Au Mali, les djihadistes se rappellent au mauvais souvenir du G5 Sahel

A Dioungani puis à Sokolo, dans le centre du pays, deux attaques meurtrières ont été revendiquées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, lié à Al-Qaïda.

Par Paul Lorgerie Publié aujourd’hui à 17h50 LeMonde

Alors qu’Emmanuel Macron et ses homologues du G5 Sahel ont décidé lors du sommet de Pau, le 13 janvier, de concentrer leurs efforts militaires sur la zone des trois frontières (Mali, Niger et Burkina Faso) et contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS),

c’est le centre du Mali qui vient d’être le théâtre de nouvelles attaques, revendiquées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, lié à Al-Qaïda).

Dimanche 26 janvier, aux environs de 6 heures, le poste avancé de gendarmerie de la localité de Sokolo, proche de la frontière avec la Mauritanie, a été attaqué par des éléments armés. Le dernier bilan de l’attaque dressé par l’armée malienne fait état de vingt gendarmes tués et cinq blessés. Quatre assaillants sont morts. Du matériel militaire a été emporté et brûlé. Des renforts ont été dépêchés depuis Diabaly, ville située à une dizaine de kilomètres. L’inhumation des corps a eu lieu l’après-midi même.

D’après une source militaire, la centaine d’assaillants s’est divisée en trois groupes pour attaquer « par l’est, le nord et le sud ». « En provenance du nord, proche de la Mauritanie ou de la forêt de Wagadou, ils ont cherché le flanc le plus faible avant de pénétrer dans le camp », détaille notre interlocuteur. La zone frontalière avec la Mauritanie est connue pour héberger des groupes du GSIM. Et l’attaque prouverait que ces éléments « sont infiltrés dans la population, que leurs renseignements fonctionnent mieux que les nôtres et qu’ils avaient connaissance du matériel à l’intérieur du camp », note la même source.

Dans la nuit du 22 au 23 janvier, une autre position des forces armées maliennes avait été attaquée à Dioungani, non loin du Burkina Faso. Le mode opératoire était identique, sauf que les unités maliennes appelées à la rescousse étaient tombées dans une embuscade. Onze militaires maliens ont perdu la vie dans la double attaque. L’assaut a aussi été revendiqué par le GSIM, qui a ensuite diffusé des photos sur lesquelles figurent les véhicules, armes et munitions saisies par le groupe. La même journée, un militaire perdait la vie non loin de là, à Boulikessi, dans l’explosion d’un engin explosif improvisé.

Un message fort envoyé aux combattants


En réaction à ces événements, le président Ibrahim Boubacar Keïta a convoqué une session extraordinaire du Conseil supérieur de défense et de sécurité, dimanche après-midi. Si les conclusions sont confidentielles, cette réunion avait pour objet « l’évaluation de la situation dans le centre en vue d’un réajustement de la stratégie », explique la présidence.

Le jeudi précédent, le haut représentant du président de la République pour les régions du centre dévoilait lors d’une conférence de presse que des émissaires avaient été envoyés pour entrer en contact avec les deux principaux chefs du GSIM, Amadou Koufa et Iyad Ag Ghali. « Mais ces attaques peuvent être une façon de dire qu’il est trop tard », avance prudemment Brema Dicko, sociologue au sein de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako et spécialiste du centre du Mali.

Selon le chercheur, ce serait également un message fort envoyé à l’opinion publique et aux combattants, pour dire que le groupe n’est pas mort. D’après des sources croisées, des éléments du GSIM auraient fait défection ces derniers temps pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique, désigné comme l’ennemi principal dans « la lutte contre le terrorisme » au Sahel lors du sommet de Pau.

Paul Lorgerie (Bamako, correspondance) LeMonde

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