Covid-19 : l’Algérie réimpose le couvre-feu partiel

Covid-19 : l’Algérie réimpose le couvre-feu partiel

REPORTAGE. Face à l’hécatombe constatée du fait de la pandémie du Covid-19, les autorités ont décidé de mettre en œuvre de nouvelles restrictions dès ce dimanche.

Publié le 26/07/2021 à 16h07

« Depuis quelques semaines, nous recevons de 10 à 12 morts. Cette moyenne progresse de manière inquiétante. À deux, nous sommes épuisés. » Yacine Mellal qui travaille à la morgue de l’hôpital de Béni Messous sur les hauteurs d’Alger se confie au journal El Watan en une longue litanie funèbre, lui qui voit passer des dizaines de familles endeuillées par jour.

Un autre témoignage, tout aussi poignant est publié par le même journal, celui du professeur Rachid Belhadj, directeur des activités médicales à l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger, renseigne sur l’étendue de l’hécatombe, loin des chiffres officiels : « En une semaine, nous avons perdu 80 malades. Un chiffre jamais atteint depuis le début de la pandémie. »

L’hôpital Mustapha-Bacha, un des plus importants du pays, reçoit, selon ce praticien, 315 malades alors qu’il n’existe que 302 lits disponibles. Mais selon les autorités, le taux national d’occupation des lits n’excéderait pas les 56 %. « Les malades sont dans la majorité des cas membres de la même famille », explique encore le professeur Rachid Belhadj. « Nous nous attendons au pire, poursuit le même médecin. Les gens semblent encore dans le déni. Ils organisent des fêtes de mariage, se regroupent pour fêter l’Aïd [fête du sacrifice du mouton], organisent les cérémonies festives pour les lauréats du bac comme si le virus n’existait pas. »

Avancée inquiétante du variant Delta

Certaines mairies suspendent les contrats de mariage, comme durant l’été dernier, pour limiter les cérémonies qui créent ces fameux « clusters familiaux ». À Jijel, dans l’est du pays, un chanteur et l’organisateur d’une fête de mariage qui a réuni des dizaines d’invités ont été convoqués par les gendarmes samedi dernier. Ils pourraient être poursuivis pour mise en danger de la vie d’autrui et organisation d’un mariage en contradiction avec les directives de la wilaya (préfecture). « Ce n’est pas un cas isolé. Il y a pire : des salles de fêtes à travers le pays organisent depuis le début de cet été des mariages clandestinement », témoigne un voisin d’une de ces établissements à Oran (Ouest).

L’explosion des cas et la hausse du nombre de décès s’accompagnent par « une accélération de l’activité du variant Delta », selon l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA). « Au 15 juillet, le variant Delta a supplanté tous les autres variants circulants jusque-là, représentant 71 % des virus circulants », précise l’institut qui prévoit un taux supérieur à 90 % dans les prochaines semaines.

L’oxygène manque

Au niveau des hôpitaux, la situation vire au rouge depuis le début juillet. En plus de la saturation de certains établissements, le manque d’oxygène se fait de plus en plus ressentir et des ruptures de stock dans les hôpitaux ont été signalées dans plusieurs régions du pays. « C’est ce qu’a vécu le personnel du CHU de Sétif, dans la nuit de vendredi à samedi, où il a été rapporté que des malades seraient décédés à cause du manque d’oxygène », note le site TSA.

Sur les réseaux sociaux les appels de particuliers ou d’associations se multiplient pour réclamer bouteilles d’oxygène et concentrateurs, alors que la spéculation bat son plein, et des ONG locales s’activent pour mettre à disposition des familles ces appareillages nécessaires pour tenter de sauver des vies.

Les Algériens de l’étranger aussi se mobilisent. Le collectif Algerian Medical Network, regroupant des médecins algériens à l’étranger, a lancé une cagnotte sur le Web pour l’acquisition de matériel d’oxygénothérapie et de concentrateurs au profit des hôpitaux en Algérie. Les autorités ont également réquisitionné les entreprises exerçant dans la production et le transport de l’oxygène liquide pour répondre aux demandes de plus en plus urgentes des hôpitaux.

