gaspillés, soulignant l’importance cruciale du projet pour les communautés cibles et la nécessité de mettre fin à ces pratiques corruptibles qui entravent le développement et le bien-être des populations les plus vulnérables.

Extraits du rapport de Transparence Inclusive (arabe) traduit en français :

La première phase de ce projet comportait deux parties :

• Une première partie: Achevée par l’Arab Contractors Company, qui comprend principalement la construction d’un immense réservoir d’eau sur le plateau de Shalakht Al-Tayab et son approvisionnement en eau à partir du barrage de Foum Legleita par des pompes et de grands tuyaux, et cette partie a été achevée de manière acceptable en 2016.

• Une deuxième partie vise à approvisionner les villages bénéficiaires, à partir de l’immense réservoir de Shalakht al-Tayab, à travers un réseau de canalisations alimentant des centaines de robinets publics, principalement à travers deux grands contrats remportés par le consortium (Groupement : CSE-VAERA-BIS TP) du Président de l’Union Nationale des Employeurs Mauritaniens, M. Zine El Abidine, pour un montant de (4 189 204 808 MRO) pour le premier contrat, en plus d’une exonération fiscale de (953 344 381 MRO), (LOT 2-2). Le second, en relation avec l’Agence Française de Développement (AFD) qui a fourni le financement, s’élevait à (5 828 639 234 MRO) en plus d’une valeur d’exonération fiscale de (1 785 299 365 MRO).

Partie I : Le résultat est déplorable

Après le suivi de la mise en œuvre de ces travaux et de leurs résultats visant à fournir de l’eau potable à (155.000) personnes, à travers une visite de terrain qui a duré deux semaines, au cours de laquelle nous avons visité la plupart des zones ciblées ; Après avoir interrogé les riverains sur la disponibilité et durabilité de l’eau dans les robinets après le lancement du projet ; Après avoir identifié la majorité des (robinets publics) objectifs du projet dans le but d’arroser tous les villages voisins ; Après avoir comparé ce qui se trouve sur le terrain avec les objectifs déclarés du projet et avec le barème des quantités et des prix de la transaction et de son cahier des charges ; Après avoir examiné tous les documents recueillis par l’organisme au sujet du projet, nous avons constaté ce qui suit :

1. La mise en œuvre du projet en général a été très médiocre, de sorte que l’eau n’est pas disponible dans l’écrasante majorité de ces robinets publics, par exemple, après avoir visité 100 robinets publics répartis dans toutes les régions au hasard, Transparence Inclusive a constaté que :

– L’eau a été complètement coupée de 20% des robinets, trois jours après l’ouverture du projet – le jour de l’indépendance en 2020 – à A1) et vidéos.

– L’approvisionnement est intermittent et inéquitable par rapport à la population, dans 72% des robinets publics (document voir vidéos 2)

– La disponibilité de l’eau est presque toujours de seulement 8%.

2. Il a été constaté que la mise en œuvre du projet a été affectée par des fraudes quantitatives et qualitatives, ce qui a entraîné une faible productivité de l’eau et l’incapacité d’atteindre les objectifs décrits dans le paragraphe précédent.

3. Il a été constaté que les représentants des autorités officielles, du Bureau des études en charge du contrôle et de la société d’exécution étaient tous d’accord sur la manipulation du projet et de ses objectifs, et nous le montrerons à travers cette annexe, dans laquelle nous nous concentrerons sur l’accord (AFP) comme modèle de manipulation des deux accords, afin de simplifier

Partie II : Fraude quantitative et qualitative

Nous aborderons cette partie à travers trois composantes principales qui sont les plus importantes en termes de coût financier :

1. Réseau de canalisations

Il s’agit de la composante la plus importante du projet, avec une valeur de plus de quatre milliards (4 072 590 950 MRO), dont trois milliards quatre cents millions (3 419 920 168,00 MRO) comme prix de 818 970 km de canalisations, et le reste (652 670 782) pour l’excavation et le remblayage de ces conduites.

D’abord en termes de quantité :

Il est clair, selon le procès-verbal de réception signé, le 2 novembre 2020, que la longueur totale des canalisations qui ont été réalisées dans la composante A : 310 853 km + 56 439 km, et dans la composante (B) : 154 578 km, soit un total de 521,87 km, ce qui signifie que 297,10 km de la quantité initialement convenue (soit 36,27 % de l’accord initial) (Document 1) (Document 2) n’ont pas été achevés.

