Algérie-Libye : une position ferme et réaliste (1re partie)
Publié par LSA – le 06.05.2021 , 11h00
Par Mostefa Zeghlache
Lorsqu’on évoque les relations entre l’Algérie et la Libye, un petit clin d’œil à l’Histoire nous enseigne qu’un lien symbolique unit ces deux pays depuis très longtemps. Ce lien réside en la personne et l’œuvre du cheikh Mohammed ben Ali Al-Senoussi, dit «le Grand Al-Senoussi», né en 1787 à Bouguirat, près de Mostaganem, en Algérie, et décédé en 1859 à Al-Jaghboub, dans le gouvernorat de Cyrénaïque en Libye.
Il a fondé la confrérie Senoussiya en 1837. Il avait quitté l’Algérie à la suite de l’intervention française pour s’installer en 1840 à La Mecque où il fonda la Tarîqa al-Senoussiya, puis la Dynastie senoussie avec à sa tête son petit-fils Idriss Al-Mahdi qui a été émir de Cyrénaïque (1949-1951) et devenu roi de Libye (1951-1969) sous le nom d’Idris 1er.
Il avait proclamé l’indépendance de l’émirat de Cyrénaïque en 1922, puis, en 1951, l’indépendance du royaume de Libye avant d’être renversé par un coup d’État militaire dirigé par Kadhafi, le 1er septembre 1969.
Durant la lutte de Libération nationale, des citoyens libyens avaient soutenu la résistance algérienne et c’est à Tripoli que s’est tenu, du 27 mai au 7 juin 1962, un congrès extraordinaire du FLN pour définir les grandes lignes de l’après-indépendance de l’Algérie.
Néanmoins, les relations entre l’Algérie indépendante et la Libye ne connaissent un raffermissement qu’à la fin des années 1960. L’accession au pouvoir en Algérie du colonel progressiste et anti-impérialiste Boumédiene, à la suite d’un coup d’Etat militaire, et celle de Kadhafi, autre colonel féru de nassérisme et de panarabisme, lui aussi après un coup d’État militaire en Libye, donneront aux relations entre les deux pays un caractère particulier où les convergences ont nettement surpassé les divergences et ce, jusqu’à la mort du Guide libyen, en octobre 2011, avec néanmoins une phase de tension au début des années 1980.
Le socialisme «spécifique» et le progressisme des deux régimes politiques en place ont servi de base idéologique et politique au rapprochement entre l’Algérie et la Libye et à la constitution du Front arabe de la résistance pour «renforcer la résistance palestinienne» et dont Tripoli a abrité un «mini- sommet» le 2 décembre 1977 et Alger, les 2 et 3 février 1978, un sommet. Ce Front a été constitué par l’Algérie, la Libye, le Yémen du Sud, la Syrie, l’Irak et l’OLP, suite à la visite de la «capitulation» de Sadate en Israël en novembre 1977 qui sera suivie par la signature, le 17 septembre 1978, d’un accord de paix avec Israël, à Camp David, aux États- Unis.
La constitution de l’Union du Maghreb arabe (UMA), organisation économique et politique formée de cinq pays, l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie, et dont le traité constitutif a été signé à Marrakech le 17 février 1989 dans le sillage de la réunion du 10 juin 1988 à Zéralda, le moins que l’on puisse dire c’est que «prisonnière des différends entre chacun des pays, dont le conflit du Sahara occidental», elle n’a pas contribué à resserrer les liens entre les pays membres, y compris l’Algérie et la Libye. D’ailleurs, son Conseil des chefs d’État ne s’est plus réuni depuis 1994.
L’autre point de rapprochement a été le soutien de Kadhafi à la lutte du peuple sahraoui, jusqu’en 1984. En effet, les relations algéro-libyennes s’étaient détériorées suite à la signature, le 13 août 1984, du Traité d’Oujda entre Kadhafi et Hassan II en «représailles» au Traité de fraternité et de concorde signé entre l’Algérie et la Tunisie le 19 mars 1983 et auquel adhérera la Mauritanie par la suite. Après la dénonciation de l’accord d’Oujda par Hassan II, les relations algéro-libyennes ont retrouvé un caractère plus serein, jusqu’à la chute du régime de Kadhafi à la suite du soulèvement populaire de mars 2011.
