A la découverte de Nimzath, la Cité bénie confinée au cœur du désert

A la découverte de Nimzath, la Cité bénie confinée au cœur du désert

​« Seigneur ! Je te demande pour la vertu que tu as pour la plume sacrée, les anges Gabriel, Mikail et Asrafil, d’être Miséricordieux et d’accorder ta grâce à la race ‘’Adiam’’. Dirige-moi sur le droit chemin. Et fait que mon tombeau soit comme ton illustre maison (la Kaaba). En y exauçant la prière de toutes les créatures. O Seigneur ! Répands la paix sur le chemin de Nimzath et facilite son accès au moyen de transports, à mes fils et disciplines et à tout le monde… ». À travers ces prières de Cheikhna Cheikh Saad Bouh, le grand maître savait ainsi, depuis longtemps, que la terre sainte de Nimzath serait un lieu de pèlerinage, le premier du genre a eu lieu en 1942.

A la découverte de Nimzath, la Cité bénie confinée au cœur du désert

« Si on parle de Nimzath, c’est parce que des milliers de Sénégalais s’y retrouvent chaque année pour célébrer la Korité ». Tout est parti des années 1940 (23 ans après la disparition de Cheikh Saad Bouh) quand, un beau jour, Cheikh Moussa Mbaye du quartier de Guet-Ndar, à Saint-Louis, alors âgé de 27 ans, se promenait à Dakar en compagnie d’un jeune Chérif, Saad Bouh Ould Abdati, lequel habitait la ville de Mbour.

Chemin faisant, Saad Bouh l’invita à entrer dans une maison du quartier de la Médina d’où fusait un bruit assourdissant dû à la répétition de quelques musiciens. Surpris par cette décision, Cheikh Moussa fit remarquer au Chérif que ce milieu n’était pas décent pour eux. Le jeune Saad Bouh, en insistant, lui rétorqua qu’il allait avoir un adepte dans cette maison.

En effet, dès qu’ils entrèrent dans la maison, un jeune homme nommé Moustapha Gueye (un ancien douanier devenu musicien) se détacha du groupe de musiciens et s’inclina, en guise de soumission, devant Saad Bouh qui, en lui tendant la main, lui dit : « Tu t’es soumis à moi, mais en réalité, tu es le talibé de ton oncle Cheikh Amdal Mamoune Ould Cheikh Atkhâna Ould Cheikh Saad Bouh ». C’est ce nouveau talibé, Moustapha Guèye, complètement « métamorphosé », se présenta en 1942 au village des pécheurs de Cayar auprès de Cheikh Moussa Mbaye, venu pêcher dans cette localité.

Moustapha le mit au courant des démarches qu’il avait entreprises avec les nommés Mambaye Sow, Ablaye Sène et Cheikh Yaye Touty Samb, tous de la région de Dakar, pour se rendre en pèlerinage à Nimzath. Bien que sceptique sur ce « voyage » à l’aventure, Cheikh Moussa accepta de partir avec eux, en plus de quelques talibés Khadrya.

L’historique du pèlerinage annuel de Nimzath

Un camion T 45, qu’un Libanais de Dakar leur avait loué à 20 000 Frs, leur servait de moyen de transport. Et avisés des difficultés d’accès à Nimzath, ils partirent une semaine avant la fin du mois de Ramadan. En dépit de toutes les précautions prises par les pèlerins (pelles et autres matériels), ils mirent trois jours pour couvrir la distance entre Djedîda (4 Km à l’est de ce village) et Nimzath (soit 50 Km environ). Ce n’est que l’année suivante (1943) que les disciples de Mbour, Sébikotane, Mbao, Ngoumba et Saint-Louis réunis autour de Cheikh Diouga Gaye, Maissa Gaye, Amadou Ndiaye Gora et Omar Diop Mayel, se joignirent à ceux de Dakar pour accomplir le second pèlerinage avec sept camions.

Ainsi fut institué, depuis le Sénégal, le pèlerinage annuel de Nimzath qui, en dépit de l’éloignement et des fatigues qu’il engendre, reçoit de plus en plus de pèlerins venus principalement de ce pays. Toutefois, il convient de préciser que le pèlerinage de Nimzath n’a été officiellement décrété qu’en 1949 grâce à El Hadj Cheikh Sarr, disciple de Cheikh Taleb Bouya, à Dakar, qui l’a négocié auprès des autorités coloniales qui assurèrent l’escorte aux pèlerins.

Le choix du mois de Ramadan

Et pourquoi les pèlerins ont-ils choisi le mois de Ramadan et précisément à la fin de ce mois? Il n’y a nul doute qu’ils se sont référés à la deuxième prière du grand Maître Cheikhna Cheikh Saad Bouh que voici : « O seigneur ! Bénis ce mois sacré qu’est le Ramadan. Fais que, durant ce mois, nos intentions et actes soient également bénis et fructueux. Que nos grâces y soient accrues d’année en année ».

