Biram Dah Abeid : Rejet du dialogue gouvernemental et tensions avec le ministre de l’Intérieur
Biram Dah Abeid : Rejet du dialogue gouvernemental et tensions avec le ministre de l’Intérieur
Biram Dah Abeid, député et ancien candidat à la présidence, s’est récemment exprimé contre le dialogue politique proposé par le gouvernement mauritanien, qu’il considère comme une « manipulation » pour maintenir le statu quo. Une partie de ses critiques s’est particulièrement dirigée contre le ministre de l’Intérieur, qu’il accuse de jouer un rôle central dans l’échec des précédents dialogues et dans la gestion des élections. Pour Dah Abeid, il est impératif que le pays adopte un processus démocratique véritablement inclusif et transparent, loin de ce qu’il appelle des « compromis » avec des acteurs politiques en connivence avec le régime en place.
Un rejet catégorique du dialogue et du rôle du ministre de l’Intérieur
Dah Abeid a fermement rejeté l’initiative de dialogue telle qu’elle a été annoncée, qu’il considère comme un simulacre destiné à « contourner les véritables problèmes » du pays et à préserver les intérêts d’un système qu’il qualifie de corrompu. Selon lui, le dialogue tel qu’il est structuré ne permet pas de résoudre les problèmes de gouvernance de la Mauritanie, mais constitue une diversion visant à légitimer le pouvoir en place.
Une de ses critiques principales concerne l’implication du ministère de l’Intérieur dans la supervision du dialogue. Dah Abeid considère cette situation comme un moyen de manipuler le processus en faveur du régime et de fausser les résultats des discussions. Dans une déclaration à l’agence Alakhbar , Il dénonce aussi la gestion des élections par ce ministère, qu’il considère responsable des fraudes électorales passées et d’une absence de transparence dans les recensements des citoyens, notamment ceux « empêchés de compter ».
Pour Dah Abeid, l’enjeu dépasse le simple rejet du dialogue ; il appelle à un véritable renforcement des mécanismes démocratiques, où les décisions issues du dialogue soient réellement contraignantes, supervisées par un organe indépendant, et appliquées de manière efficace. Il insiste aussi sur la nécessité de concentrer le dialogue sur trois blocs de l’opposition et des organisations de la société civile sérieuses, et non sur des partis ou acteurs en connivence avec le pouvoir.
Une opportunité pour une transition démocratique, malgré ses imperfections
À l’opposé, certains défenseurs du dialogue gouvernemental estiment qu’il représente une chance, même imparfaite, pour amorcer une transition démocratique. Bien que critiquée pour son manque de rigueur et de garanties, cette initiative est perçue comme un pas en avant pour ouvrir un espace de discussion entre le pouvoir et l’opposition sur des sujets essentiels comme le passif humanitaire, l’esclavage, et la lutte contre la corruption. Selon eux, ces questions, bien qu’ayant été abordées dans le passé sans grandes avancées, restent cruciales pour le développement du pays et le bien-être de ses citoyens.
Les partisans du dialogue soulignent que ces discussions, même si elles n’ont pas toujours été couronnées de succès, ont permis de créer un cadre pour l’expression des idées, ce qui représente un progrès par rapport aux périodes de décisions unilatérales imposées par le gouvernement. Ils estiment que, sous certaines conditions, ce dialogue pourrait donner lieu à des réformes sérieuses, notamment avec l’engagement de garantir que les décisions prises soient effectivement mises en œuvre par un organe externe, pour éviter toute manipulation partisane.
Un processus risqué ou un tremplin pour le changement ?
L’opposition de Biram Dah Abeid repose sur une critique sévère de l’inaction du gouvernement lors des précédents dialogues et de l’utilisation des mécanismes démocratiques comme des instruments au service du pouvoir. Pour lui, ces dialogues n’ont rien changé de fondamental et ont permis au régime de continuer à contrôler les institutions sans réelles transformations.
Cependant, il reste à savoir si un dialogue, même imparfait, pourrait véritablement contribuer à une amélioration de la gouvernance, si des mécanismes efficaces et neutres sont mis en place pour en garantir la mise en œuvre. Bien qu’il puisse apparaître comme une solution boiteuse, un tel dialogue pourrait, dans cette optique, offrir une plateforme pour des réformes progressives, notamment si des acteurs extérieurs et des parties prenantes de la société civile se montrent déterminés à influencer les résultats.
La question cruciale demeure : le gouvernement saura-t-il démontrer que ce dialogue ne sera pas une répétition des erreurs du passé, mais un réel levier pour engager un changement ? Sans garanties solides, il pourrait être perçu comme une nouvelle tentative de manipulation politique pour maintenir le contrôle sur les principaux enjeux du pays.
Une lutte pour un véritable changement démocratique
Biram Dah Abeid, par ses critiques acerbes, soulève des préoccupations légitimes sur la sincérité du gouvernement dans sa volonté de réformer le système politique du pays. Ses attaques contre le ministre de l’Intérieur et contre le processus de dialogue reflètent un scepticisme bien ancré, issu des déceptions passées. Toutefois, ceux qui défendent le dialogue estiment que ce processus, bien que perfectible, reste une porte d’entrée vers une plus grande inclusivité et une démocratie véritable. La Mauritanie, une fois de plus, se trouve à un carrefour entre la tentation du statu quo et l’espoir d’un changement véritable. Il reste à savoir si le dialogue pourra réellement offrir une opportunité de transformation démocratique ou s’il ne sera qu’un simulacre de plus.
Ahmed Ould Bettar