La chute sanglante du régime de Kadhafi dans le sillage du Printemps arabe et après l’intervention de l’OTAN a été également à l’origine de sérieux malentendus entre le nouveau régime libyen représenté, à l’origine, par le Conseil national de transition, (CNT) et les dirigeants algériens, l’Algérie s’opposant à cette intervention qu’elle considère «comme le prélude à l’éclatement du pays et à une instabilité régionale incontrôlable». Alger reconnaîtra par la suite le CNT.
La position constante de l’Algérie en faveur d’un règlement politique négocié à travers un dialogue inter-libyen, position correspondant à la feuille de route de l’Union africaine (UA), a déplu aux puissances occidentales et à leur «protégé», le CNT. Ce dernier a accusé l’Algérie de soutenir en armes et en hommes les combattants pro-Kadhafi, pour se raviser le 11 juin 2011. «Vue d’Alger, l’intervention occidentale a entraîné la militarisation à grande échelle de la société libyenne et la déstabilisation en chaîne de toute la zone sahélo-saharienne.» Pour Alger, le facteur sécuritaire aura désormais la priorité sur toute autre considération. La frontière sera fermée en 2012.
C’est l’accueil par Alger de l’épouse du leader libyen tué et de 3 de ses enfants, le 1er novembre 2011, qui a fait monter la tension entre Tripoli et Alger. L’accueil avait été décrit par Alger comme humanitaire et transitoire. Ce qui s’avéra exact, par la suite.
Lors de la «seconde guerre civile» qui avait couvert la période avril 2014-octobre 2020, l’Algérie a tenté de conserver une position médiane entre les protagonistes de l’Est et ceux de l’Ouest. Ce fut une posture difficile à tenir dans la mesure où chacun des deux belligérants voulait attirer l’Algérie de son côté et considérait, à tort, le refus d’alignement d’Alger comme une attitude qui lui était hostile, donc favorable au camp adverse.
Depuis le début du conflit, de nombreuses délégations libyennes des deux camps ont visité Alger. Parmi les plus importantes, signalons celle effectuée par le maréchal Haftar le 29 janvier 2017.
Une source diplomatique a indiqué à Middle East Eye que le maréchal, soutenu par le Parlement de Tobrouk, était à Alger pour «négocier un accord de coopération avec l’armée algérienne». C’était méconnaître la position stable de l’Algérie. En effet, à cette occasion, le visiteur libyen s’est vu rappeler cette position suivie d’un refus poli de s’engouffrer dans un deal pareil.
S’ensuivra alors un autre évènement qui renforcera la méfiance réciproque, lorsqu’en mai 2017, le MAE Messahel avait visité les villes libyennes de Tripoli, Benghazi, Zentane et Misrata. La visite a été considérée par Haftar et ses alliés à Tobrouk comme une «ingérence» évoquant une «tournée sans autorisation préalable» du ministre algérien qui «a agi comme s’il s’agissait d’une wilaya algérienne».
La cerise sur le gâteau a été la déclaration irresponsable et présomptueuse de Haftar à la chaîne Al Jazeera le 8 septembre 2018, durant laquelle il a menacé de déplacer la guerre en Algérie, après avoir évoqué une prétendue incursion des forces armées algériennes dans le territoire libyen. Ces propos ont été vite condamnés par le CNT dont le MAE qui les a qualifiés d’«irresponsables». Le 10 septembre, le porte-parole de l’ANL s’est empressé de déclarer que les propos du maréchal à la retraite avaient été «déformés» par Al Jazeera et souligné qu’il avait plutôt évoqué la «coopération solide avec l’Algérie qui est un pays frère». De son côté, le MAE algérien a rassuré son homologue du CNT qu’«aucune déclaration ne peut porter atteinte aux relations fraternelles entre les deux pays».
