Discours du Président Ghazouani au Forum international de Dakar
Discours du Président Ghazouani au Forum international de Dakar
Excellence et Cher Frère, Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal;
Excellences, Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement;
Excellences, Messieurs les Ministres;
Excellences Mesdames et Messieurs;
Je tiens tout d’abord, à exprimer à mon ami et frère son Excellence Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal, mes sincères remerciements, pour l’invitation à prendre part aux travaux de la 9ème édition du forum international de Dakar, qu’il m’a fort aimablement adressée, ainsi que pour la chaleur de l’accueil et la légendaire générosité de la Teranga sénégalaise.
Je voudrais, aussi, souligner toute l’actualité et la pertinence de la thématique à laquelle est consacrée cette neuvième édition du forum: «l’Afrique des potentiels et des solutions face aux défis sécuritaires et à l’instabilité institutionnelle».
Tout comme, je tiens à saluer l’image que le forum international de Dakar ne cesse de nous renvoyer, au fil des éditions : l’image d’une Afrique résolument décidée à se prendre en charge, à réfléchir à ses propres défis et aux dynamiques socioculturelles et économiques qui les sous-tendent.
Une Afrique qui n’attend plus les solutions conçues ailleurs, mais qui œuvre à construire les siennes à travers les échanges, le dialogue et l’innovation.
Ce forum, par l’envergure de son succès, illustre admirablement toute la clairvoyance et le leadership de mon ami et frère son Excellence le Président Macky Sall.
Excellences;
Mesdames et Messieurs ;
Le contraste le plus saisissant sur notre continent réside dans l’énorme décalage entre, d’une part, son extraordinaire potentiel en matière de ressources naturelles, de position géostratégique et de ressources humaines jeunes et dynamiques, qui aurait dû en faire un espace de paix, de stabilité, et de développement, et, d’autre part, sa réalité objective, souvent faite de pauvreté, de sous-développement, d’insécurité et d’instabilité sociale et institutionnelle.
Surmonter ce contraste et transformer les ressources potentielles en outils de solutions concrètes et efficaces, afin de triompher des défis et crises aigues et multiformes que traverse notre continent, constitue la clé de voûte du développement de l’Afrique.
Parmi les plus dévastatrices de ces crises aiguës, il y a l’insécurité et les changements anti constitutionnels.
En effet, l’Afrique est devenue, depuis plus d’une décennie, le théâtre de diverses formes de violences terroristes, sociopolitiques et interethniques qui se propagent, jour après jour, à des nouveaux territoires, déstabilisant les états et mettant hors de leur contrôle des régions entières qu’elles transforment, à l’image de la bande sahélienne, en zones d’incubation de l’extrémisme violent et de trafics en tous genres.
Ces violences atypiques prennent souvent naissance à la confluence de la pauvreté, de la mal gouvernance, de l’absence de perspectives, des tensions sociales, et des ruptures violentes des légitimités constitutionnelles.
Autant de déterminants qui, s’alimentant les uns les autres, tendent à enfermer notre continent dans le dramatique cercle vicieux du sous-développement de l’insécurité et de l’instabilité institutionnelle.
Par leur nature transfrontalière, leur étroite liaison à des acteurs non étatiques, ainsi que par la complexité de leurs facteurs socioéconomiques, les violences terroristes mettent à mal nos stratégies sécuritaires classiques, souvent centrées sur la défense de l’intégrité territoriale face à l’éventuelle agression d’un état tiers, et qui, aujourd’hui ne répondent, que très partiellement aux multiformes défis sécuritaires asymétriques.
Pour faire face à cette insécurité qui sévit en Afrique et à son corolaire immédiat, l’instabilité institutionnelle nous devons travailler à libérer notre énorme potentiel en matière de ressources et de construction de solutions innovantes par l’amélioration de la gouvernance politique sociale et économique au sein de nos états en vue construire un développement durable assurant une prospérité partagée.
En effet, Il est désormais indubitablement établi que toute lutte contre l’insécurité prétendant à l’efficacité durable doit appréhender les questions sécuritaires dans leur solidarité quasi organique avec les dimensions économiques et sociopolitiques qui structurent leur environnement global.
Fort de ce principe, la République Islamique de Mauritanie a veillé à renforcer ses forces de défense et de sécurité et à les réadapter aux spécificités des violences atypiques contemporaines.
Mais, dans le même temps, elle a polarisé son action sur la lutte contre la pauvreté et la précarité, le renforcement des institutions démocratiques, la promotion des libertés fondamentales et de l’État de droit, dans un cadre général de réforme, en profondeur, de son système économique, pour jeter les bases d’un développement durable.
