« Des partenariats nouvelle génération doivent être envisagés entre nos pays ».

« Des partenariats nouvelle génération doivent être envisagés entre nos pays ».

PERSPECTIVES ÉCO. Faire rimer risque, chaînes de valeur et coopération Sud-Sud ? L’analyse du Sénégalais Abdou Fall sur la base d’une initiative de souveraineté sanitaire au Maroc.
Par Malick Diawara
Pour Abdou Fall, ancien ministre senegalais de la Sante et president de l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix), << la creation de chaines de valeur est une condition sine qua non pour accompagner les pays du Sud sur le chemin de l’emancipation et de l’emergence >>.
Pour Abdou Fall, ancien ministre sénégalais de la Santé et président de l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix), « la création de chaînes de valeur est une condition sine qua non pour accompagner les pays du Sud sur le chemin de l’émancipation et de l’émergence ». © DR
Publié dans Point.fr le 26/12/2022 à 10h08

Alors que l’urgence est là, l’Afrique doit prendre le taureau par les cornes pour influer sur la perception de son risque, pour impulser et mettre en œuvre les chaînes de valeur qui lui permettront une révolution industrielle adossée au numérique, pour s’inscrire dans une orbite d’innovations construites entre les structures de pays du continent. Dans la logique de la coopération Sud-Sud largement promue par le Maroc qui veut faire des provinces du Sud non seulement un hub économique vers les pays d’Afrique subsaharienne mais aussi le chaînon important d’un couloir économique Afrique-Maghreb-Europe, Abdou Fall, ancien ministre sénégalais de la Santé et président de l’Apix, l’agence de promotion des investissements et des grands travaux, a été invité à intervenir sur le thème « L’innovation industrielle au service de la coopération Sud-Sud » lors de l’inauguration de la succursale des laboratoires Laprophan à Laâyoune. Une occasion, au-delà du regard posé sur les perspectives sanitaires et pharmaceutiques du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, d’en savoir plus sur les dimensions industrielle et économique du risque encouru, mais aussi sur la manière dont la chaîne de valeur pourrait être organisée pour être vertueuse pour le Sud. Entretien.

Le Point Afrique : Comment appréhendez-vous aujourd’hui, au sortir de la crise du Covid-19, la notion de risque sanitaire dans toutes ses dimensions y compris économique et industrielle ?

Abdou Fall :Les crises multiples et multiformes provoquées par l’apparition du Covid-19 ont replacé les enjeux de santé au centre des préoccupations mondiales. Les chocs sans précédent auxquels aucune nation n’a échappé nous rappellent notre communauté de destin et placent les États ainsi que les citoyens devant leurs responsabilités collectives et individuelles quant à la nécessité de prendre conscience des exigences sanitaires de notre époque. Les impacts des risques autour de la santé ont été redoutables sur l’économie, sur la société et sur la sécurité en général.

Il nous faut absolument avoir à l’esprit les risques de famine et de violences que les mesures de confinement étaient en train de provoquer dans certains pays à économies moins structurées. Il faut rappeler par ailleurs que cette crise du Covid-19, malgré ses lourdes conséquences en termes de pertes en vies humaines, d’impact négatif sur les économies et les diverses sociétés, n’a pas pour autant donné lieu à la réponse collective de solidarité mondiale que beaucoup ont pensé être en droit d’attendre. Les égoïsmes nationaux ont semblé largement prévaloir sur des solutions illustrant la volonté d’une solidarité affichée et assumée. En un mot comme en cent, cette séquence a mis en exergue les limites actuelles du multilatéralisme. Les atermoiements autour des vaccins et des ordres de priorité sont encore dans les esprits. L’Afrique doit en tirer les leçons.

Dans la logique de la création de chaînes de valeur dans les pays du Sud, comment encourager et rendre concrète l’innovation industrielle ?

La création de chaînes de valeur est une condition sine qua non pour accompagner les pays du Sud sur le chemin de l’émancipation et de l’émergence. Aucune économie ne peut se développer sans un minimum d’énergie et d’industrialisation. Pour sortir du sous-développement et de la pauvreté, ils ne pourront pas faire l’impasse sur une nécessaire transformation structurelle qui les fera passer de la situation actuelle de rentiers des matières premières agricoles et minières à celle d’acteurs industriels s’inscrivant dans les chaînes de valeur mondiales. Avec les moyens et les outils de la révolution actuelle qui combine l’industrie et le numérique, le champ des possibles augmente sensiblement et peut permettre de raisonnablement penser que l’Afrique sera bel et bien partie prenante de ce que j’appellerai « l’usine du futur ». Plus précisément, c’est par l’économie du savoir que le Sud, en général, et l’Afrique, en particulier, pourront jouer leur partition au cœur de l’innovation industrielle qui va déterminer le destin des économies de demain.

En installant une succursale à Laâyoune, les laboratoires Laprophan positionnent une unité industrielle dans une zone assez proche géographiquement de l’Afrique subsaharienne. Quel regard posez-vous sur cette initiative et sur sa portée ?

Laprophan est une entreprise pionnière qui s’est taillé un profil de leader dans l’industrie du médicament au Maroc et en Afrique. Au regard du potentiel du marché du médicament dans nos pays, il est heureux que l’industrie pharmaceutique africaine ait des ambitions de croissance sur le continent.

L’ouverture à Laâyoune d’une succursale du géant marocain de la santé Laprophan est un signal fort d’une volonté de renforcer la souveraineté sanitaire mais aussi de mettre en œuvre une coopération Sud-Sud avec les pays subsahariens. © DR

L’option devra toutefois être envisagée d’augmenter le niveau des investissements de structures africaines sur des projets industriels situés sur le continent. Le cas des importants capitaux marocains dans les économies subsahariennes est un excellent début et un exemple à suivre. L’expérience de Laâyoune peut bien se prolonger et se poursuivre dans notre sous-région. C’est une perspective à encourager.

À quoi vous attendez-vous en 2023 en matière sanitaire et pharmaceutique dans les pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne ?

Si on se projette sur les prévisions sanitaires du nouveau siècle, les pathologies virales et les maladies chroniques liées aux différents modes de vie seront au cœur des défis sanitaires qui nous attendent. Or, c’est dans les régions tempérées du continent africain, à savoir le Maghreb et l’Afrique australe, que sont concentrées, pour l’essentiel, les unités industrielles les plus significatives de la production de médicaments du continent. Des partenariats nouvelle génération doivent être envisagés entre nos pays, dans le cadre des opportunités qu’offre l’émergence de la Zone de libre-échange africaine (Zlecaf), pour promouvoir une industrie pharmaceutique africaine capable de satisfaire les immenses besoins des populations. Un laboratoire à l’expérience et au savoir-faire éprouvés comme Laprophan peut y jouer un grand rôle. Le Sénégal est en tout cas ouvert à ce type de partenariat Sud-Sud qui me paraît être celui de l’avenir.
Source: Point.fr

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