Considérant que la tension avec Haftar était une opportunité pour faire adhérer l’Algérie à sa cause, le CNT, et aux plus intenses moments de l’offensive des troupes de Haftar contre Tripoli, a tenté, au moins à deux reprises, de forcer la main à l’Algérie pour l’impliquer militairement.
Le 20 décembre 2019, le chef du GNA a demandé le soutien de cinq pays «amis», avec qui la Libye aurait signé des accords sécuritaires : Algérie, Turquie, Italie, États-Unis et Royaume-Uni. Et lors d’une conférence de presse tenue à Tunis le 26 du même mois, le ministre libyen de l’Intérieur, Fathi Bachagha, avertissait que «si Tripoli tombe, Tunis et Alger tomberont à leur tour». Mais une fois encore, et par la voix du Conseil national de sécurité, l’Algérie a réitéré le 28 sa conviction que la solution du conflit ne peut être que politique, consensuelle et fruit d’un dialogue inclusif libyen, sous l’égide de l’ONU.
Conséquence de l’extension du terrorisme de Libye vers les pays voisins, l’Algérie a été la cible d’une attaque terroriste le 16 janvier 2013 contre le site d’exploitation gazière de Tiguentourine (In Amenas), faisant 37 morts. Pour la presse algérienne, il ne fait aucun doute que les assaillants venaient du Sud libyen. Depuis, selon Middle East Eye, l’Algérie stationne entre 30 000 et 40 000 soldats techniquement bien équipés pour ce genre de mission, à la frontière entre les deux pays.
Durant l’année 2020, l’Algérie a vécu un ballet diplomatique motivé par la concertation de nombreux acteurs régionaux et internationaux avec Alger sur la base du poids politique et militaire de notre pays, de la justesse et de la constance de sa position sur le règlement du conflit libyen et de son souci de voir s’éteindre ce brasier à ses frontières.
En juillet 2020, le MAE algérien a déclaré : «L’Algérie n’est pas disposée à laisser la Libye se diriger vers un avenir inconnu.» Et ajouté que la Libye «fait partie de nous et nous ne laisserons pas cette partie de nous continuer de souffrir ainsi». Alors que certains prêtaient à Alger son alignement unilatéral sur le CNT, Alger a prouvé le contraire en recevant, le 11 janvier 2020, une délégation du gouvernement provisoire libyen (pro-Haftar) pour examiner les voies et moyens de parvenir à une solution politique au conflit.
Dans ce contexte, on signalera quelques visites à Alger de personnalités étrangères impliquées dans le conflit et ce, malgré la pandémie.
Au même jour où le chef du GNA Al-Sarraj se trouvait à Alger, le 6 janvier 2020, le MAE turc effectuait une visite officielle axée essentiellement sur la question libyenne. Les 26 et 27 janvier 2020, le Président turc Recep Tayyip Erdogan était à Alger pour une «visite d’amitié et de travail».
Certaines sources avaient évoqué une «discrète médiation algérienne entre la Turquie et l’Égypte», deux pays fortement impliqués dans la crise libyenne. La visite du président turc avait été précédée d’un refus clair de toute ingérence étrangère en Libye, y compris de la part de la Turquie, comme le laissait entendre un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, l’Algérie «considérant que la multiplication des ingérences étrangères ne pourrait que compliquer une situation déjà dramatique».
Le 27 de ce mois, le MAE émirati, Cheikh Abdullah ben Zayed Al Nahyane, visitait Alger, suivi, le 29 juillet, par le ministre des Affaires étrangères saoudien, Faiçal Ben Ferhan Al Saoud.
