Chasse aux Noirs et illusion du dialogue : quand la trahison parle notre langue
Chasse aux Noirs et illusion du dialogue : quand la trahison parle notre langue
En Mauritanie, la chasse aux Noirs bat son plein, à peine voilée, méthodique, assumée. Elle se déploie dans les lois, dans les symboles, dans les affectations administratives, dans les exclusions silencieuses et les humiliations ordinaires. Elle avance sous les habits de la normalité. Elle se glisse dans les politiques linguistiques, dans les concours publics truqués, dans les nominations ethniquement filtrées. Elle efface les voix, les visages, les mémoires.
Et pourtant — ou peut-être à cause de cela — certains Noirs, transformés en ayatollahs du dialogue, nous invitent à y participer. Non pas pour nous défendre, mais pour cautionner notre propre effacement. Ces serviteurs du consensus nous tendent la main, pendant que le système nous serre la gorge.
“Alors que la chasse aux Noirs bat son plein, voilà que certains de nos frères, transformés en ayatollahs du dialogue, nous invitent à rejoindre la table… pour y être servis en plat principal.”
Il faut oser le dire : nous vivons une époque où la compromission est maquillée en sagesse, où la reddition est baptisée ouverture, où trahir devient une posture politique admise, parfois même encouragée. Ces figures, noires mais alignées sur les intérêts du pouvoir, parlent d’inclusion pendant que leurs frères sont exclus, battus, exilés, effacés.
“Certains veulent négocier leur place dans le banquet de l’oppression. Nous, nous refusons d’être au menu.”
L’invitation à l’amnésie
Le dialogue national, dans sa version actuelle, ressemble à une mise en scène contrôlée, une théâtralisation de la démocratie, où le sort des Noirs mauritaniens est traité comme une variable d’ajustement, une option parmi d’autres. Pire : ceux qui sont censés porter notre voix deviennent les premiers à prêcher l’amnésie.
“Pendant que le pouvoir perfectionne l’art de l’effacement des Noirs, une caste zélée de négociants en compromission, noirs eux-mêmes, prêche le dialogue comme on vend une illusion.”
Ces porte-voix asservis récitent les éléments de langage du système. Ils répètent que “le moment est venu de dépasser les blessures”, alors même que les blessures s’ouvrent chaque jour davantage, que les plaies sont niées, que les responsables des crimes historiques dorment en paix — parfois même récompensés par des postes de prestige.
Ils nous disent que “l’unité nationale n’a pas de couleur”. Non, bien sûr. Mais l’injustice, elle, a des cibles bien identifiées. Et la Mauritanie d’aujourd’hui produit du silence sur commande, avec des porte-paroles en option.
Une stratégie de domestication
Ce que le pouvoir cherche à faire, à travers ces figures noires du dialogue, ce n’est pas la réconciliation. C’est la domestication. Il veut des visages noirs pour décorer ses commissions, pour donner à ses simulacres de concertation une apparence d’équilibre. Mais derrière ces visages, ce sont des voix muettes, des consciences achetées, des convictions en solde.
“Le cynisme a changé de visage : il est noir, docile, et parle au nom de la paix pendant que le système poursuit l’exclusion.”
Il ne s’agit pas ici de refuser le dialogue par principe. Le dialogue authentique, équitable, ancré dans la vérité et la justice, est une exigence légitime. Mais participer à une mascarade, se prêter à une opération de blanchiment politique d’un régime qui refuse encore de reconnaître les crimes du passé et qui continue ceux du présent sous d’autres formes, c’est tout simplement trahir.
“Le paradoxe est saisissant : au moment où les symboles et les réalités de la négrophobie institutionnelle s’intensifient, certains de nos représentants autoproclamés appellent à dialoguer… avec ceux qui nous effacent.”
Nous avons besoin d’un dialogue, oui. Mais d’un dialogue avec le peuple, pas avec les bourreaux. D’un dialogue qui commence par la reconnaissance, par la vérité, par la justice, pas par des formules vides autour d’une table bien décorée.
Nous devons refuser de négocier notre dignité. Refuser de faire semblant. Refuser de participer à un théâtre où nous jouons les figurants dans notre propre mise à mort symbolique.
“Tandis que le vent du mépris balaie nos visages,
Tandis que nos noms s’effacent des registres,
Voilà que des prêcheurs de la reddition — noirs eux-mêmes —
Nous invitent à danser autour du feu…
Qui consume déjà nos droits.”
Eywa : nous ne dialoguerons pas pour être réduits au silence
Non, nous ne dialoguerons pas pour valider une exclusion programmée. Non, nous ne jouerons pas le rôle de complices dans le théâtre de l’oubli. Non, nous ne servirons pas d’alibi à ceux qui refusent de regarder la vérité en face.
Le dialogue est une chose noble. Mais lorsqu’il devient un outil de domination, il faut le dénoncer avec force, le refuser avec dignité, et en appeler à un autre type de parole : celle qui naît de la résistance, pas de la soumission….wetov
Sy Mamadou