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Discours décapant de Daaoud Ould Ahmed Aïcha : une critique lucide de la gouvernance parlementaire

Lors du débat sur la loi de finances rectificative, le député Daaoud Ould Ahmed Aïcha dénonce, avec humour et lucidité, les dérives d’une gouvernance parlementaire vidée de son sens : débats bâclés, dettes impayées, passivité face aux opérateurs télécoms… Un discours qui dérange, mais éclaire.

Lors de la séance de discussion sur le projet de loi de finances rectificative, le député de la majorité Daaoud ould Ahmed Aïcha, a prit la parole non pour réciter, mais pour déranger — avec une forme d’élégance désinvolte que seuls les esprits lucides peuvent se permettre.
D’entrée, il désamorce le jeu convenu de l’examen budgétaire : « Je ne rentrerai pas dans les détails…» Puis, dans un mouvement à la fois comique et vertigineux, il convoque trois des plus grandes figures de la pensée économique mondiale : Adam Smith, Milton Friedman, John Maynard Keynes. Et il les déclare tous trois inopérants face au document qu’on lui a remis. Non pas pour contester leur génie, mais pour souligner l’absurdité d’un exercice où l’on exige, en quelques minutes, l’analyse d’un document de 722 pages remis la veille. Même le sommeil, dans ce scénario, devient un luxe inabordable.
Mais derrière la saillie se glisse une critique institutionnelle profonde : l’hypocrisie d’un Parlement invité à délibérer sans lecture, à valider sans compréhension, à siéger sans préparation. Ce n’est pas une pique contre l’intelligence des élus — c’est une plainte contre le rythme de la République administrative, qui transforme l’analyse en rituel vide.
Puis le député propose un chapitre inédit pour la prochaine loi de finances : une ligne budgétaire consacrée… au temps de parole. L’idée, en apparence absurde, touche pourtant au cœur du problème : la rareté du temps délibératif dans un système qui feint le débat, mais organise le silence par l’usure du procédé.
Il enchaîne alors sur un autre syndrome récurrent de la gouvernance publique : l’impayé structurel. Ces dettes que les fournisseurs traînent comme des stigmates, et qui changent de statut à chaque changement de directeur. « Allez voir mon prédécesseur », leur dit-on — comme si l’État était un hôtel où les clients changent, mais où la facture reste flottante. Daaoud rappelle alors une vérité aussi simple qu’essentielle : l’État n’est pas une personne, c’est une continuité. L’obligation morale ne s’éteint pas avec les affectations.
Ensuite, il aborde un terrain inattendu mais ô combien révélateur : la question des télécommunications. Il évoque avec une ironie retenue la toute-puissance des opérateurs étrangers qui, malgré des profits vertigineux, n’offrent aucune couverture crédible au-delà du pont de Madrid, à Nouakchott. Là encore, il ne s’agit pas seulement de signal mobile. Il s’agit d’un symptôme : celui d’un État passif face aux puissances économiques, qui préfère des pénalités symboliques à des exigences réelles. Les opérateurs, dit-il, préfèrent payer des miettes que d’investir dans la modernisation du réseau. Il appelle donc à inverser la logique : imposer des amendes substantielles pour que, si le citoyen perd son signal, au moins son argent ne parte pas en fumée mais revienne à l’État.
Au fond, ce que Daaoud ould Ahmed Aïcha nous dit, entre les lignes et les sourires, c’est que la gouvernance est parfois devenue une scénographie : on distribue les documents, on lit les titres, on vote les crédits. Mais la réalité, elle, se tient ailleurs — dans les factures impayées, dans les zones blanches du territoire, dans les silences trop bien organisés.
Il n’a ni crié, ni accusé. Il a simplement raconté ce que tout le monde sait, avec une forme d’humour qui ne fait pas rire pour fuir, mais pour réveiller. Et cela, dans un hémicycle souvent assourdi par la répétition, valait peut-être plus qu’un vote.

Mohamed Ould Echriv Echriv

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