Chronique | Une richesse sans reflets : la Mauritanie des laissés-pour-compte
Une richesse sans reflets
La Mauritanie est un pays riche, nul ne peut le nier. Du sous-sol regorgeant de minerais précieux, aux réserves prometteuses de gaz naturel, en passant par des ressources halieutiques abondantes, notre pays a de quoi nourrir et élever dignement toute sa population. Pourtant, une dure réalité s’impose : cette richesse, largement chantée dans les discours officiels, ne se reflète pas dans le quotidien des citoyens.
Aujourd’hui, il suffit d’un tour dans les marchés de Nouakchott, Rosso ou Kiffa pour prendre la température d’un peuple à bout de souffle. Les prix flambent, les étals se vident, et les portefeuilles, eux, restent faméliques. Les salaires, quand ils existent, ne suffisent plus. Même les fonctionnaires, jadis considérés comme des privilégiés, peinent à joindre les deux bouts. Louer une maison, payer les factures, nourrir une famille, scolariser les enfants… chaque fin de mois est une bataille.
Et pendant que les charges s’empilent, les solutions manquent cruellement. Nos décideurs semblent dépassés, enfermés dans une logique de conjoncture mondiale et de chiffres macroéconomiques qui n’apportent aucun réconfort à ceux qui n’ont même plus de quoi faire bouillir la marmite.
Face à cette impasse, la jeunesse, ce capital humain si souvent vanté dans les conférences, choisit de partir. Vers l’Occident, vers l’inconnu, parfois vers la mort. Le désert libyen, les eaux de l’Atlantique, les barbelés de Melilla : autant de lieux où s’évanouit l’espoir mauritanien. Et ce ne sont pas des déscolarisés ou des marginaux. Ce sont des diplômés, des techniciens formés, des universitaires qui ne croient plus en leur pays. Pas par manque de patriotisme, mais parce que le pays, lui, ne leur donne aucune raison d’espérer.
Et voilà que s’approche à grands pas la fête de Tabaski – ou Diouldé Taski, comme nous l’appelons en poular . Ce moment de partage et de dignité pour la famille devient, année après année, un véritable casse-tête. Le mouton est devenu un luxe. Certains pères de famille se résignent déjà à passer la fête sans rien à offrir à leurs enfants. Là encore, les symboles d’une société équilibrée et solidaire s’effritent.
On ne peut pas continuer à naviguer à vue, à croire que la croissance économique profitera « un jour » aux pauvres, que la manne gazière changera tout. Les gens ont faim aujourd’hui, les jeunes s’exilent aujourd’hui, les familles croulent sous les dettes aujourd’hui.
Il est temps de revoir nos priorités, de remettre l’humain au cœur de l’action publique, et surtout, d’écouter cette majorité silencieuse qui, sans bruit, sans tambour ni klaxon, souffre dans l’ombre d’un pays qui semble avoir oublié sa promesse sociale.
MBD : Ha yesso ko lawol
Avec Senalioune