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Éditorial – Aimer son pays, c’est aussi le questionner

Peut-on aimer la Mauritanie tout en la critiquant ? Cet éditorial explore les tensions identitaires du pays et plaide pour une critique constructive, lucide et patriote.

Il n’est pas rare d’entendre, au détour d’une conversation ou sur les réseaux sociaux, des voix mauritaniennes qualifier leur propre pays de « raciste ». À première vue, cette accusation paraît brutale, injuste même, pour une nation souvent décrite comme un trait d’union entre l’Afrique noire et le Maghreb. Pourtant, derrière ce mot-choc, se cache une interrogation plus profonde : peut-on aimer son pays et, en même temps, l’accuser de ses travers ?

La Mauritanie, un carrefour aux identités multiples

Notre pays est une mosaïque de cultures, de langues et de traditions. Cette diversité, que l’on présente souvent comme une richesse, est aussi parfois source de tensions. Les inégalités sociales, les fractures mémorielles et les discriminations, réelles ou ressenties, alimentent des discours accusateurs. Parler de racisme en Mauritanie, ce n’est pas inventer une réalité étrangère : c’est reconnaître que certaines pratiques, marginales mais persistantes, minent la cohésion nationale.

La critique : poison ou antidote ?

La critique d’un citoyen envers son pays n’est pas en soi un signe de trahison. Elle peut être l’expression d’une douleur intime ou d’une volonté de changement. Mais il y a une nuance essentielle : critiquer pour détruire n’apporte rien, critiquer pour construire est un acte de patriotisme. Celui qui insulte globalement la Mauritanie sans nuances ne rend pas service à la cause qu’il prétend défendre. En revanche, celui qui dénonce une injustice avec des faits et des propositions participe à l’édification d’un avenir meilleur.

Que faire face aux voix de la colère ?

Plutôt que de rejeter ou de diaboliser ceux qui parlent de racisme, il est plus sage de les écouter. Le dialogue, la reconnaissance des blessures historiques et la mise en place de politiques inclusives sont les seules réponses durables. La Mauritanie n’a pas besoin de slogans destructeurs, mais d’un projet collectif où chaque composante de la nation se sent respectée et entendue.

Un devoir de responsabilité

Accuser son pays de tous les maux peut soulager une colère personnelle, mais cela ne bâtit pas l’avenir. À l’inverse, fermer les yeux sur les injustices, par excès de fierté nationale, est tout aussi dangereux. La voie de la sagesse se trouve entre ces deux extrêmes : aimer la Mauritanie sans complaisance, la critiquer sans haine, et travailler à la réconciliation de ses divers héritages.

Car aimer son pays, c’est aussi avoir le courage de le questionner.

Ahmed Ould Bettar

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