Ceuta: retour sur la crise migratoire survenue cette semaine dans l’enclave espagnole.

Ceuta: retour sur la crise migratoire survenue cette semaine dans l’enclave espagnole.

L’Espagne a connu une crise migratoire sans précédent en début de semaine. Plusieurs milliers de candidats à l’exil sont arrivés dans l’enclave espagnole de Ceuta. Cet afflux a pu se produire à la faveur du relâchement des contrôles frontaliers du Maroc, partenaire majeur de Madrid dans la lutte contre l’immigration illégale.

Cette crise migratoire n’est pas simplement espagnole mais revêt une dimension européenne en ce sens que les frontières de Ceuta et Melilla sont les uniques démarcations terrestres entre les continents africain et européen.

Mardi, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a annulé sa participation à un sommet à Paris pour se rendre sur place.

• Quelle est l’ampleur de la vague migratoire?

Quelque 8000 migrants ont réussi à gagner l’enclave de Ceuta depuis lundi. Des arrivées qui ont été suivies de refoulements massifs et parfois de heurts avec les forces de l’ordre ibériques. Jeudi, 6000 migrants avaient été expulsés vers le royaume chérifien, selon les autorités espagnoles. Ces dernières ont fait état de deux morts par noyade.

L’image d’un bébé sauvé des eaux par un agent de la garde civile espagnole a fait le tour du monde et suscité l’effroi sur les réseaux sociaux. Des adolescents seuls, parfois très jeunes, ont également été vus, tentant leur chance, arriver par la mer, se faire refouler ou traîner dans les rues de Ceuta.

Melilla, la seconde enclave espagnole, a également été le théâtre de tentatives de franchissement de la frontière. Dans la nuit de mercredi à jeudi, une centaine de migrants ont tenté en vain d’y entrer en franchissant la haute clôture, ont annoncé les autorités espagnoles, qui sont parvenues à bloquer ces migrants.

Dans la nuit de mardi à mercredi, 40 personnes originaires d’Afrique subsaharienne avaient déjà tenté en vain de franchir la haute clôture à Melilla, dans une autre zone, selon la préfecture. En revanche 86 migrants, dont une femme, également originaires d’Afrique subsaharienne sont parvenus à passer mardi à l’aube la clôture haute de plusieurs mètres de haut, sur un groupe de plus de 300 migrants. Vendredi, 70 Marocains ont réussi à entrer dans Melilla.

• Pourquoi y a-t-il eu des tensions entre l’Espagne et le Maroc?

Une vive discorde a éclaté entre les deux monarchies depuis l’arrivée en Espagne, en avril, de Brahim Ghali, le chef du Front Polisario. Le leader indépendantiste sahraoui est soigné en raison de son infection au Covid-19.

« La véritable source de la crise c’est l’accueil par Madrid sous une fausse identité du chef séparatiste des milices du Polisario », a confirmé le royaume chérifien, selon l’agence officielle MAP, citée par l’Agence France-Presse (AFP).

Le Maroc attend de l’UE qu’à l’instar de l’ex-président américain Donald Trump, elle reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara occidental.

« L’agressivité de Rabat contre l’Espagne en particulier, est la conséquence immédiate du rejet par la communauté internationale de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental », a réagi le Front Polisario vendredi dans un communiqué, appelant l’ONU, l’UE et l’Union africaine à faire pression sur le Maroc.

« Le Maroc comptait, par erreur politique, sur certains pays membres de l’Union européenne pour endosser la déclaration de Trump », ajoute le communiqué sahraoui.

Jeudi, le gouvernement espagnol a dénoncé le fait que le Maroc « utilise les mineurs ». Ancienne puissance coloniale au Sahara occidental, l’Espagne a averti le Maroc que sa position ne changerait pas sur la question de ce vaste territoire désertique dont le statut reste indéfini.

• Qu’en était-il de la situation en fin de semaine?

Jeudi, la zone frontalière entre Ceuta et le Maroc avait recouvré son calme, et le flot d’arrivées s’était tari.

Auprès de l’AFP, la préfecture de Ceuta a affirmé jeudi qu’il restait 800 des « quelque 1500 » mineurs arrivés depuis lundi et qu’il y a eu « beaucoup de retours volontaires ». Des bus affrétés par le Maroc récupéraient les derniers refoulés à la frontière. Des sources policières avaient indiqué que « l’Espagne et le Maroc avaient conclu un accord pour officialiser ce qu’il se passe déjà en pratique, et depuis hier soir, les retours se font par groupe pour les adultes entrés à Ceuta ».

Vendredi, un migrant a tenté de se pendre à Ceuta, a indiqué la police qui l’a secouru. Ce jeune Marocain s’était pendu par le cou avec un câble métallique au milieu d’une promenade maritime. Il n’avait ni pouls ni respiration lorsque la police l’a sauvé après l’alerte donnée par un témoin, ont expliqué les forces de l’ordre dans un communiqué. Les agents ont réussi à le ranimer et « ont réussi à maintenir le jeune homme en vie jusqu’à l’arrivée des secours », qui l’ont transféré dans un hôpital, précise le communiqué.

Après des échanges musclés les jours précédents, le gouvernement espagnol avait vendredi adouci le ton.

« Il y a eu un désaccord, mais entre deux pays qui se connaissent, se respectent et s’estiment », et nous devons faire en sorte que « ce désaccord soit le plus court possible », a souligné le ministre de l’Intérieur Fernando Grande Marlaska dans un entretien à la radio espagnole Cope.

Vendredi toujours, une association marocaine de défense des droits humains a réclamé l’ouverture d’une enquête sur le décès d’un jeune migrant qui tentait de rallier Ceuta cette semaine.

Le corps de Saber Azouz, 20 ans, a été repêché en mer jeudi et sa famille assure que « des traces de sang ont été retrouvées sur ses vêtements », indique l’Observatoire nord des droits de l’Homme (ONDH) dans un communiqué publié sur sa page Facebook.

• Pourquoi y a-t-il des enclaves espagnoles au Maroc?

L’enclave de Ceuta est un héritage, au même titre que celle de Melilla, de l’époque de la colonisation espagnole. Melilla se trouve plus à l’est, à 400 km. L’Espagne exerce sa souveraineté sur Ceuta depuis 1580 et sur Melilla depuis 1496.

Ports francs vivant d’un commerce prospère avec l’Afrique, ces deux enclaves sont appelées « présides » (« places fortes ») par le Maroc, qui les considère comme parties intégrantes de son territoire national.

Plusieurs milliers de Marocains venaient chaque jour y travailler ou faire leurs achats avant la pandémie de Covid-19.

Fin 2020, Ceuta comptait 84.000 habitants sur moins de 20 km², à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Tanger, juste en face de Gibraltar. Située à 150 km de l’Algérie, la ville de Melilla (12,5 km²), accueillait quant à elle fin 2020 une population cosmopolite de plus de 87.000 habitants.

Clarisse Martin

MSN

BFMTV avec AFP

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