Les autorités réagissent « par à-coups »

Certains walis (préfets) ont instauré localement de nouvelles restrictions, comme à Tébessa, dans l’est du pays, où un couvre-feu, pour une période de deux semaines, a été instauré à partir de ce dimanche, de 17 heures à 4 heures. La wilaya a même menacé de recourir à un confinement total « face au laxisme des citoyens et le non-respect du protocole sanitaire » et rend obligatoire la vaccination pour « les employés et les travailleurs des départements, des institutions et des établissements publics ».

Dans des villages de Kabylie, dans la région centre du pays, des « comités de veille sanitaire » regroupant représentants de villageois et élus locaux ont été installés mi-juillet pour mieux sensibiliser sur l’importance des protocoles sanitaires et aider soignants et associatifs dans leur lutte contre la maladie. Par ailleurs, l’hôtel Sheraton-Club des pins, sur la côte ouest algéroise, a été fermé sur ordre des autorités pour non-respect des protocoles anti-propagation du virus.

Ces dispositions localisées ont été critiquées. « Face à cette situation inquiétante, voire anxiogène, le gouvernement, comme souvent en pareille circonstance, semble réagir par à-coups », écrit l’éditorialiste du quotidien Liberté. « Ce qui est prétendument présenté comme stratégie se résume aux appels à la vigilance, au rappel de la nécessité du respect des gestes barrières, à certaines annonces comme la réouverture des hôtels pour soulager les hôpitaux ou encore la prise de certaines décisions comme la reconduction et le “durcissement” du reconfinement partiel, mais dont on ignore l’efficacité et l’impact sur la circulation du virus. »

Couvre-feu dès 20 heures

Dimanche 25 juillet, le conseil des ministres réunissant le nouveau gouvernement a décidé d’une série de mesures pour tenter d’endiguer cette troisième vague meurtrière. Le couvre-feu qui s’étalait de 23 heures à 4 heures du matin a été élargi de 20 heures à 6 heures dans 35 wilayas (sur 58), dont Alger, Constantine (est), Oran (ouest), Adrar (sud), etc., à partir de ce lundi. Le transport urbain et ferroviaire est également suspendu les week-ends dans ces 35 wilayas, alors que les marchés de ventes des véhicules d’occasion, les salles omnisports et les salles de sport, les maisons de jeunes, les centres culturels, les plages, et tous les espaces récréatifs de loisirs et de détente sont fermés. Restaurants et fast-foods baissent leurs rideaux sauf pour les livraisons. « Tout type de rassemblement de personnes et de regroupement familial, notamment la célébration de mariages et de circoncisions et autres événements » sont interdits sur tout le territoire. Le communiqué du conseil des ministres a également annoncé l’arrivée, dimanche, « d’un premier lot de 1 050 concentrateurs d’oxygène à usage individuel, en attendant la réception graduelle de 9 000 autres unités dans deux semaines ».

La course à la vaccination

Les autres mesures concernent la campagne de vaccination, qui, même avec l’engouement d’une population inquiète par cette troisième vague, ne connaît pas l’ampleur attendue, notamment à cause de la bureaucratisation du secteur public. Les autorités ont donc décidé d’augmenter le taux de vaccination « dans les wilayas à forte densité démographique, étant les premiers foyers de contamination », avec « pour objectif immédiat la vaccination de 2,5 millions de personnes à Alger et 50 % des populations des wilayas d’Oran, Constantine, Sétif et Ouargla ».

L’Institut Pasteur d’Algérie a indiqué, samedi dernier, avoir réceptionné 2,4 millions de doses du vaccin chinois Sinovac. Un vaccin qui pourrait être produit en Algérie : une délégation chinoise avait inspecté, en début de semaine, les équipements et les matériels destinés à la production du vaccin de Sinovac dans une usine du groupe pharmaceutique public Saidal, à Constantine (est). « La première dose du vaccin ne peut protéger le patient qu’à hauteur de 30 %, tandis que les 70 % restants de la protection n’apparaissent que 15 jours après la deuxième dose de vaccin », a expliqué à Liberté le professeur Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne de médecine préventive. Le même spécialiste a ajouté que « si les patients avaient été vaccinés un peu plus tôt, le taux de mortalité n’aurait été que de 5 %, à savoir cinq décès pour toutes les 100 contaminations ».

Par notre correspondant à Alger, Adlène Meddi

Source : Point.fr

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page