Pour leur part, les autorités algériennes ont déployé des efforts au plan international pour défendre la position de leur pays. Ce fut le cas à Berlin, en janvier 2020, avec la participation du président algérien au sommet sur la Libye. Mais c’est au MAE algérien qu’a échu, et c’est logique, la mission de faire entendre la voix de l’Algérie aux plans régional et international.
C’est ainsi qu’Alger a réuni le 23 janvier 2020 les représentants de cinq pays voisins de la Libye et ce, dans le «cadre des efforts internationaux visant à favoriser le règlement politique d’une crise qui menace la stabilité régionale» et propage l’hydre djihadiste dans la région.
Le 20 juillet, le président algérien recevait la représentante spéciale par intérim onusienne en Libye, Stephanie Williams, venue solliciter le soutien de l’Algérie aux efforts onusiens de sortie de crise en Libye. Elle a rappelé qu’elle travaillait sous les auspices de l’accord de Berlin, dont l’Algérie est partie.
La veille, le président avait déclaré aux médias locaux son inquiétude des «tentatives d’implication de certaines tribus libyennes dans le conflit armé» en Libye. Une allusion sans doute au déplacement, au Caire, de certains chefs de tribus de l’Est demandant au maréchal Sissi d’intervenir militairement en Libye.
En octobre de la même année, l’Algérie avait fait part de sa satisfaction à la signature d’un cessez-le-feu en Libye. Le communiqué du MAE précise que «l’Algérie, de par sa position en tant qu’État voisin de la Libye avec laquelle elle partage des liens historiques et humains étroits, et en sa qualité de membre dans le processus de Berlin, ne ménagera aucun effort pour parvenir à une solution politique pacifique garantissant l’unité et la souveraineté du peuple libyen pour vivre dans la sécurité et la stabilité, loin de toute ingérence étrangère».
Faire taire les armes et cesser les hostilités constitue une étape importante dans le processus de retour progressif de la sécurité et de l’ordre en Libye et qu’Alger, préoccupée plus qu’une autre capitale, se devait d’encourager et de soutenir pour préserver la sécurité des deux pays.
En février 2021, dès que le processus de Genève a abouti à la désignation des 3 personnalités libyennes devant présider la période transitoire, le ministre algérien des Affaires étrangères a annoncé s’être entretenu au téléphone avec le vice-président du Conseil présidentiel libyen, Moussa Al-Kouni, et reçu un appel téléphonique du Premier ministre libyen, Abdel Hamid Dbeibah, auxquels il a réitéré le soutien de l’Algérie au plan de sortie de crise en Libye.
Après le message de félicitation du président algérien à son homologue libyen, le 19 avril, les ministres algériens des Affaires étrangères et de l’Intérieur ont effectué une visite à Tripoli. Selon le communiqué du MAE, la visite «s’inscrit dans le cadre des efforts consentis pour promouvoir les relations entre les deux pays frères et exprimer le soutien d’Alger aux parties libyennes face aux défis actuels, notamment la mise en œuvre de la feuille de route pour assurer une solution pacifique et inclusive à la crise». L’Algérie a besoin d’un Etat fort en Libye, synonyme de paix et de stabilité.
En marge de la visite, certains médias ont indiqué que les relations économiques ont été également évoquées. L’Algérie aurait «proposé son aide à Tripoli dans le domaine de l’électricité ainsi que dans d’autres secteurs» et qu’un forum d’hommes d’affaires de deux pays se tiendrait bientôt.
De l’examen de ces différents indicateurs, on peut déduire que, contrairement à d’autres Etats comme la Turquie, la Tunisie, l’Égypte, certains pays arabes du Golfe et d’Europe occidentale, l’Algérie a une approche particulière des relations avec la Libye de l’après-guerre.
