De la nomadisation des noms propres Etat civil et « démocratie » en Mauritanie

De la nomadisation des noms propres Etat civil et « démocratie » en Mauritanie.

Abdel Wedoud OULD CHEIKH
Université de Nouakchott

Paru : « De la nomadisation des noms propres. Etat civil et « démocratie » en Mauritanie, in A.
Bourgeot (éd.), Horizons nomades en Afrique sahélienne. Sociétés, développement et
démocratie, Paris, Karthala, 1999, pp. 99-113

« Sans nom propre pas de salut »
Samuel Becket, L’innommable.
La nature du mode de vie nomade, c’est une évidence admise, le rend peu compatible
avec la soumission aux règles administratives qui sont supposées régir la conduite des
membres d’une collectivité étatique. La mobilité qui nourrit cette présomption peut du
reste ne pas se limiter aux troupeaux et aux hommes, contaminant par exemple
l’ossature du système d’identification des personnes, le mode d’affectation des noms
propres. C’est surtout de cette « mobilité de l’état civil » qu’il sera ici question. Je
voudrais m’interroger sur ses rapports avec le processus démocratique que les autorités
mauritaniennes, « administrant » une population qui était il y a à peine plus de vingt ans à
large majorité nomade, affirment avoir enclenché depuis 1991 pour ne pas être en reste
d’une planète subitement prise d’une fièvre universelle de « respect des droits de
l’homme » . L’association ordinairement établie entre « démocratie » et processus
électoral, entre égalité devant les urnes (« one man one vote ») et équivalence citoyenne
ne suppose-t-elle pas avant tout l’existence d’un état civil fiable, d’un système
unanimement reconnu de repérage des individus et des indicateurs relatifs à leurs
prérogatives civiles (exister, être vivant, être majeur, n’être pas frappé d’une peine
d’exclusion des droits civils, etc.) ? Me préoccupant essentiellement de la société maure
dont relevait l’immense majorité des nomades de Mauritanie1, je ferai d’abord quelques
observations sur la forme spécifique d’absence d’état civil qui la caractérisait avant
d’évoquer les évolutions liées à la colonisation et aux compétitions politiques plus
récentes.

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