Ce que les fidèles Khadres retiennent par cette prière extraite de « Tawassul », c’est que Cheikh Saad Bouh, à l’instar de son ancêtre, le Prophète Mouhammad (PSL) à qui Dieu a accordé toutes sortes de grâce parmi lesquelles le rassemblement des musulmans à Médine et à La Mecque lors de la Tabaski, a sollicité de son créateur qu’il lui réserve, pour sa part, le jour de la Korité. Ce sont plus de 100.000 Sénégalais qui se déplacent chaque année à Nimzath, la cité bénie de Cheikhna Cheikh Saad-Bouh, cette partie de Mauritanie, située à 150 km de la frontière sénégalaise.

L’on se plaît à parcourir ses différentes artères, pour se donner une image de la localité, enfouie au cœur du désert. Soirées religieuses ponctuées de « tabalas », chants dédiés à Cheikhna rythment les nuits de Nimzath. Sur le chemin de la cité bénie, le mérite des pèlerins, c’est d’être toujours d’un comportement irréprochable, parce qu’ayant choisi d’effectuer le pèlerinage en terre étrangère. Alors, chaque pèlerin doit se comporter comme un ambassadeur du Sénégal en République islamique de Mauritanie. Et rien dans leurs actes au quotidien n’est de nature à compromettre la parfaite entente entre nos deux pays.

Connus pour leur sens élevé de la citoyenneté et du respect de l’autre, les Sénégalais doivent préserver cet héritage tout le temps qu’ils sont restés en Mauritanie. C’est parce que, les talibés khadres sont connus pour leur discipline et leur respect des principes qui fondent la démocratie et l’égalité, que les autorités sénégalaises se doivent d’accompagner cette dynamique de paix et de parfaite entente entre ces deux peuples frères.

Nimzath, la nuit…

Au cours de ces dernières années, Nimzath a radicalement changé de visage. Même si, à l’occasion du pèlerinage annuel, les tentes (khayma, dans le langage courant) se dressent un peu partout à la faveur du dynamisme exceptionnel des talibés khadres et de la sollicitude des Chérifs, des bâtiments prennent de la hauteur un peu partout dans cette localité.

A côté, de petites maisons sont en train d’être aménagées avec des tôles en zinc pour préparer certains cycles du pèlerinage qui coïncident avec la saison des pluies. Une vision prospective qui témoigne de la volonté des khadres d’aménager l’espace pour pouvoir y vivre en toute quiétude. Autant de choses qui expliquent une volonté clairement affichée de tout mettre en œuvre pour faciliter le séjour aux pèlerins dans le cette cité religieuse, où Cheikhna Cheikh Saad-Bouh s’est définitivement installée en 1910 pour permettre à ses talibés et autres hommes en quête de miséricorde divine de le retrouver sur place.

La nuit, à Nimzath, c’est aussi une occasion idéale pour se retrouver au beau milieu de chants religieux que les Dahiras venus un peu partout à travers le Sénégal, animent à la gloire du Prophète Mohamed (PSL). Mais aussi ses serviteurs, à l’image de Cheikhna Cheikh Saad Bouh Abihi et ses petits-fils.

KORITE : Le voyage de la foi pour des milliers de Sénégalais

Il faut comprendre que le mois béni de Ramadan est le seul mois qui a été évoqué dans le saint Coran. Lorsque Cheikhna Cheikh SaadBouh a atteint un degré de spiritualité très élevé, il a demandé à tous ceux qui voudraient se recueillir auprès de lui, de faire le déplacement de Nimzath, durant ce mois béni de Ramadan. Surtout durant la dernière décade afin qu’elle puisse coïncider avec la nuit des décrets. C’est-à-dire cette nuit qui vaut 1000 mois.

Selon Chérif Hassana, Cheikhna Cheikh Saad-Bouh a demandé aux talibés khadres de faire le déplacement de Salihina durant cette période pour pouvoir récolter les fruits de la dévotion par la grâce d’Allah le Tout-puissant. Mieux, poursuit le Chérif qui fait la fierté de Ndande, « avec l’avènement de Cheikh Talibouya, il a demandé aux talibés de rester à Nimzath pour prier ensemble le jour de la Korité ». Si 1946 a été le point de départ du pèlerinage annuel de Nimzath, il faut reconnaître avec Chérif Hassana, que Cheikh Talibouya en profita pour interpeller le Sénégal qui, faut-il le rappeler, est le « grenier de la khadrya ».

« Que ceux qui effectuent le pèlerinage en ma dernière demeure voient tous leurs vœux exaucés et que ma dernière demeure soit à l’image de Baytilahil Haram de La Mecque, un haut lieu de pèlerinage ». Pour Chérif Hassana, cet appel de Cheikhna Cheikh Saad-Bouh n’a pas été prononcé ex-nihilo. « C’est parce que le Cheikh fut conscient de cette opportunité qu’il conféra à ses talibés cette chance unique. Car, sa proximité avec Allah le Tout-puissant pouvait lui permettre d’espérer une telle récompense, fruit d’une dévotion exemplaire ».

Et ils sont des milliers de Sénégalais qui chaque année prennent le chemin de Nimzath pour raffermir leur foi. Mais aussi et surtout pour montrer leur degré d’attachement envers les dignes fils de Cheikhna. D’autant que le Sénégal est incontestablement la terre de prédilection des Chérifs.

Le Témoin

Pressafrik

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