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Aziz et Ghazouani : autopsie d’une rupture politique entre frères d’armes

Ils ont cheminé côte à côte pendant plus de deux décennies, de la caserne à la présidence. Mais en l’espace de quelques mois, leur alliance s’est muée en fracture ouverte. Quels sont les véritables ressorts de la rupture entre Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Ghazouani ? Analyse factuelle d’un divorce politique au sommet de l’État mauritanien.

Aziz et Ghazouani : Une camaraderie forgée dans l’armée

Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Ghazouani sont issus de la même génération militaire. Leur amitié remonte aux années 1980, lorsqu’ils servaient ensemble dans les rangs de l’armée mauritanienne. Ensemble, ils ont participé au renversement du président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya en 2005, puis au coup d’État de 2008 qui propulsa Aziz à la tête du pays.

Durant la décennie de pouvoir d’Ould Abdel Aziz (2009–2019), Ghazouani fut tour à tour chef d’état-major des armées, puis ministre de la Défense. Homme de confiance du président, il était perçu comme un pilier discret du régime.

2019 : la transition qui devait rassurer

Lorsque Mohamed Ould Abdel Aziz annonça en 2019 son départ de la présidence, il désigna Ghazouani comme son successeur naturel, orchestrant sa candidature sous la bannière de l’Union pour la République (UPR). L’élection fut remportée par Ghazouani dès le premier tour, dans une atmosphère de stabilité apparente.

Mais rapidement après son investiture, des signes de distanciation émergèrent. Le style de gouvernance du nouveau président, plus consensuel et moins autoritaire, contrastait avec celui de son prédécesseur.

Les raisons profondes de la rupture : que disent les faits ?

1. Le contrôle du parti UPR : le point de bascule

Le tournant décisif est survenu en fin 2019-début 2020, lorsque Mohamed Ould Abdel Aziz tenta de reprendre les rênes de l’UPR, affirmant qu’il en restait le président fondateur. Mais les instances du parti, avec le soutien tacite du président Ghazouani, répliquèrent en neutralisant cette tentative. Une réunion du Conseil national de l’UPR officialisa le soutien de la majorité des cadres au nouveau chef de l’État.

→Fait avéré : Aziz a tenté de s’imposer comme leader du parti après son départ, ce qui a été perçu comme une volonté de continuer à influencer le pouvoir. Ghazouani, en consolidant son autorité sur l’UPR, a affirmé son autonomie politique.

2. L’enquête parlementaire et les poursuites judiciaires

En 2020, une commission d’enquête parlementaire (CEP) est mise en place pour examiner les pratiques de gestion sous le régime d’Aziz. Cette démarche, validée par l’exécutif, marque une escalade. L’ancien président est rapidement convoqué par la justice, puis inculpé en mars 2021 pour corruption, blanchiment et enrichissement illicite.

→Fait avéré : Bien que Ghazouani ait toujours affirmé l’indépendance de la justice, cette procédure n’aurait pu être lancée sans au minimum l’assentiment politique du nouveau pouvoir. La CEP et le Parquet ont établi des faits graves qui ont servi de fondement aux poursuites.

3.  Des conceptions divergentes du pouvoir

Sur le fond, les deux hommes divergent sur la conception de l’État. Aziz était partisan d’un pouvoir hyper-centralisé autour de sa personne. Ghazouani, à l’inverse, semble vouloir réhabiliter les institutions et encourager un jeu politique plus ouvert.

Observation : La rupture est aussi idéologique. L’un voulait rester l’homme fort dans l’ombre, l’autre a choisi d’assumer seul les leviers du pouvoir. La cohabitation était intenable.

 Les déclarations publiques : entre rancœur et justification

Mohamed Ould Abdel Aziz a publiquement accusé son successeur de trahison. Il s’est défendu de toute malversation, affirmant être victime d’un « règlement de comptes politique ». De son côté, Ghazouani a gardé un ton mesuré, répétant que la justice suivait son cours.

À noter : Aucun élément concret ne permet de confirmer les accusations d’instrumentalisation judiciaire, même si le contexte reste fortement politisé.

Une rupture inévitable ?

La fracture entre Aziz et Ghazouani semble avoir été inéluctable, dès lors que le second a choisi de s’émanciper. Plus qu’un simple différend personnel, il s’agit d’un conflit entre deux visions du pouvoir, cristallisé par la tentative d’Aziz de rester influent après son départ. Le choix de Ghazouani de ne pas se laisser dicter une ligne par son prédécesseur a précipité la rupture.

En définitive, ce divorce illustre la difficulté des transitions entre dirigeants issus d’un même système militaire, où loyauté personnelle et intérêt d’État finissent souvent par s’opposer.

Rapide info avec agences

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