Mauritanie : l’opposition réclame un dialogue sincère et garant des droits fondamentaux
Biram Dah Abeid, figure de l’opposition exige un dialogue crédible, sous garantie présidentielle, axé sur la justice, l’inclusion et les droits humains en Mauritanie.
Mauritanie : l’opposition en quête d’un dialogue « sincère, crédible et garant des droits fondamentaux »
Alors que la Mauritanie prépare un nouveau dialogue politique, l’opposition, emmenée par Biram Dah Abeid, conditionne sa participation à des garanties fortes sur la justice, les droits civiques et l’inclusivité du processus.
Par Ahmed Ould Bettar
Alors que la Mauritanie s’apprête à ouvrir, dans les prochaines semaines, un nouveau cycle de dialogue politique national, les attentes exprimées par l’opposition rappellent les écueils passés et les exigences pour une véritable refondation démocratique. Le coordinateur du dialogue, Moussa Fall, a annoncé que les travaux porteront sur des questions majeures : la lutte contre la corruption, la réforme du système judiciaire et celle de l’éducation nationale. Mais pour certains acteurs clés de l’opposition, ces promesses sonnent déjà creux.
Parmi les figures les plus en vue de l’opposition radicale, le député Biram Dah Abeid, président de l’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA) et chef de file d’une coalition anti-système, se dit favorable au principe du dialogue… mais refuse d’y participer dans les conditions actuelles.
Le scepticisme d’une opposition échaudée
Joint par le correspondant de RFI Fulfulde, Oumar Elhadj Thiam, Biram Dah Abeid n’a pas mâché ses mots. « Je suis un homme de dialogue, de paix, de discussion, de négociation. Mais je parle d’un vrai dialogue, sincère, avec quelqu’un de fiable », insiste-t-il. Une déclaration qui résume bien l’impasse actuelle entre la volonté affichée du pouvoir et le scepticisme profond d’une partie de la classe politique.
Selon Biram Dah Abeid, les précédents dialogues, souvent organisés dans un esprit d’ouverture proclamée, se sont soldés par un échec. Aucun engagement concret, aucune transformation structurelle, aucune avancée significative n’aurait été constatée. À ses yeux, l’expérience passée justifie pleinement sa méfiance.
Des revendications claires et structurantes
Le député pose plusieurs conditions préalables à toute participation. La première : que le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani s’engage personnellement à garantir non seulement la sincérité du processus, mais aussi l’application effective des conclusions du dialogue. Une garantie de bonne foi jugée essentielle dans un contexte où, selon lui, les institutions manquent encore d’indépendance et de crédibilité.
Ensuite, Biram évoque des « priorités absolues » qui devraient structurer le dialogue : l’éradication des formes modernes d’esclavage encore présentes en Mauritanie, la reconnaissance des droits civiques de toutes les communautés ethniques du pays, et la fin des interdictions arbitraires visant certains partis politiques.
Il réclame également une enquête indépendante sur les événements tragiques de Kaédi, où plusieurs manifestants ont été tués dans le contexte post-électoral de 2024. Ces drames, selon lui, ne peuvent être passés sous silence si l’on prétend bâtir une société juste et réconciliée.
La majorité, confiante dans les bienfaits du dialogue
De son côté, la majorité présidentielle salue l’initiative du dialogue, la présentant comme un pilier de la gouvernance du président Ghazouani. Selon ses partisans, ce processus s’inscrit dans une vision d’ouverture et de réforme, censée apporter des réponses concrètes aux aspirations du peuple mauritanien.
Mais cette posture institutionnelle, qui mise sur les bénéfices escomptés du dialogue, reste pour l’instant en décalage avec les appels pressants de l’opposition à un changement de méthode et de ton.
Un tournant à ne pas manquer
La Mauritanie traverse une phase charnière. À l’aube de nouvelles échéances politiques prévues mai 2028, le pays est confronté à un dilemme : renouveler les promesses sans lendemain, ou s’engager dans une refondation réelle, inclusive, équitable. Pour cela, il faudra non seulement un dialogue, mais aussi des gestes forts. Des mesures juridiques, politiques et symboliques capables de restaurer la confiance et de garantir que la parole politique soit enfin suivie d’effet.
À défaut, le risque est grand de voir se perpétuer la spirale du désenchantement. L’enjeu n’est plus simplement d’écouter ou de rassembler, mais d’agir – avec sincérité, courage et responsabilité.
Avec RFI
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