Mais elle a, aussi, parallèlement travaillé à améliorer sa gouvernance sociopolitique. Elle a ainsi apaisé la vie politique, promu l’ouverture, le dialogue et la concertation au rang de mode essentiel de gouvernance sociopolitique, tout en travaillant à la déradicalisation de ses jeunes et à la promotion d’une culture d’ouverture et de tolérance.
Jusqu’ici, les résultats en matière de sécurité, de stabilité et de cohésion sociale sont plutôt probants.
Mais conscients, qu’eu égard au caractère transfrontalier du terrorisme et de l’extrémisme, nul ne peut se sentir durablement en sécurité que pour autant que ses voisins le sont, nous avons mis en place, avec nos voisins les plus directement menacés (le Mali, le Burkina, le Niger et le Tchad,) l’organisation du G5 Sahel qui a mobilisé autour d’elle de nombreuses initiatives internationales de soutien, et a aussi amélioré, sensiblement, notre capacité collective à prévenir et à réagir efficacement face aux attaques terroristes.
Certes, le G5 traverse, aujourd’hui, une phase plutôt critique, due au retrait de la République Sœur du Mali et à la forte recrudescence de rupture de la légitimité constitutionnelle dans son espace.
Mais il s’en remettra – j’en suis sûr -, et le combat collectif contre le terrorisme et l’insécurité se poursuivra sans relâche, il y va de l’intérêt de la sous-région et du continent dans son ensemble.
Ce combat contre l’insécurité est aussi celui de l’Union Africaine qui, à travers son architecture de paix et de sécurité lutte contre l’insécurité et les changements anticonstitutionnels, par le biais du Conseil de paix et de sécurité et ses multiples mécanismes de soutien comme, entre autres, le Système continental d’alerte rapide (SCAR) et la Force Africaine en Attente (FAA).
Mais c’est aussi celui des initiatives de coordination des efforts pour la lutte contre l’insécurité développées dans le cadre des communautés économiques régionales comme la CDEAO.
Mais pour être réellement efficace ce combat contre l’insécurité et l’instabilité doit s’accompagner d’énormes efforts d’amélioration de la gouvernance politique, sociale et économique.
L’Agenda 2063 de l’Union Africaine, en posant comme premier objectif la construction d’un développement durable, laisse entendre que c’est seulement dans le cadre d’un développement inclusif garantissant une prospérité partagée que peut être raisonnablement envisageable l’objectif de « faire taire les armes » durablement, voire définitivement, en Afrique.
Ce développement inclusif, avec ce qu’il présuppose comme amélioration significative de la gouvernance économique et sociopolitique est aussi l’une des conditions principales pour espérer mettre fin définitivement à l’instabilité institutionnelle.
Certes, l’Union Africaine à travers ses instruments juridiques existants, ainsi que ses multiples déclarations et décisions comme celles d’Alger en 1999, de Lomé en 2000 et d’Accra en 2022, a fait de la lutte contre le changement anticonstitutionnel son cheval de bataille ; et je salue ici ses importants efforts dans ce sens, tout comme je salue ceux des communautés économiques régionales notamment la CEDEAO.
Cependant, en dépit de ce vertueux engagement collectif, nous assistons aujourd’hui à une recrudescence aussi inquiétante qu’inadmissible des changements anticonstitutionnels.
Il y a donc urgence, à redoubler d’efforts en vue de construire des états, réellement, de droit, de bâtir des véritables démocraties capables d’assurer, dans la paix, la stabilité et la transparence, l’alternance au pouvoir.
Pour cela, il va falloir œuvrer en vue de permettre à tous, l’accès, dans l’équité, aux conditions d’une vie descente.
Mais aussi, et surtout, il va falloir travailler à apaiser la vie politique, à dépasser, par le dialogue et le consensus, les dissensions sociales et les animosités inter-ethniques.
Dans ce cadre il me plait, ici, de souligner l’importance du capital social et du savoir local des sociétés africaines dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits.
Le potentiel de solutions qu’offre ce capital social doit être mis à contribution. Il faut valoriser et optimiser le rôle des communautés, des leaders sociaux, de la société civile, et des organisations communautaires de base.
Il me semble qu’explorer les creusets culturels et les modes séculaires de médiation sociale, constitue une piste digne d’intérêt.
Globalement donc, l’insécurité et l’instabilité institutionnelle constituent des défis majeurs qui hypothèquent le devenir de notre continent. Mais, l’immensité et la diversité de nos ressources et notre potentiel de construction de solutions innovantes, confortent mon espoir en notre capacité collective, à surmonter ces défis et à construire un développement inclusif et durable assurant, dans la sécurité, la démocratie et la paix, une réelle prospérité partagée.
Espérant que les conclusions et propositions issues de cette neuvième édition, du forum international de Dakar pour la paix et la sécurité, y contribueront pleinement, je souhaite à vos travaux plein succès et réussite.
Je vous remercie.
Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani