Disparition d’Ishak Ould Mokhtar et Rachid Moustapha : le Parlement mauritanien relance la diplomatie
Lors d’une séance parlementaire, le ministre des Affaires étrangères a été interpellé sur les disparitions d’Ishak Ould Mokhtar et de Rachid Moustapha, deux Mauritaniens dont le sort demeure inconnu depuis plus d’une décennie.
Le Parlement relance le dossier des disparus mauritaniens, Ishak Ould Mokhtar et Rachid Moustapha
L’Assemblée nationale a consacré, jeudi soir, une séance publique à une question orale adressée au ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Mauritaniens de l’Extérieur, M. Mohamed Salem Ould Merzoug. Sous la présidence du député Ahmedou Mohamed Mahfoudh M’Balla, vice-président de l’Assemblée, le débat a porté sur un sujet aussi sensible qu’humain : la disparition de citoyens mauritaniens à l’étranger.
Le député Khalil Ould Nahou, auteur de la question, a rappelé que « les cas de disparition ou de détention de Mauritaniens à l’étranger se sont répétés depuis la création de l’État », saluant les efforts diplomatiques qui ont permis d’en résoudre certains, mais soulignant que « d’autres cas demeurent sans réponse, notamment ceux d’Ishak Ould Mokhtar et de Rachid Moustapha ».
« Pourquoi l’État n’a-t-il pas encore réussi à élucider leur sort ? », a-t-il interrogé, avant de demander quelles démarches concrètes sont en cours pour obtenir la vérité et, si possible, leur retour.
Une diplomatie mobilisée mais prudente
En réponse, le ministre Mohamed Salem Ould Merzoug a mis en avant les efforts constants de la diplomatie mauritanienne.
Sous les hautes directives du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a-t-il dit, « la politique étrangère du pays s’est engagée dans une phase d’équilibre et d’efficacité, avec un renforcement des représentations diplomatiques et une présence accrue sur la scène internationale ».
Le ministre a assuré que son département « suit de près la situation des citoyens mauritaniens à l’étranger » et que « les recherches se poursuivent » concernant Ishak Ould Mokhtar et Rachid Moustapha.
« L’État mauritanien n’a jamais cessé ses efforts pour connaître la vérité sur leur disparition », a-t-il ajouté, évoquant des « contacts établis à plusieurs niveaux » pour avancer sur ces dossiers complexes.
Rachid Moustapha : le mystère d’un vol disparu
Homme d’affaires reconnu et ancien candidat à la présidentielle de 2007, Rachid Moustapha a disparu le 11 mai 2010 lors d’un vol privé entre Pointe-Noire (Congo) et Luanda (Angola).
L’avion qu’il avait affrété a perdu tout contact avec la tour de contrôle angolaise. Les recherches entreprises à l’époque sont restées vaines : ni l’appareil ni les passagers n’ont jamais été retrouvés.
Depuis, les hypothèses se succèdent : accident, enlèvement, disparition orchestrée. Certains rapports évoquent un possible enlèvement par des groupes armés angolais en raison de ses activités économiques et de ses liens politiques.
En février 2017, un sit-in avait été organisé devant la Présidence mauritanienne par ses proches, réclamant la vérité. Quelques mois plus tard, une rumeur d’« imminente libération » circulait sur les réseaux sociaux, sans qu’aucune confirmation officielle ne vienne l’étayer.
Aujourd’hui encore, quinze ans après sa disparition, le dossier reste figé dans une zone d’ombre.
Ishak Ould Mokhtar : le silence des zones de guerre
Le cas d’Ishak Ould Mokhtar, correspondant mauritanien de Sky News Arabia, demeure tout aussi douloureux.
Le journaliste a été enlevé le 15 octobre 2013, près d’Anadan, dans le nord d’Alep (Syrie), alors qu’il couvrait la guerre civile avec son caméraman libanais, Samir Kassab.
Depuis, aucune information vérifiable sur leur sort n’a été rendue publique.
Les organisations internationales de défense de la presse – CPJ (Committee to Protect Journalists), SNHR (Syrian Network for Human Rights) ou encore Reporters sans frontières — le répertorient toujours parmi les journalistes portés disparus dans le conflit syrien.
Certaines sources le supposent détenu par des groupes extrémistes ayant contrôlé la région à cette époque, notamment l’État islamique, sans qu’aucune preuve tangible n’ait jamais émergé.
Des comités mauritaniens de suivi affirment disposer d’indices récents laissant penser qu’il serait encore en vie, mais ces informations n’ont pas été confirmées par des organisations internationales neutres comme l’ONU ou le CICR.
Onze ans après, le mystère demeure entier, suspendu entre espoir et incertitude.
Entre diplomatie et devoir de mémoire
Ces deux affaires, aussi différentes que tragiques, incarnent une même attente : celle d’un État et d’un peuple qui veulent connaître la vérité.
Pour beaucoup de Mauritaniens, la réapparition de ces noms sous la Coupole traduit une volonté politique de ne pas tourner la page tant que la lumière n’aura pas été faite.
En filigrane, la séance parlementaire de ce jeudi soir rappelle qu’au-delà de la géopolitique et des relations bilatérales, la diplomatie reste d’abord un instrument de justice et d’humanité.
Et pour les familles d’Ishak Ould Mokhtar et de Rachid Moustapha, l’espoir – même ténu – demeure la seule certitude.
Rapide info avec agences