En effet, il ressort clairement que la stratégie algérienne privilégie les aspects politique et sécuritaire sur les questions économiques. Il est concevable qu’en tant que pays frontalier ayant subi les conséquences du conflit libyen, l’Algérie, qui partage avec la Libye une frontière de plus de 1 000 km, se sente obligée de faire des choix stratégiques. Mais force est de reconnaître que certains pays ont fait montre d’empressement pour parler business et conclure des accords commerciaux avec des autorités libyennes… transitoires. Des forums d’hommes d’affaires se sont déjà tenus avec les hommes d’affaires libyens. Même si la concurrence pour conquérir des parts du marché libyen aux besoins immenses, dans un pays potentiellement très riche, était prévisible, personne, pour l’instant, ne peut prévoir l’orientation politique et les choix économiques des institutions dont l’élection est prévue le 24 décembre 2021.
Dans un monde en perpétuel mouvement, l’avenir appartient à celui qui sait fructifier ses acquis. Et les acquis avec la Libye sont nombreux, comme la continuité géographique, le fonds ethnique arabo-amazigh, la langue, la religion et la culture constituent autant de facteurs de rapprochement et d’amitié entre les deux pays. Mais ils restent insuffisants sans base économique.
Et pourtant, les opportunités économiques entre les deux pays existent. L’exemple le plus édifiant a été celui de la Compagnie algéro-libyenne de transport maritime (Caltram) qui était très active à l’international dans les années 1980-90. Cette compagnie a malheureusement été dissoute.
A titre d’illustration, rappelons qu’une réunion s’est tenue le 28 janvier 2020 au siège du Groupe Imetal regroupant les filiales Anabib et Alfapipe et l’entreprise Azrow International Trading avec pour objectif d’importer des produits comme les pipes et les glissières de sécurité, au profit de la compagnie pétrolière nationale libyenne, la National Oil Corporation (NOC). Aujourd’hui, on ignore à quel point de réalisation se situe cette importante initiative commerciale.
Par ailleurs, un forum d’affaires algéro-libyen a été organisé le 28 janvier 2020 par la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci), en collaboration avec la Chambre de commerce, d’agriculture et d’industrie de Sebha (Sud-Ouest libyen). Les participants se sont entendus sur «l’élaboration d’une feuille de route contenant les principales actions à entreprendre pour la mise en place des conditions devant permettre la promotion et l’accroissement des échanges commerciaux et économiques, notamment au niveau des zones frontalières». Affaire à suivre.
Le 2 février 2020, le Groupe Sonelgaz et la société énergétique libyenne General Electric Company (Gecol) ont signé à Alger une convention de coopération établissant un partenariat portant sur le «transport, la distribution d’électricité et de gaz, les énergies renouvelables et la formation». Comme on peut le constater, les initiatives d’affaires répertoriées entre l’Algérie et la Libye, il devrait en exister d’autres de moindre envergure, sont modestes et se comptent sur les doigts d’une main. Ce à quoi s’ajoutent des relations commerciales insignifiantes, l’essentiel des exportations des deux pays étant dominées par les hydrocarbures. Donc tout est à faire ou presque.
La guerre civile en Libye fait désormais partie du passé, du moins l’espoir est-il permis, pour l’instant. Cette guerre a fauché de nombreuses vies non encore entièrement répertoriées et dévasté l’économie et les infrastructures du pays. Mais il faut également rappeler que l’économie libyenne avait auparavant souffert des sanctions économiques du Conseil de sécurité des Nations Unies en 1986 et prolongé en 1993. Un embargo onusien avait été imposé au pays et n’a été levé qu’en 2003.
S’il n’est pas approprié d’avoir la nostalgie du Colonel Mouammar El Kadhafi et de sa Jamahiriya, il faut tout de même rappeler que, sentant la colère de son peuple monter, la peur de la contagion du Printemps arabe aidant et la persistance de l’isolement occidental, le leader libyen avait initié tout un processus de libération économique qui faisait le bonheur de nombreuses entreprises occidentales, chinoises, russes, turques, arabes… À la diversité des contrats répondait celle des opérateurs étrangers et des chantiers. La Libye était devenue un nouvel eldorado.
