Ahmed Yahya, la VAR et la réforme du football mauritanien : vision d’avenir ou scandale mal compris ?
Alors que la VAR suscite la polémique, Ahmed Yahya impose une vision ambitieuse pour le football mauritanien, entre éthique sportive et réforme structurelle.
Dans toute nation en mutation lente, les hommes qui précèdent leur époque finissent d’abord conspués, puis cités. L’histoire récente de la Fédération mauritanienne de football, sous la présidence d’Ahmed Ould Yahya, en est une parfaite illustration. Tandis que les réseaux sociaux s’agitent autour des 75 millions d’ouguiyas investis dans la VAR, peu nombreux sont ceux qui perçoivent que cette dépense, décriée comme excessive, est en réalité un signal faible d’une vision structurante.
Introduire la VAR dans un football local encore tributaire du bénévolat arbitral et du sous-équipement chronique, ce n’est pas faire de l’ostentation technologique — c’est installer une grammaire nouvelle : celle de la rigueur, de la traçabilité et du standard. Car en football comme en gouvernance, le recours à la vidéo, c’est accepter que le jugement ne soit plus seul, que l’erreur humaine ne soit plus impunie, et que la vérité soit parfois dans l’angle que l’œil nu ne capte pas. Autrement dit : une petite révolution éthique.
Et si cette technologie coûte, elle paie. Elle crédibilise nos compétitions, elle prépare nos arbitres à l’exportation, elle prépare surtout nos clubs à l’exigence continentale. Faut-il rappeler que sans VAR, point de licence CAF Pro pour nos enceintes sportives ?
L’autre paradoxe du sport mauritanien est de disposer d’un complexe olympique au statut administratif kafkaïen. Une direction, un budget public, un directeur général, mais aucune vision intégrée. Ce stade, financé par le contribuable, reste figé dans un immobilisme réglementaire, quand il pourrait devenir une vitrine continentale si, au lieu d’un cloisonnement bureaucratique, il était confié à la Fédération, seul organe compétent, reconnu, soutenu par la FIFA et la CAF.
Pourquoi n’a-t-on toujours pas planté de pelouse naturelle certifiée ? Pourquoi le stade n’est-il pas agrandi latéralement par deux tribunes de 10 000 places chacune, alors même qu’un plan « clé en main » a été plusieurs fois proposé par des partenaires techniques ? Pourquoi refuse-t-on à la FFRIM d’installer des sièges aux normes FIFA, là où des pays à PIB moindre le font sans bruit ? Parce que l’on confond encore prestige et procédure.
Aujourd’hui, les Mourabitounes jouent à Nouadhibou non par stratégie, mais par défaut : le Stade Cheikha Boïdiya est en rénovation — et cette rénovation est elle-même le fruit du lobbying personnel d’Ahmed Ould Yahya auprès de Gianni Infantino. Mais nul n’en parle.
Faut-il dissoudre l’Office du Stade Olympique ?
La question mérite d’être posée avec gravité. Pourquoi maintenir un établissement public qui ne produit aucune valeur, sinon des conflits de compétence ? Pourquoi entretenir une direction stérile, financée par l’argent public, quand une fédération dynamique, structurée, capable d’attirer des financements exogènes, est volontaire pour le gérer selon les standards internationaux ?
Ce n’est pas une guerre d’ego. C’est une question de cohérence : le sport d’élite ne peut être piloté par des structures d’État sans cap stratégique.
Ahmed Ould Yahya n’a pas besoin de plaidoyer. Il construit dans un pays où l’on applaudit le discours mais où l’on sabote l’effort. Ceux qui crient au scandale financier ignorent que les 75 millions engagés dans la VAR pèsent moins qu’un tiers du budget annuel d’un club professionnel moyen de la sous région. Mais voilà : en Mauritanie, il est toujours plus facile de critiquer un pionnier que de réfléchir aux moyens de le rejoindre.
Un jour, on comprendra que le seul luxe que s’offre Ahmed Ould Yahya, c’est de rêver un football debout, dans un pays qui s’accoutume à marcher courbé.
Mohamed Ould Echriv Echriv