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Dialogue national : La plateforme qui repositionne enfin la discussion sur l’essentiel

La scène politique vient de produire un document qui mérite plus qu’un commentaire rapide.

Une plateforme de l’opposition repositionne le dialogue national en Mauritanie, en recentrant le débat sur l’unité, la justice et les réformes essentielles.

La plateforme élaborée par l’opposition démocratique ouvre une fenêtre rare dans notre vie publique. Elle arrive dans un moment où les mentalités évoluent, où la demande d’unité nationale cesse d’être une abstraction, où la société appelle à plus de justice et de cohérence.
Le texte ne demande pas d’adhésion immédiate. Il exige plutôt une lecture sérieuse, car il pose des enjeux que le pays ne peut plus se permettre d’éluder.
Nous vivons depuis trop longtemps avec des plaies restées ouvertes. Les crises politiques et identitaires ont été renvoyées d’une génération à l’autre, sans cadre national, sans processus structuré de reconnaissance, sans traitement honnête des injustices. La plateforme a le mérite de replacer ces réalités au centre du débat.
Elle ne règle rien, elle ne congédie aucun conflit, mais elle rassemble enfin ce que l’État a longtemps dispersé. Elle nomme les fractures de manière ordonnée et met chacun devant la responsabilité de regarder notre trajectoire avec lucidité.
Depuis 1966, les crises s’enchaînent et se prolongent sous différentes formes. L’inégalité d’accès aux langues, la répression des années 80 et 90, les déportations, les spoliations foncières, les discriminations persistantes envers les Haratines, la marginalisation de communautés entières dans la représentation publique. Le pays a longtemps préféré contourner ces sujets. Mais un pays qui contourne finit toujours par se perdre.
La plateforme replace l’unité nationale au rang d’architecture, non d’ornement, et cela constitue une rupture dans la manière dont ces questions sont habituellement traitées.
Elle avance des propositions qui touchent au cœur du politique. Sur les séquelles de l’esclavage, elle appelle à des politiques concrètes, à une application sérieuse des lois, à une autonomisation socio-économique réelle.
Sur le passif humanitaire, elle souligne la nécessité d’un mécanisme indépendant capable de rendre justice, d’éclairer les faits et de restaurer une confiance nationale durable.
Elle remet sur la table la question de la dignité des familles touchées et la nécessité d’un acte public de réparation. Elle aborde aussi la question linguistique avec une cohérence qu’on ne voit que rarement. Les langues nationales redeviennent des vecteurs d’équité et non des prétextes de division. Ce point est crucial, car l’unité ne se décrète jamais en ignorant la pluralité.
Le texte suggère également que l’État souffre d’une concentration excessive du pouvoir, au détriment du principe même de République.
Administration verrouillée, absence de pluralité réelle, justice fragilisée, institutions électorales contestées, dérives patrimoniales, manque de transparence dans la gestion publique.
La plateforme ne se contente pas de dénoncer. Elle propose une refonte des mécanismes de gouvernance et de contrôle, une diversification des élites administratives, un rééquilibrage des pouvoirs, une transparence patrimoniale obligatoire, un retrait clair de toute influence militaire sur la vie politique. Ces sujets ne sont pas nouveaux. Mais ils apparaissent cette fois dans un document qui ose les lier et les systématiser.
Le texte met aussi en lumière des catégories souvent invisibilisées. La diaspora, dont les contributions financières dépassent parfois certains budgets sectoriels, n’a aucun espace institutionnel. La plateforme lui reconnaît un rôle structurant, propose des formes de représentation, des facilités administratives, des mécanismes de protection. Elle ouvre également un chapitre sur la jeunesse, qui survit entre chômage massif, précarité et absence de perspectives. Le document n’apporte pas de solution miraculeuse, mais il fixe des axes.
C’est déjà beaucoup pour une génération qui ne reçoit souvent que des discours creux.
Le document n’est pas exempt de limites. Certaines priorités restent floues, les sujets numériques et technologiques sont peu développés, le rôle des femmes n’est pas suffisamment intégré, les mécanismes de suivi manquent de précision. Mais une plateforme trop parfaite serait suspecte. Celle-ci laisse une place à la société. Elle crée une méthode. Elle propose un cadre. Elle ouvre des espaces où la contradiction devient possible sans transformer le débat national en affrontement stérile.
La question fondamentale est désormais ce que nous allons en faire. Refuser le texte parce qu’il est imparfait reviendrait à reconduire le cycle qui a bloqué trois générations. L’attendre comme une solution totale serait tout aussi trompeur. La plateforme n’est ni une promesse ni une menace. C’est un outil. Elle n’aura de force que si la société civile, les acteurs publics et les citoyens l’utilisent comme point d’appui.
Le dialogue national ne sera utile que s’il transforme un texte politique en dynamique de réforme. Sinon, il restera un exercice de forme de plus.  Le pays n’a plus la possibilité d’avancer autrement. Nous avons trop repoussé, trop contourné, trop dispersé nos propres urgences. Soit nous faisons du dialogue national un acte fondateur qui redistribue les responsabilités, qui clarifie les droits, qui fixe enfin des garanties pour tous, soit nous laissons nos divisions s’installer dans une inertie qui finira par peser sur l’unité même de la nation.
Ce texte n’est pas une fin, il est une passerelle. Si la société s’en saisit, il peut devenir un instrument de cohésion. Si elle s’en détourne, il rejoindra la longue liste des occasions manquées qui ont affaibli notre capacité à bâtir un avenir commun. Tout se joue maintenant, dans la clarté et dans le courage de choisir la stabilité par la vérité.
Mansour LY- le 8/11/2025

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