Mais en 2011, il était trop tard pour sauver la Jamahiriya et son leader avec. Dès le déclenchement des manifestations, de nombreuses entreprises étrangères avaient quitté le pays qui a chuté à la 186e place sur 190 dans le classement «Doing Business». De plus, les avoirs et investissements étrangers de la Libye gérés par le fonds souverain Libyan Investment Authority (LIA) ont été placés sous séquestre par l’ONU. S’ensuivirent les résolutions 1970 et 1973 et l’intervention étrangère. Il ne fait aucun doute que les motivations des pays impliqués dans le conflit, qu’ils soient arabes ou occidentaux, sont ailleurs que dans la «libération» du peuple libyen et de la démocratie. Les raisons économiques prévalent sur la nature politique et/ou idéologique. La pauvreté et la précarité sociale ont fait leur apparition dans un des pays les plus riches d’Afrique, à cause de la guerre civile.
Pour rappel, et si l’on se réfère à l’indice de développement humain établi par le Pnud, qui était de 0,840 en 2007, faisant de la Libye un des pays les plus avancés du continent africain, il a baissé en 2013 à 0,784. Selon le Pnud, l’IDH de la Libye a connu la plus forte chute parmi les 187 pays listés.
En 2010, le Produit national brut (PNB) était de 74 milliards de dollars et le PNB par habitant de 12 020 dollars. Ce qui situait la Libye parmi les 50 pays les plus prospères au monde. Un an plus tard, en 2011, le PNB chutait à 34 milliards de dollars et le PNB par habitant à 4 700 dollars.
La Libye est riche avant tout par ses hydrocarbures. Le pays dispose des plus importantes réserves de pétrole du continent, estimées, en 2011, à 46,4 milliards de barils. Il est aussi le troisième producteur de pétrole brut en Afrique après le Nigeria et l’Angola et devant l’Algérie. Le pétrole libyen est apprécié car de qualité, peu cher à produire et situé dans la proximité des centres de consommation. S’agissant de la coopération pétrolière, les dirigeants de la NOC libyenne et de Sonatrach ont convenu, en octobre 2019, du retour de cette dernière sur le marché libyen après la suspension de ses activités en 2018, pour des raisons sécuritaires.
Aujourd’hui et dans une large mesure, les Libyens se parlent et parlent de l’avenir de leur pays. Pour l’actuel gouvernement transitoire et les instances politiques qui naîtront, on l’espère, du processus actuel, en décembre 2021, la tâche est et sera difficile et complexe.
Autant le conflit armé a été rude, autant les rivalités pour se partager « le gâteau » libyen seront sans concession. Dans ce contexte et patriotisme mis à part, on peut affirmer que la nature et la constance de la position algérienne vis-à-vis du conflit et de sa solution ont été exemplaires. Le processus qui a eu lieu depuis la signature de l’accord sur le cessez-le-feu en octobre 2020, à l’accord de Genève en février 2021, a été celui proposé par Alger. La proposition algérienne d’une solution politique négociée, consensuelle et inclusive a été celle qui a servi à l’ONU récemment pour engager le processus sus-indiqué. Quant aux dividendes économiques que pourrait en tirer Alger, on est plus prudent. L’avenir nous éclairera sur ce sujet.