Deuxièmement en termes de qualité :

Lors de nos visites sur le terrain, nous avons confirmé la mauvaise qualité du réseau de canalisations et de ses accessoires, car nous avons rencontré des fuites partout, malgré le pompage limité et intermittent (Document 4 : voir photos).

Il a également été constaté que le forage et le remblayage des canalisations, dont le coût dépassait 600 millions (paragraphe ci-dessus), ne respectaient pas les conditions des obligations, qui stipulent, comme indiqué dans (Document 5), que le forage doit atteindre une profondeur comprise entre quatre-vingt-dix (90) cm et cent quatre-vingt-dix (190) cm pour les plus petites canalisations, afin de les protéger de l’exposition aux risques de dommages dans le temps, mais c’est l’inverse qui s’est produit, bien sûr, afin de réduire le coût des travaux .

Cela ne peut se faire qu’en collusion avec la Cour des comptes, qui facture plus de 500 millions par an (Document 6) pour le contrôle, l’assurance qualité et le respect de la term sheet, et vous remarquerez avec nous que les tuyaux sont quasiment exposés à même le sol, ce qui indique que la profondeur du forage n’a pas dépassé vingt centimètres au lieu d’un minimum de 90 cm à un mètre quatre-vingt-dix centimètres, (Document : 7).

2. Robinets publics

Il s’agit de la composante la plus importante du projet et de sa troisième composante en termes de valeur, s’élevant à : (219 956 234) onces anciennes, dans le but de compléter 402 entailles publiques selon ce qui était mentionné dans l’accord initial (voir temps 8).

D’abord en termes de quantité :

Selon le procès-verbal de réception signé le 2 novembre 2020, le nombre total de robinets publics qui ont été achevés dans la composante (a) : 271 et dans la composante (b) : 81, ce qui signifie la perte de 50 robinets (voir document 3), mais il est également clair que le nombre de robinets publics reçus selon le procès-verbal de réception était incorrect. En effet, une mission conjointe entre le ministère de l’Eau et la Société nationale des eaux a préparé un rapport le 28 mars 2021, quatre mois après la réception lors d’une tournée de huit jours visant à compter Réalisations afin de commencer à les utiliser, a montré que le nombre de robinets effectives sur le terrain n’excède pas 319 (voir document 9). Ceci montre une certaine complicité du bureau d’études en charge du suivi et le manque de crédibilité du comité d’accueil, après avoir ignoré un manque de 83 robinets publics (soit 20,64% de l’objectif).

Deuxième en termes de qualité

Lors de son inspection des robinets publics, Transparence Inclusive a constaté que ce qui avait été réalisé était très médiocre et contraire au cahier des charges et obligations (voir photos et documents).

3. Châteaux d’eau :

Sa valeur totale : 416 442 662 MRO, avec l’objectif de construire 25 châteaux d’eau et deux grands réservoirs entre les composantes (A) et (B).

Premièrement : en termes de quantité

Le nombre de châteaux d’eau est de 19 en plus d’un réservoir RST dans le composant (A) et 6 châteaux d’eau en plus d’un réservoir RST dans le composant (B) voir (document), mais selon le procès-verbal de réception (document) seulement 18 châteaux d’eau ont été achevées dans le composant (A) et 6 châteaux d’eau dans (B). La mission du ministère de l’Hydraulique, qui a compté les châteaux d’eau après quatre mois, a identifié 17 dans le composant (A) et 5 dans le composant ( B), ce qui signifie que 12 % des châteaux d’eau programmés n’ont pas été achevés, d’où le manque de crédibilité du comité d’accueil (document 10).

Deuxièmement : En termes de qualité

Les châteaux d’eau n’étaient pas équipés de télécommandes, les finitions finales n’étaient pas terminées et la plupart d’entre eux n’étaient pas peints. Il y a même des châteaux vides qui ne fonctionnent pas et qui souffrent de fuites.

Partie III : Collusion aux dépens du projet

Malgré toute la diminution brute des composantes les plus importantes du projet, un montant supplémentaire a été accordé à la société d’exécution par le biais d’une annexe de 699 329 334 MRO, avec une exonération fiscale de (209 911 523 MRO) (document 11), des mois avant l’achèvement des travaux, et le nouveau contrat a été justifié pour :

a-Augmenter le nombre de villages bénéficiaires du projet
b-Augmenter la longueur des châteaux d’eau de 10 mètres à 20 mètres ;
c-Augmenter la capacité de pompage de l’eau des stations (Document 12).

