Toutes nos communautés devraient être des cousines à plaisanterie.
Le cousinage à plaisanterie, héritage ouest-africain, peut renforcer l’unité nationale et prévenir les divisions identitaires en Mauritanie.
Cousinage à plaisanterie
Si, au Sénégal, la malheureuse chroniqueuse qui fait un mauvais buzz ces derniers jours pour des propos considérés comme anti- peul était d’ethnie sérère, personne, dans ce pays ou en Mauritanie, n’aurait osé trouvé à y redire. Si le Président Diomaye Faye avait tenu de tels propos visant l’ethnie de son prédécesseur Macky Sall, tout le monde en aurait rigolé. Même si leur adversité est totale au plan politique. Comme ce fut le cas entre le Président sérère Senghor et son puissant premier Minisitre pular Mamadou Dia.
Mais, pour son malheur, la chroniqueuse est Olof. Et ça change la nature même de son dénigrement identitaire. Dans le cas de cousins à plaisanterie, politiciens ou pas, adversaires ou non, ce droit à » l’invective » et au dénigrement des uns vis à vis des autres est considéré comme légitime, normal et même salutaire : c’est une marque d’affection et d’inclusivité. Le témoignage vivant d’une diversité assumée, d’une différenciation décomplexée et sans arrière-pensée, dans un esprit de critique sociale ouverte et positive. On ne se cache rien, on se dit tout le mal que l’on veut car on ne se veut que du bien. Voilà pourquoi, dans l’histoire, peu de cas peuvent illustrer des guerres interethniques dans notre vaste région car les liens de tels « cousinages » étaient multiples et croisés, et par ce maillage, pouvaient déboucher sur une interdiction générale de fait, des conflits identitaires. Il y avait des guerres de territoire, des guerre d’ingérence dynastique, des guerres de pouvoir ou de ressources etc. Jamais des guerres identitaires. Aucune, à ma ( faible) connaissance qui fût justifiée par une volonté délibérée de domination ou de destruction communautairé. Celles-ci sont récentes et coïncident pour l’essentiel avec le surgissement du phénomène colonial qui introduisit le » fait national » et la » Question nationale » ( ou ethnique) nés en même temps que le capitalisme en Europe ( Etat- national ou » Etat- Nation »).
Aujourd’hui, nous devrions nous attacher à reconstruire le cousinage à plaisanterie ( aussi bien entre ethnies, clans, castes, famille qu’individus) né chez nous à l’époque féodale probablement, comme ciment sociétal de très vastes empires, singulièrement celui du Mali. Aujourd’hui, en Mauritanie, nos quatre ethnies et leurs composantes fondamentales doivent être considérées comme liées par des liens de cousinage à plaisanterie. Leurs membres devraient se parler, s’interpeller, se critiquer sans autre condition que la bonne foi, le respect mutuel et l’égalité.
Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais cela pourrait se faire beaucoup plus vite que l’on imagine, pour peu que nous comprenions quelle force constructive est le lien patriotique pour une nation plurielle en construction et qui requiert l’unité, l’égalité et la fraternelle solidarité de ses composantes.
Gourmo Abdoul Lô, 3 octobre 2025