M. Z.
(À suivre)
Biblio-webographie
– «La Libye vue d’Algérie, Laurence-Aïda Ammour -Article paru en italien en juillet 2019 sous le titre : «L’Algeria vuole riunire la Libia» dans la revue LIMES, Rivista Italiana di Geopolitica, no. 6/2019, Rome, pp. 71-79
Nombreux sites web ont été consultés. On en cite quelques-uns :
-https://www.lefigaro.fr/flash-actu/libye-nouvel-accord-militaire-entre-la-turquie-et-le-gouvernement-de-sarraj-20191128
– https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/le-chef-de-la-diplomatie-grecque-chez-haftar-et-au-caire-contre-l-accord-tripoli-ankara_2112373.html
– http://www.rfi.fr/afrique/20191127-etats-unis-camp-haftar-libye
– https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/21/accord-entre-ankara-et-tripoli-pour-l-envoi-de-forces-turques-en-libye_6023714_3212.html
– https://www.algerie360.com/le-parlement-turc-autorise-lintervention-militaire-en-libye/
– https://francais.rt.com/international/61165-crise-libye-tripoli-accuse-paris-de-soutenir-haftar
– https://www.algerie360.com/le-chef-du-gouvernement-libyen-a-quitte-alger-avant-larrivee-du-ministre-turc/
-https://mobile.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/l-algerie-s-oppose-a-une-eventuelle-intervention-turque-en-libye_3769583.html
– https://fr.sputniknews.com/maghreb/202001021042695742-ce-que-risque-haftar-en-cas-dattaque-contre-lalgerie-/
-https://www.algerie360.com/boukadoum-recoit-une-delegation-de-haftar-loin-du-regard-des-medias/
– https://www.algerie360.com/video-debut-des-travaux-de-la-reunion-des-mae-des-pays-voisins-de-la-libye-a-alger/
– https ://fr. sputniknews. com/international/2020012910 42976534-libye-macron-accuse-erdogan-de-non-respect-de-la-parole-donnee
– https://www.pambazuka.org/fr/governance/defaite-de-loccident-en-libye-et-declin-ideologique
– https://www.lepoint.fr/afrique/libye-la-defaite-de-l-occident-31-05-2020-2377648_3826.php
– https://fr.news.yahoo.com/ankara-balaye-mise-garde-caire-162406806.html
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– https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/l-onu-va-enqueter-sur-les-exactions-commises-en-libye-depuis-2016_4018089.html
-https://www.tsa-algerie.com/libye-le-camp-de-haftar-autorise-une-intervention-militaire-de-legypte/
– https://fr.yahoo.com/news/legypte-ne-restera-passive-cas-151330895.html
-https://www.jeuneafrique.com/1041087/politique/crise-en-libye-pourquoi-le-maroc-joue-les-facilitateurs/
– https://www.lepoint.fr/monde/libye-un-cessez-le-feu-permanent-signe-avec-effet-immediat-23-10-2020-2397761_24.php
– https://fr.news.yahoo.com/libye-accord-conclu-legide-lonu-220456901.html
-https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/pour-reconstruire-la-libye-les-75-representants-reunis-a-tunis-devront-mettre-de-cote-tous-les-antagonismes_4178355.html
– https://www.la-croix.com/Libye-election-surprise-poste-Premier-ministre-interimaire-2021-02-05-1301139209
– https://www.ouest-france.fr/monde/libye/en-libye-un-tandem-au-pouvoir-adoube-par-moscou-et-ankara-7150803
-https://fr.sputniknews.com/international/202103301045418204-libye-la-turquie-tient-beaucoup-a-toucher-les-dividendes-economiques-de-son-intervention-militaire/
– https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/en-libye-apres-10-ans-de-guerre-une-riche-economie-aujourd-hui-a-terre_2144542.html
-https://www.aa.com.tr/fr/politique/biden-trace-les-contours-dune-nouvelle-strategie-americaine-en-libye-analyse/2203358#
-https://www.lefigaro.fr/economie/la-turquie-et-la-libye-renouvellent-leur-attachement-a-un-accord-maritime-controverse-20210412
-https://fr.news.yahoo.com/libye-macron-reconnait-dette-france
-https: //fr. sputniknews. com/international/20210420 1045499629-pour-assurer-sa-securite-et-ses-affaires-alger-avance-sa-cooperation-avec-une-libye-unifiee/
-https://www.aps.dz/economie/100787-algerie-libye-le-renforcement-de-la-cooperation-economique-soulignee-lors-d-un-forum-d-affaires
– http://www.imetal.dz/imetal/cooperation-algero-libyenne-a-travers-imetal/
– https://www.msn.com/fr-xl/afrique-du-nord/algerie-actualite/sonelgaz-illumine-la-libye/ar-