Accueil |Actualités Politiques en Mauritanie | Rapide InfoThématiques sociales

La Mauritanie vit-elle une crise de citoyenneté ? Analyse et perspectives

La Mauritanie traverse une crise de citoyenneté entre exclusions, réformes et initiatives civiques. Analyse des défis et des réponses du gouvernement.

La Mauritanie vit-elle une crise de citoyenneté ?

Il y a des questions qui traversent l’Histoire d’un pays et en révèlent les cicatrices profondes. Celle de la citoyenneté en Mauritanie en fait partie. Depuis les déportations des années 1980 et les exclusions silencieuses qui ont suivi, le débat reste vif : être citoyen mauritanien, est-ce simplement posséder une carte d’identité nationale ou bien participer pleinement à la vie de la cité, avec les droits, les devoirs et la reconnaissance que cela implique ?

Les ombres du passé, encore présentes

Le dossier de l’état civil demeure au cœur de cette interrogation. Des milliers de Mauritaniens, en particulier parmi les Haratines et les communautés noires, continuent de rencontrer des obstacles pour obtenir leurs papiers officiels. Les conséquences sont lourdes : exclusion des concours publics, entraves dans l’accès aux services sociaux, perte d’opportunités économiques. Certes, le programme de rapatriement lancé entre 2007 et 2012 a permis à plus de 24 000 personnes de retrouver leur nationalité, mais l’ombre du soupçon et de la bureaucratie plane encore sur le quotidien de nombreux citoyens.

Le malaise d’une jeunesse en quête de reconnaissance

Cette précarité documentaire nourrit un sentiment plus profond d’exclusion. Beaucoup de jeunes perçoivent leur citoyenneté comme un simple statut administratif, loin de l’idéal d’une appartenance partagée. Dans les quartiers périphériques des grandes villes comme dans les campagnes reculées, se développe l’impression d’être relégué à une citoyenneté de seconde zone. Le risque est réel : désaffection politique, abstention électorale, défiance envers les institutions.

Les réformes de l’actuel gouvernement

Pourtant, il serait injuste d’ignorer les efforts entrepris ces dernières années par le gouvernement actuel. Sous l’impulsion du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, des mesures ont été engagées pour rétablir la confiance entre l’État et les citoyens :

  • Réforme de l’état civil : simplification des procédures, extension des centres d’enrôlement et lancement de campagnes itinérantes dans les zones rurales et frontalières.
  • Inclusion sociale : à travers l’Agence Tadamoun, des programmes ciblés visent à réduire les inégalités héritées de l’histoire, notamment par la réinsertion des rapatriés et l’appui aux familles vulnérables.
  • Éducation et jeunesse : le gouvernement soutient des initiatives d’éducation civique, tout en renforçant la place des jeunes dans les instances de concertation.
  • Dialogue politique : l’organisation de forums avec les partis et la société civile ouvre un espace inédit de débat sur la citoyenneté, la gouvernance et les libertés publiques.

Ces actions, bien qu’encore fragiles et incomplètes, tracent un chemin vers une citoyenneté plus inclusive.

Une société civile en mouvement

Face à ces défis, la société civile ne reste pas en retrait. Des ONG locales, telles que Liberté et Citoyenneté ou CitizenLab Mauritanie, travaillent main dans la main avec des partenaires internationaux pour promouvoir l’éducation civique et la participation démocratique. L’initiative Graines de Citoyenneté, soutenue par l’UE et l’AFD, illustre cette dynamique : redonner confiance aux jeunes et les inciter à se réapproprier l’espace public.

La citoyenneté, une promesse à réinventer

Alors, la Mauritanie vit-elle une crise de citoyenneté ? Oui, sans doute, si l’on considère les fractures identitaires et sociales encore palpables, les discriminations héritées et le désengagement d’une partie de la jeunesse. Mais non, si l’on observe l’émergence de nouvelles dynamiques : des politiques publiques tournées vers l’inclusion, un État qui semble vouloir rétablir des ponts, une société civile plus active et inventive que jamais.

La vraie question n’est donc pas seulement de savoir si la crise existe, mais si le pays saura la transformer en une opportunité de refondation. La citoyenneté ne peut se réduire à un document plastifié. Elle doit être une promesse vivante, un pacte partagé entre l’État et ses citoyens. Et c’est à ce prix seulement que la Mauritanie pourra bâtir une cohésion nationale solide et durable.

Rapide info

Laisser un commentaire

Articles similaires