Cour des comptes : quand le contrôle vire au spectacle en Mauritanie
Le rapport 2022-2023 de la Cour des comptes suscite débat en Mauritanie. Si le contrôle public reste essentiel, la méthode employée interroge : transparence ou mise en scène ? Analyse de Rapide Info.
La Cour des comptes, dans son rapport 2022-2023, suscite la controverse. Si sa mission de contrôle demeure cruciale, certains observateurs dénoncent une approche plus médiatique qu’institutionnelle. Entre exigence de transparence et excès de zèle, Rapide Info décrypte les dérives d’un contrôle qui vire parfois au spectacle.
Par Rédaction Rapide info
Le rapport 2022-2023 de la Cour des comptes secoue l’administration mauritanienne. Nécessaire dans sa mission, Il regroupe les constats majeurs issus des missions de contrôle, les réactions des ministres concernés et une évaluation des politiques publiques conduites.Mais parfois excessive dans sa méthode, l’institution semble avoir privilégié le bruit médiatique à la rigueur du dialogue administratif.
Un pilier du contrôle public, pas une institution sacrée
En Mauritanie, la Cour des comptes est censée être la vigie des finances publiques, la gardienne de la transparence et de la bonne gouvernance. Sa mission est noble : auditer, corriger, alerter. Elle rappelle que chaque ouguiya dépensée doit être justifiée et que l’État n’est pas un coffre sans clé.
Mais il faut le dire sans détour : les observations de la Cour ne sont pas le Coran. Elles ne sont pas des vérités révélées. Ce sont des analyses, parfois justes, parfois discutables, toujours perfectibles.
Or, dans son rapport 2022-2023, la Cour semble avoir pris goût au rôle de procureur plus qu’à celui de juge des comptes.
L’hôpital de Rosso, un cas emblématique
Le ministère de la Santé, et plus particulièrement l’hôpital de Rosso, a été pointé du doigt pour une enveloppe de 40 millions d’ouguiyas, allouée en urgence afin d’assurer la couverture médicale, le fonctionnement des ambulances et l’approvisionnement en médicaments essentiels.
Sur le papier, l’écriture paraît incompatible. Toutefois le rapport cite sans nuance, laissant planer un doute injustifié sur des cadres compétents, qui ne sont ni signataires ni ordonnateurs des opérations incriminées. Mais dans les faits, les réponses apportées par ces responsables concernés sont à la fois claires, documentées et pertinentes.
Un contrôle rigoureux est nécessaire, certes, mais le contrôle n’a jamais été synonyme de désignation publique. Ici, la démarche ressemble moins à une évaluation qu’à une mise en scène, où l’exposition médiatique semble avoir pris le pas sur la rigueur institutionnelle.
L’absence de mise en demeure : un manquement procédural
Plus grave encore, plusieurs sources affirment que la Cour n’a pas adressé de mises en demeure préalables avant de publier son rapport. Or, cette étape est essentielle : elle garantit le droit de réponse et permet à l’administration concernée d’apporter ses justifications avant que l’opinion ne se forge une impression erronée.
Sauter cette phase, c’est trahir l’esprit même du contrôle : celui d’un dialogue contradictoire entre auditeur et audité. Le rapport devient alors une opération de communication, non un instrument de réforme.
Le contrôle oui, le discrédit non
La transparence est une exigence démocratique, pas une arme. Le rôle de la Cour n’est pas d’humilier, mais d’améliorer. Son rapport devrait nourrir la réforme, pas l’indignation. Il devrait encourager les bonnes pratiques au lieu de décourager les bonnes volontés.
En transformant la reddition des comptes en un spectacle public, la Cour prend le risque de fragiliser sa propre autorité morale. Le contrôle n’a de sens que s’il inspire confiance. Or, la confiance se gagne dans la rigueur, la mesure, et le respect du contradictoire.
Pour une culture du contrôle juste et équilibrée
La Mauritanie a besoin d’une Cour des comptes forte, respectée et respectueuse. Une Cour qui alerte sans humilier, qui critique sans caricaturer, qui sanctionne sans théâtraliser. Car l’argent public se protège mieux avec des institutions crédibles qu’avec des rapports spectaculaires.
Contrôler, oui. Dénigrer, non.
La transparence n’est pas un show : c’est une culture. Et c’est à ce prix que la Cour des comptes pourra vraiment jouer son rôle dans la modernisation de l’État.