Aïd sans gouvernement : l’interpellation subtile de Mohamed Abba Sidi Jeilany réveille un vieux décret
Gouvernement : Le chargé de mission Mohamed Abba Sidi Jeilany relance le débat institutionnel en interrogeant publiquement la validité de l’article 5 du décret 28-92, après l'absence remarquée du Premier ministre à la prière de l’Aïd à la Mosquée Ibn Abbas.
Ce matin d’Aïd à Nouakchott, un silence inhabituel pesait sur les premiers rangs de la Mosquée Ibn Abbas. Le gouvernement, au grand complet, y brillait par son absence. Mais c’est sur Facebook que la scène trouve son écho le plus puissant : Mohamed Abba Sidi Jeilany, discret mais précis, réveille un décret oublié. Et avec lui, tout un pan de l’architecture protocolaire mauritanienne.
Depuis le matin sacré de l’Aïd, les fidèles ont remarqué une absence de taille à la Mosquée Ibn Abbas : le Premier ministre et tout son gouvernement ont déserté les premiers rangs.
Les experts se sont mis à scruter les décrets.
Et voilà qu’un homme surgit. Ce n’est ni un ministre, ni un député, mais bien Mohamed Abba Sidi Jeilany, chargé de mission auprès du Premier ministre, qui choisit de jeter un pavé dans la mare, publiquement, via son mur Facebook. Il y publie, sans y répondre, une interrogation d’apparence anodine mais au parfum d’examen de haute magistrature :
« Les dispositions de l’article 5 du décret 28-92 du 18 avril 1992 ont-elles été abrogées ? »
Et voilà qu’il laisse la République réfléchir seule, suspendue entre les lignes d’un texte qui, peut-être, continue de produire ses effets dans l’ombre.
Le décret 28-92, vieux briscard de la Première République démocratique, a bien été partiellement abrogé en 2007 par le décret 2007-157. Mais pas en totalité. Ce que le décret de 2007 dit, noir sur blanc, c’est que « toutes dispositions antérieures contraires » sont abrogées — donc pas le décret entier.
Et là où ça devient croustillant, c’est que l’article 5 de ce décret de 1992 n’entre en contradiction avec aucune disposition actuelle. Il précise que :
« En cas d’absence ou d’empêchement provisoire du Président de la République, le Premier Ministre peut présider les conseils des Ministres. »
Cet article, toujours valide, pose en creux une logique : quand le Président est hors-jeu, le Premier ministre devient première figure de l’État — dans la limite de la délégation politique.
À la Mosquée Ibn Abbas, il ne s’agit pas de présider un conseil des ministres, certes. Mais dans l’imaginaire républicain, la prière de l’Aïd, surtout en l’absence du Président, représente un acte de présence d’État. Y briller par l’absence, sans délégation officielle, c’est laisser le terrain au vide symbolique.
Et donc la question d’Abba Jeilany ne vise pas un gadget juridique : elle soulève le cœur du problème protocolaire.
Il est facile de moquer les « chargés de mission » comme de simples éléments de décoration. Mais parfois, comme dit le proverbe :
« أهل مكة أدرى بشعابها »
Abba est dans la maison, et il sait où sont les clés. En posant cette question, il remet la lumière sur un article que même les constitutionnalistes à la retraite avaient laissé dans l’ombre.
En résumé :
Non, le décret 28-92 n’est pas abrogé en totalité.
Oui, son article 5 est toujours en vigueur, car il n’est contraire à aucun texte postérieur.
Donc, le Premier ministre, en l’absence du Président, avait pleine latitude pour se présenter à la prière, ou assurer toute présence symbolique républicaine.
Dans cette République, les textes n’ont pas d’âge ; ils attendent seulement qu’un Abba de service vienne les réveiller. Et pendant que d’autres débattaient du prix du mouton, lui scrutait le décret oublié, rappelant que la loi, c’est aussi de la mémoire.
Mohamed Ould Echriv Echriv