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Chroniques d’un officier subalterne( 3e partie) / Par Ely Krombele

Chroniques

cridem , 15- 05 -2025

1/ Ouff..je logeais avec le futur président de Mauritanie….

L’ancien conseiller du président français François Mitterrand, monsieur Jacques Attali, un écrivain qui prétend lire l’avenir comme Nostradamus, a dit: « si Hitler n’avait pas attaqué la Russie en 1941, il serait probablement mort dans son lit comme le dictateur espagnol Franco ». Les suppositions événementielles sont à mettre sur le compte de la contingence, puisqu’elles n’auront pas eu lieu.

Avec subjectivité, on peut relater ce que l’on voit à l’instant « T », un récit qui appartiendra sans doute à l’Histoire. C’est ainsi que « les hommes font leur propre histoire, pas de manière arbitraire, mais à partir de circonstances héritées du passé », selon le théoricien du marxisme Karl Marx.

Par contre pour nous musulmans, chaque individu est soumis à sa destinée et personne ne peut savoir de ce que demain sera fait avec exactitude. L’ Humanité se pose des questions le plus souvent dogmatiques, heureusement que notre sainte religion nous donne les réponses qui satisfassent entièrement notre entendement, même pour ce qui est du discours eschatologique.

Tout cela relève du domaine de l’ontologie, une métaphysique qui nous transcende, sauf sur sa partie qui traite de l’être humain et ses rapports avec autrui…. Et voilà que les personnes dont on parle aujourd’hui, ont chacun eu un destin, soit-il tragique, périlleux ou envieux… C’est notre sort à tous …hypocrites mortels.

Alors en ce qui concerne le domaine de société, du vivre ensemble, en jeune sous-lieutenant, se cherchant une voie pour ses premiers pas, je n’ai jamais compris pourquoi Sarr Amadou et Mohamed Ould Abdel Aziz ne s’appréciaient guère. Si le premier était mon chef direct, le second était un ami avec lequel je partageais et le gîte et le couvert.

Pourtant Aziz et Sarr, avec leur autre collègue, le sous-lieutenent Diako Abdoulkrim, sont tous sortant de l’Académie militaire royale de Meknès, au Maroc, le 1er Août 1980. En général, il existe un corporatisme synthétique entre les collègues de la même promotion, même s’ils sont d’origine ou de caractères différents.. La seule fois que j’ai posé la question à Sarr, quant au litige entre lui et Aziz, il m’a répondu vaguement en bredouillant ces mots: « bon, c’est le système beidane….le classement du B3 ». C’était pour la première que j’entendais le terme de « système beidane ».

Au début, je croyais qu’il faisait allusion au fait que le Maure soit encore ce bédouin insouciant et qui s’exerce toutefois à vouloir vivre dans la cité, en ne respectant pas les codes de la modernité. Mais lorsqu’en Octobre 1987, alors en stage d’artillerie à Draguignan, j’ai vu le nom de Sarr Amadou cité parmi les officiers qui ont voulu renverser Maawiya, et qu’il en était même l’un des principaux leaders du mouvement de contestation, j’ai fait un flash-back pour me remémorer tous les moments que j’ai partagés avec lui de novembre 1980, à Juillet 1981, date de son départ pour un stage en Algérie. Personnellement je garde de lui un bon souvenir; nos rapports étaient respectueux.

Puisqu’en jeune sous-lieutenant, fraîchement moulu de l’Académie Royale, Sarr Amadou avait d’autres préoccupations qui n’étaient certainement pas les miennes, que sont : me défaire de ma tenue treillis à la descente, taper dans un ballon l’après-midi et le soir aller regarder un bon film au cinéma Chaaitou ou me faufiler dans le quartier Jedida….Sarr Amadou, à cet âge, avait-il un mentor ou un gourou, ou des politiciens civils plus mûrs qui le manipulaient?

Aurait-il été précocement plus intelligent ou plus ambitieux que ses autres aînés officiers Peuls ? Dans la vie chacun suit son destin et les mêmes causes produiront les mêmes effets. Que la terre lui soit légère. Il y a deux années environ un général sortant de Saint-Cyr m’a affirmé que la majeur partie des officiers africains sortant de Meknès sont biberonnés à faire des coups d’Etat.

Mohamed Ould Abdel Aziz était un jeune et beau sous-lieutenant, certes avec un caractère taciturne mais supportable. Il ne trichait pas, il ne mentait pas, il se voulait droit. L’âgé de moins d’un quart de siècle, comme nous tous d’ailleurs, il savait ce qu’il voulait; il avait la tête sur les épaules.

