Billet d’humeur – Extradition Express : chroniques d’un retour sous haute tension
Billet d’humeur – Extradition Express : chroniques d’un retour sous haute tension
Par Ahmed OULD BETTAR
23 avril 2025, quelque part en Afrique de l’Ouest. Un mercredi, bien sûr. Car si la diplomatie avait un calendrier préféré, ce serait celui du milieu de semaine. C’est donc ce jour-là que le ministre de la Justice d’un pays que nous ne nommerons pas (mais dont le thé à la menthe fait fureur) décide de faire un geste d’amitié envers ses voisins : leur rendre un de leurs concitoyens. Un colis diplomatique humain, si l’on veut.
Le destinataire ? Un homme condamné à mort depuis 2012. L’affaire, elle, est restée en suspens depuis, comme une mauvaise série qu’on oublie de finir… Jusqu’à ce qu’un ministre zélé décide d’appuyer sur « jouer« .
Retour à l’envoyeur : l’extradition « normale » version ministérielle
Conférence de presse, nœud de cravate impeccable, et ton solennel : le ministre en question assure que cette extradition est « tout ce qu’il y a de plus normale« . Oui, normale, comme regarder les infos en s’endormant ou discuter le bout de gras. Il évoque le fameux « principe de réciprocité » — comprenez : tu me rends mes prisonniers, je te rends les tiens. Un troc judiciaire à l’ancienne identique au troc du sel du désert du Sahara . Ne manque que la carte de fidélité à tamponner.
« On a déjà fait ça avec d’autres pays« , ajoute-t-il. À ce stade, on pourrait presque croire à une stratégie de réexportation.
Accueil triomphal sous conditions floues
De l’autre côté de la frontière, l’homme est accueilli avec tout le cérémonial d’un retour de star – version tragique. Les autorités promettent une révision de procès, ou du moins l’envisagent. À condition, peut-être, que les vents politiques soient favorables et que les archives ne se soient pas volatilisées entre-temps.
Les ONG montent au créneau : « C’est non, et re-non »
Dans la sphère des droits humains, c’est l’alarme rouge. Plusieurs organisations dénoncent une procédure entachée de graves irrégularités. L’accusé aurait « avoué » sous la contrainte, autrement dit après avoir fait connaissance avec l’artillerie non conventionnelle de la police locale. Une version très libre du « procès équitable ».
Micro ouvert : colère citoyenne et familles déchirées
Du côté des collectifs militants, on ne décolère pas. Pour l’un des porte-voix du mouvement « Justice pour X », cette affaire semble ne pas sentir la rose tournée depuis 2012, et la manière dont elle est emballée aujourd’hui monte aux narines.
Les familles, elles, oscillent entre larmes, prières et indignation. D’un côté, une mère espère revoir son fils libre. De l’autre, la famille de la victime réclame une justice qui ressemble à autre chose qu’un tour de passe-passe diplomatique.
Juristes et experts : « Ce procès ? Un brouillon de polar judiciaire »
Chez les juristes, c’est la grimace. Les mots « procédure bâclée« , « absence de preuves solides » et « dossier politique » tel un message qui revient en boucle. Certains parlent d’un procès plus proche d’une fiction bancale que d’un état de droit.
Mais l’affaire continue, comme une série dont personne ne sait trop comment ni quand elle finira. Et surtout : si elle finira bien.
Au fond, ce feuilleton judiciaire, c’est un peu comme une lettre mal affranchie : elle revient toujours à l’expéditeur. Et à chaque retour, elle est un peu plus froissée, un peu plus floue, un peu plus explosive.
Si cette affaire avait un slogan, ce serait :
« 13 ans d’attente, un vol retour, et toujours pas de justice à bord. »
La morale de l’histoire ? Elle a visiblement raté sa correspondance.
Prochaine audience : inconnue. Mais une chose est sûre : dans ce théâtre de la diplomatie, la justice a encore du mal à trouver sa place au premier rang.