Ces arguments sont fragiles, comme indiqué ci-dessous :

En ce qui concerne la première justification, les nouveaux villages ne peuvent être arrosés que par des robinets publics, dont 77 ont été contournés, comme mentionné précédemment ;
Quant à la seconde justification, elle est fausse car tous les châteaux d’eau du plan initial faisaient 20 mètres de long sauf un (voir Document 13), et sa longueur n’a pas été augmentée, puisqu’elle est restée de dix mètres de long selon le procès-verbal de la mission conjointe du 28 mars 2021, voir (Document 10) ;
Enfin, en ce qui concerne la troisième justification, elle est également fausse compte tenu du témoignage des populations cibles qui souffrent toujours de manque d’eau.

Il ressort clairement que l’intérêt de cette annexe (voir document 14) était d’obtenir l’énorme somme demandée pour être ensuite détournée. Par ailleurs, la quantité de tuyaux plus gros et plus chers a été doublée parce qu’ils sont souterrains et qu’ils sont difficiles à vérifier.

Cependant, Transparence Inclusive a comparé les emplacements des châteaux d’eau alimentés par ces types de canalisations dans l’accord initial (voir document) avec les endroits où la mission conjointe les a trouvés, expliquant qu’ils sont au même endroit, ce qui signifie que la distance n’augmente pas, en plus du fait que 297,10 km de conduites programmées n’ont pas été achevés et que trois des châteaux d’eau ont disparu.

Ce supplément a été accordé avec la complicité de trois parties :

1. La tutelle

C’est le représentant du Ministère de l’Eau, M. Ahmed Zidan Ould Talib Mokhtar, Coordinateur du projet Aftout Echargui, qui a signé le contrat d’annexe additionnelle et a présidé le comité d’accueil qui n’a fait état d’aucune pénurie dans les quantités des composantes de l’accord malgré sa valeur élevée et s’est contenté de quelques observations formelles.

2. Bureau des études de la SGIE et de l’ACEI

Il s’agit d’une alliance entre la SGIE, un bureau d’études mauritanien affilié à l’homme d’affaires Mohamed Lamine Ould Betah, et un bureau d’études malien dirigé par Seydou Coulibaly. La SGIE/CIRA facture un million cent quatre-vingt-deux mille (1 182 000) euros par an, soit 500 millions d’euros par an (voir document).

Le contrat comprend des salaires mensuels pour les ingénieurs travaillant dans le bureau, dépassant six mille (6.000) euros de salaires mensuels, versés virtuellement à des dizaines d’ingénieurs et de techniciens présents sur tous les chantiers (selon le contrat), afin de surveiller l’entreprise d’exécution, grande et petite, afin d’assurer le respect de la quantité et de la qualité selon la feuille de termes de cet important projet.

Cependant, le bureau a participé à toutes les opérations frauduleuses, car c’est lui qui a donné les justifications qui ont ouvert la voie à l’augmentation mentionnée à l’annexe n° 2 et a signé tous les procès-verbaux de réception des quantités contrefaites.

3. Les membres du comité d’accueil

Il comprenait des représentants de secteurs importants du pays (voir le document indiquant les noms et les postes15), dont aucun ne s’est opposé à la non-exécution d’un pourcentage important des travaux programmés dans l’accord, soit environ 23 % de tous les travaux programmés dans les trois composantes du projet, selon les estimations de l’organisation basées sur les pourcentages de travaux inachevés de chacune des composantes principales.

Conclusion

Transparence Inclusive a confirmé que l’Agence française de développement (AFD) a effectué le paiement final du montant de son prêt de 22,3 millions d’euros (voir document 16) le 04/12/2020, ce qui signifie que les générations futures supporteront le remboursement des fonds qui ont été dilapidés.

Malgré son importance et ses espoirs de fournir de l’eau potable à un nombre important de villages ruraux du triangle de la pauvreté, avec une population de 155 000 personnes, ce projet a lamentablement échoué malgré les milliards dépensés, en raison d’une mauvaise mise en œuvre, de la fraude et la collusion entre les superviseurs et les exécuteurs testamentaires.

Sur la base de tout ce qui précède, Transparence Inclusive appelle les autorités officielles à ouvrir une enquête à ce sujet, dès que possible, afin de récupérer les fonds détournés et de dissuader ce comportement endémique à l’avenir.

Source: Mauriweb

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