Démocratie en équilibre : Défis et Tensions au sein du Parlement Mauritanien
Démocratie en équilibre : Défis et tensions au sein du Parlement Mauritanien
Les déclarations de l’honorable députée Kadiata Malick Diallo, soulignent les tensions croissantes au sein du parlement mauritanien. En dénonçant des restrictions au travail parlementaire ainsi qu’une dérive autoritaire, la députée a suscité une réponse institutionnelle détaillée qui, bien que technique, révèle des enjeux plus profonds concernant la légitimité et la confiance dans les institutions.
En effet, l’Assemblée nationale a publié un communiqué rigoureux dans lequel elle réfute point par point les accusations formulées par l’honorable députée Diallo. Elle rappelle le rôle fondamental des instruments de contrôle parlementaire – tels que les questions écrites et orales, ainsi que les interpellations – en insistant sur le respect scrupuleux des procédures. Par conséquent, le retrait de l’interpellation par la députée, suivi de sa transformation en question orale, est présenté comme une preuve de conformité aux règles établies.
Cependant, cette réponse, bien que techniquement argumentée, soulève des interrogations sur le plan politique. En insistant sur l’absence d’urgence justifiant l’interpellation, l’Assemblée semble chercher à délégitimer non seulement l’acte en lui-même, mais également le message qu’il véhiculait, qui concernait l’expulsion d’étrangers en situation irrégulière. Dans une démocratie, minimiser un débat sur un sujet aussi sensible questionne la santé des échanges institutionnels.
Au-delà des questions de procédure, c’est la dynamique entre majorité et opposition qui mérite une attention particulière. Le communiqué de l’Assemblée, bien qu’il soulève des points légitimes, adopte un ton unilatéral et omet de mentionner toute tentative de dialogue avec l’opposition avant sa diffusion. Ce choix risque de renforcer une verticalité peu en phase avec le principe de collégialité parlementaire.
Pour les députés de l’opposition, cette attitude reflète une tendance préoccupante : un verrouillage progressif des espaces d’expression et de contrôle. Ils dénoncent un fonctionnement biaisé des mécanismes de contrôle, une opacité croissante des décisions et une révision du règlement intérieur jugée restrictive. De plus, ils font face à des difficultés persistantes pour faire entendre leurs préoccupations dans un hémicycle dominé par la majorité.
Ce différend s’inscrit dans un cadre plus large, celui de la gestion de la migration, un sujet qui mêle enjeux humanitaires, sécuritaires et diplomatiques. L’Assemblée défend une position ferme, invoquant la souveraineté de l’État et le respect des lois en vigueur. Elle invite même les citoyens à consulter les déclarations de pays voisins comme le Sénégal ou le Mali pour trouver une validation indirecte de sa politique.
Cependant, cette argumentation, bien que défendable, semble omettre le rôle crucial des parlementaires en tant que porte-voix des préoccupations populaires. Qualifier la prise de parole d’une élue, sur un sujet touchant à la dignité humaine, de « surprenante » ou d’« embarrassante » pour l’image du pays est un signal préoccupant. Cela risque d’alimenter le sentiment que certaines voix, pourtant nécessaires, sont étouffées.
L’Assemblée nationale rappelle à juste titre ses avancées démocratiques : la première chaîne parlementaire d’Afrique, la diffusion en direct des délibérations et la diversité des groupes représentés. Ces progrès, bien réels, méritent d’être soulignés. Toutefois, ils ne doivent pas occulter les tensions structurelles qui compromettent l’équilibre entre les différents acteurs du paysage politique mauritanien.
Ainsi, il est impératif de favoriser un dialogue constructif et inclusif pour renforcer la confiance des citoyens envers leurs institutions et garantir un fonctionnement démocratique sain et équilibré.
Ahmed OULD BETTAR