Il voulait changer sa situation matérielle, puisqu’avec le « salaire de misère d’un sous-lieutenant, on vit comme un mendiant », avait-il l’habitude de dire. Jusque là, rien d’anormal, mais comment changer sa condition de manière honorable? Les années passèrent et Aziz n’était plus le même. Sa situation actuelle m’empêche de parler de lui à charge, car on ne tire pas sur un homme genou à terre.

Après le 16 Mars 1981, Aziz a acheté sa première berline, l’ambition vient de démarrer. Aziz et moi étions invités souvent chez la grande famille de griots maures de Ehel Chighaly. Le’amar, son épouse et Aiché Mint Chighaly montaient la gamme de musique épique, de quoi esquinter leurs cordes vocales pour deux « bzougués » dont l’un avait la poche constamment vide et l’autre le boubou sans poche.

La date du 16 Mars 1981 fût cruciale pour la Mauritanie, car le pouvoir de Haidalla était en tension avec le Maroc et certains changements structurels devaient arrivés. Ainsi Bellahi Ould Maouloud fût muté à Rosso, et Niang Harouna l’a remplacé à Kaédi.

Le capitaine ou commandant Niang, qui est décédé (yarahmou) il n’y a pas longtemps dans son village de Wothi, à quelques kilomètres de Boghé, était un brillant officier qui avait de l’avenir, bien au-delà du clivage ethnique aiguisé par les événements de 1966, 1987, 1989-90. Mais son destin a rencontré la colère victimaire de certains éléments de son ethnie, à l’instar de beaucoup d’autres innocents et qui ont été emportés, comme lui par les démons de l’amalgame.

Cet officier que je connais bien et devant lequel s’ouvrait, j’en étais persuadé un boulevard de lauriers, n’a pu supporter, jusqu’à son dernier soupir, et ce dans un silence de stoïcien, l’injustice dont il a été l’objet. Niang Harouna avait pour adjoint le lieutenant Ely fall Ould Mohamed Vall, un autre sortant de Meknès et qui finira par occuper le prestigieux poste de CEMGAA, avant sa retraite au grade de colonel.

Au milieu de la même année de 1981, le Sak a reçu le sous-lieutenant Ahmedou Ould Ghazwani, sortant d’Irak et qui a logé avec Mohamed Ould Abdi (yarahmou), Aziz et moi, chez un parent gendarme du nom de feu Hacen Ould Einé, au quartier Moderne. C’est le lieutenant feu Sow Ahmed commandant de la compagnie de Gendarmerie de Kaédi qui aurait informé le gendarme Hacen Ould Einé de la présence à Kaédi de deux de ses parents officiers (Mohamed Abdi et moi); car nous avons rencontré feu Sow Ahmed à la cérémonie du lever de couleurs au gouvernorat du Gorgol.

En ce moment Aziz et moi occupions une maison près du stade de Kaédi. Lorsque Hacen est venu me chercher, je lui ai dit que, je loge avec un ami et que je ne pourrais pas le quitter. Hacen m’a rétorqué qu’il y a de la place pour tout le monde chez lui. Les anciens étaient formidables et ils se contentaient de peu pour vivre et pour aider. Peut-on, doit-on oublier un service rendu, une main tendue? Le sous-lieutenant Ahmedou Ould Ghazwani qui est venu nous rejoindre était le prototype même de la simplicité et de la joie de vivre.

C’est lui le premier officier que j’ai connu parmi l’illustre famille Ehel Ghazwani, bien avant Nagi et Mohamed au sous-groupement 41, à Fdérik, 1985-86 (on en parlera inch’Allah). Ahmedou Ould Ghazwani qui est parti à la retraite au grade de colonel, reste jusqu’au aujourd’hui un imputrescible ami sincère, toujours le même. Et pourtant il pouvait faire valoir sa proximité d’avec son cousin germain, le président actuel Mohamed Ould Cheikh Ghazwani et revêtir le manteau du profit et surtout du népotisme fangeux.

Dans la vie, ceux qui changent, suite à une stature éphémère, concrétisent au contraire leur vraie nature. Quand on est au sommet de la gloire, on porte sur le cœur ce qu’on est réellement en termes d’acquis et d’inné.

Si vous rencontrez quelqu’un de gentil, de disponible et de bonne moralité, dites-le, car les hypocrites ne méritent pas une attention particulière, au demeurant ils donnent la nausée. Car les mauvaises odeurs n’ont pas besoin qu’on en parle, elles se propagent d’elles-mêmes…

Chroniques d’un officier subalterne

( A suivre inchAllah)

ELY OULD KROMBELE, FRANCE

Source : cridem actualité mauritanie

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